WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La chose contrefaite

( Télécharger le fichier original )
par Nicolas Monteil
Université Paris I Panthéon - Sorbonne - Master 2 Droit Patrimonial approfondi 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion §2.

25.- Il a été vu que la lettre de l'article 1128 du Code civil ainsi que la dimension pénale des marchandises contrefaisantes participaient d'une application large de la solution retenue en matière de vente par la Cour de cassation. Ainsi, il ne semble pas possible, au regard du droit des sûretés, que la chose contrefaite fasse l'objet d'un droit de rétention ou d'un gage. Néanmoins, pour une partie de la doctrine, certains biens hors du commerce comme la carte grise semblent pouvoir faire l'objet d'une rétention en droit positif.

Il convient de rester prudent sur champ d'application de la sanction de nullité absolue qui serait encoure pour une convention qui porterait sur une chose contrefaite. En effet, l'entrée de la chose contrefaite dans la catégorie des choses hors commerce soulève des inconvénients sur le plan théorique. L'article 1128 du Code civil fait l'objet d'une surexposition qui déforme l'esprit du texte.

Cette variété de chose hors commerce pourrait cependant se révéler prospère64. On pourrait y ranger les stupéfiants, dont la loi interdit également tant la fabrication que la mise dans le commerce (C.,art.222-35 et s.) hors des conditions rigoureusement réglementées; ou bien encore, dans un autre ordre d'idée, une invention non encore breveté qui serait contraire à l'ordre public. En un mot, toute chose dont l'existence trahit en soi la transgression d'un interdit.

64. JCP éd. g. n°13, 24 Mars 2004, III 123 Etude par CONSTANTIN (A.), GHESTIN (J.), LOISEAU (G.), SAUPHANOR-BROUILLAUD (N.), SERINET (Y-M)

23

Section 2. Les exceptions : la validité de certains contrats

26.- Les choses hors du commerce font régulièrement l'objet de conventions- La question de la validité de certains contrats peut valablement être posée. En effet, l'évolution législative et jurisprudentielle à propos des choses hors commerce semble avoir vidé la catégorie de toute substance65. Par comparaison, le corps humain66, les clientèles civiles, le domaine public, les sépultures67, le droit moral de l'artiste, font régulièrement l'objet de conventions et il devient parfois difficile de les imaginer encore comme des choses hors du commerce. Qui plus est, certaines conventions sur des choses hors commerce sont interdites alors qu'on les admet indirectement à titre onéreux lorsqu'elles portent sur des valeurs. Par exemple68, par le passé, l'extracommercialité de la clientèle civile rendait leur cession illicite mais laissait subsister la validité d'autres prestations licites comme celles de faire ou de ne pas faire, organisées par le contrat de présentation69.

27.- La chose contrefaite est bien souvent identique à la chose authentique- Si, sur le plan juridique, le caractère contrefaisant de la marchandise l'empêche de faire l'objet d'une convention, il n'en demeure pas moins que la chose contrefaite a une réalité matérielle et économique. La marchandise contrefaisante peut faire l'objet d'un certain nombre de contrats et notamment celui dont l'objet serait la destruction de la marchandise une fois le caractère contrefaisant constaté. En réalité, ce sont principalement les contrats ne réalisant pas de transfert entre deux patrimoines privés qui peuvent s'avérer valables en droit positif (§1). De surcroît, «l'illicite universel n'existe pas»70. Les marchandises contrefaisantes font le plus souvent l'objet de conventions dans un contexte international. La convention dont l'objet serait une chose contrefaite, qui ne serait pas valable en France, pourrait, dans certaines circonstances, être reconnue licite par le juge ou l'arbitre étranger (§2).

65. obs. préc., TRICOIRE (E.)

66. La loi consacre expressément la possibilité de la cession des éléments et produits du corps humain, à titre gratuit (C.santé publ., art. L. 1211-1)

67. Certains contrats sont interdits comme la vente tandis que d'autres demeurent valables comme la donation. Précicésement, s'agissant des tombeaux et sépultures l'interdit n'atteint en réalité que les actes à titre onéreux dont ils seraient l'objet. La Cour de cassation n'est pas hostile à ce qu'ils soient l'objet d'actes juridiques à titre gratuit qu'il s'agisse d'une donation ou d'un leg, pour la donation: (Cass. 1re civ., 23 oct. 1968: Bull. Civ.I, n°245; JCP G 1969, II, 15715, note R. Lindon; Defrénois 1969, art. 29275, p.325, obs. R. Savatier)

68. En outre, les autorisations administratives à caractère personnel des exploitants de taxis dont l'économie est illicite sous la forme d'une cession, est licite sous les traits d'une présentation.

69. La jurisprudence admettait un tel contrat car ce n'est pas la clientèle elle même qui faisait le contrat, mais le droit de présentation pour lequel est retenu une valeur patrimoniale.

70. Préface thèse de COURT DE FONTMICHEL (A.) L'arbitre, le juge et les pratiques illicites du commerce international, LGDJ, thèse Paris II.

24

§1 Les contrats ne réalisant pas de mutation patrimoniale

28.- Une approche restrictive de l'extracommercialité de la chose contrefaite-Monsieur le Professeur STOFFEL-MUNCK71 considère que l'extracommercialié signifie essentiellement qu'un bien ne peut pas valablement circuler d'un patrimoine privé à un autre. Il est possible de se demander si la nullité serait encourue pour les contrats ne réalisant pas de mutation patrimoniale comme par exemple le dépôt, l'entreprise, ou l'assurance de chose. Selon cette approche, les choses contrefaites appartenant à la catégorie des choses hors du commerce, ne sont pas complètement soustraites à la volonté contractuelle; elles peuvent laisser place à une certaine activité juridique. Ainsi, seront succinctement envisagés le contrat d'assurance dommage, le contrat de dépôt, le transport, le stockage et la destruction des marchandises contrefaisantes.

A. Un risque techniquement assurable dans le contrat d'assurance dommage

29.- Un risque techniquement assurable dans le contrat d'assurance dommage- Il est légitime de se demander si la nullité serait encourue par le contrat d'assurance portant sur une chose contrefaite. La réponse est a priori incertaine. L'article 1128 du Code civil s'oppose à ce que les choses hors commerce fassent l'objet de «conventions ». Pour autant, s'agissant de l'assurance dommage, l'objet est le risque. Aujourd'hui, la vie d'une personne peut être assurée, de même que toute autre chose, quel que soit l'usage que l'on peut faire de cette dernière72.

Pour autant si le contrat d'assurance n'était pas nul sur le terrain de 1128, les articles 6 ou 1133 du Code civil pourraient venir le sanctionner d'une nullité absolue pour contrariété à l'ordre public ou pour cause illicite, sous réserve de la bonne foi de l'assuré. En effet si le risque lui-même n'est jamais contraire à l'ordre public, il en va différemment de sa couverture, réalisée par le biais de l'obligation de couverture dont est tenu l'assureur. Celle-ci peut avoir un objet illicite quand l'intérêt général s'oppose à la prise en charge du risque. Tel est le cas notamment des activités de contrebandes73.

30.- Autrement dit, même si le risque peut être techniquement assurable, sa couverture par l'assurance peut être prohibée pour des raisons d'ordre public. Il s'agirait alors d'une

71. note préc., STOFFEL-MUNCK (P.), citant les thèses préc., de MM. PAUL (F.) .,JOUARY (P.)

72. V. notamment l'arrêt validant l'assurance de l'immeuble qui sert de maison de tolérance CA Amiens, 1er juillet 1901 Gaz.Pal. 1901.2644;Cass. Req., 4 mai 1903, Gaz. Pal. 1903. 2394). Ex pris dans l'ouvrage de BIGOT (J.), et alii, Droit des assurances, t.3, Le contrat d'assurance, LGDJ, 2002.

73. Cass.req.,28 mars 1928, D. 1928.287 NIBOYET; Cass. Com., 17 oct.1972, RGAT, 1973.355.

25

inassurabilité juridique de la marchandise contrefaisante et non d'une inassurabilité technique. La Cour de cassation n'a jamais eu l'occasion de se prononcer sur la question. Toutefois, il semble que la nullité du contrat d'assurance pour contrariété à l'ordre public ne soit pas difficile à constater par le juge dès lors que le caractère contrefaisant des marchandises a été démontré. Ainsi, même si l'assurance d'une chose contrefaisante ne semble pas impossible, l'hypothèse où l'assurabilité des marchandises contrefaites serait reconnue apparaît comme étant improbable.

31.- L'impossibilité d'appliquer les règles du contrat de dépôt sur une chose contrefaite- S'agissant du contrat de dépôt relatif à une chose contrefaite, la jurisprudence et la majorité de la doctrine semblent s'opposer à une telle possibilité. Le contrat de dépôt ne peut porter que sur une chose qui se trouve dans le commerce. Cette interdiction justifie que les règles du contrat ne s'appliquent pas à une sécrétion contenant le germe de la vie et destinée à la procréation d'un être humain74. Il semble donc que le contrat de dépôt de marchandises contrefaisantes ne soit pas admis devant le juge.

B. L'interdiction légale de transporter une chose contrefaite

32.- L'interdiction du transport de la marchandise contrefaite: une limite à la libre circulation des marchandises- En principe, l'envoi peut être composé de toute marchandise, c'est-à-dire de tout bien meuble corporel pouvant faire l'objet d'un contrat commercial. Néanmoins, le législateur apporte certaines limites. D'une part, la loi interdit d'importer ou d'exporter, de réexporter ou de transborder des marchandises présentées sous une marque contrefaisante, sous peine d'une sanction pénale de quatre ans d'emprisonnement et de 400 000 euros d'amende (cf. article L716-9 du Code de la propriété intellectuelle). D'autre part, certaines choses ne peuvent faire l'objet d'un contrat de transport parce qu'elles sont placées hors du commerce par le législateur comme par exemple l'absinthe75. La chose contrefaite ne pourrait pas a priori faire l'objet d'un contrat de transport qui ne soit pas déclaré nul par le juge.

Toutefois, une fois que les produits contrefaisants ont été reconnus faux, les conventions qui organisent le transport des marchandises contrefaisantes vers un centre de recyclage ou de destruction sont, semble-t-il, valables.

74. TGI Créteil, 1er août 1984 JCP 1984. II. 20371, note S. Corone; v. cep. Cass. 2e civ. 17 juillet. 1991. Bull. civ. II, n°233, RTD civ. 1992. 412, obs. P.-Y. Gautier, pour le dépot de cadavre

75. Loi du 16 mars 1915 JO 17 Mars 1915, relative à l'interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que la circulation de l'absinthe et des liqueurs similaires.

33.-

26

Validité de l'enlèvement de marchandises contrefaisantes?- Monsieur le Professeur BRUN76 estime que l'extracommercialite de la marchandise contrefaisante ne s'oppose pas à ce que la chose contrefaite fasse l'objet d'un enlèvement. Celui-ci se définit comme l'opération matérielle par laquelle le destinataire retire les marchandises transportées dont la livraison a été acceptée77. Ainsi, imaginons que le caractère contrefaisant des marchandises ait été constaté. Celles-ci pourraient être confisquées et expédiées en vue de leur destruction soit à un établissement spécialisé, soit à l'auteur du droit violé. Dans cette hypothèse la convention qui aurait pour objet l'enlèvement de marchandises contrefaites serait valable.

C. Les contrats de stockage et de destruction d'une chose contrefaite

34.- Validité des conventions organisant le stockage et la destruction de marchandises contrefaisantes- Des marchandises contrefaisantes sont découvertes massivement chaque année. Le stockage et la destruction des produits contrefaisants sont devenus de grands sujets de préoccupation dans bon nombre de pays. Face à l'ampleur du phénomène, des structures commerciales privées visant notamment au recyclage des produits contrefaisants ont vu le jour. Au niveau européen, la SNB-REACT 78, dont l'infrastructure de recyclage est située au Pays-Bas, est notamment spécialisée dans le stockage, le transport et la destruction des marchandises contrefaites79. Cette société fournit toute l'aide nécessaire pour saisir, détenir et détruire les marchandises contrefaisantes. Ainsi, cette société privée gère des entrepôts et des conteneurs vers lesquels les produits contrefaisants sont expédiés dès qu'ils ont été identifiés comme des faux. Les installations de l'organisation sont placées sous la surveillance des douanes et la destruction des produits est organisée et prise en charge financièrement par la société privée. Ainsi, les marchandises contrefaisantes peuvent donner lieu à une convention. En échange d'une contrepartie financière des sociétés membres titulaires des droits de propriété intellectuelle, la SNB-REACT, s'oblige à stocker et détruire les produits contrefaisants. L'acheminement, parfois long, des marchandises déclarées contrefaisantes fait également l'objet d'un contrat de transport valable.

76. BRUN (P.), Illicéité de la vente de choses contrefaites Revue des contrats, 01 avril 2004 n°2, P. 337.

77. Def. Vocabulaire juridique Cornu, (G.) 7eme éd. p.352

78. SNB-REACT est un groupement à but non lucratif qui rassemble quelque 160 sociétés détenant des marques de renommée mondiale. Cette organisation privée est financée par les sociétés qui en sont membres.

79. Le stokage et la destruction de produits contrefaisants, par M. BROHM Ronald, Amsterdam (Pays-Bas) ; Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle ; COMITÉ CONSULTATIF SUR l'APPLICATION DES DROITS Cinquième session Genève, 2 - 4 novembre 2009

27

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe