3.2. Légalité pour une
égalité
La prise en compte de la population sourde - en tant qu'une
partie intégrante
de la société - semble comme un
phénomène multidisciplinaire basé notamment sur
un élément important et majeur qui est "un
accès égal à tout, pour tout le monde".
Ceci touche également le tourisme et ses alliés,
c'est-à-dire les différents sec-
teurs qui y sont directement ou indirectement connectés,
tel que le transport, la res-
tauration, etc.
« La prise en compte de la personne handicapée
comme acteur
de la collectivité, intégrée dans la
société, apparait comme une
question interdisciplinaire, qui s'analyse essentiellement
sur
la base d'un critère : l'égal accès
à tout, y compris au tou-
risme. »
(Degros, 2013)
La loi d'inclusion des personnes autrement capables y comprit
donc les sourds
- la loi du 11 Février 2005 - prévoit la mise en
accessibilité de la société pour l'en-
semble des citoyens.
Cette loi de 2005 englobant trente-six articles - articles 41 au
54 - se penche
sur trois axes principaux de la question de
l'accessibilité. La scolarité et l'emploi étant
parmi ces axes, nous nous intéressons notamment au
troisième axe qui est le cadre
bâti.
« Les dispositions architecturales, les
aménagements et équi-
pements intérieurs et extérieurs des locaux
d'habitation, qu'ils
soient la propriété de personnes privées
ou publiques, des éta-
blissements recevant du public, des installations ouvertes
au
public et des lieux de travail doivent être tels que
ces locaux et
installations soient accessibles à tous, et notamment
aux per-
sonnes handicapées, quel que soit le type de handicap,
notam-
ment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique
fÉ] »
(Loi 11 Février 2005, Article L. 41)
29
Cette loi encadre donc uniformément - mais de
manière générique - la mise
en accessibilité des biens et des services accueillant du
public. Il existe néanmoins,
quelques points obscurs dans la loi d'accessibilité
(réf. page 30).
L'égalité est le support sur lequel
l'accessibilité se matérialise. Ainsi à partir
de ce dernier le droit au tourisme et l'accessibilité au
tourisme durable se construit
progressivement.
Abordons tout d'abord le droit de l'homme. Une loi qui est
apparue le 26 aout
1789 en France et qui présage dans son premier article
que « Les hommes naissent et
demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions
sociales ne peuvent être fondées
que sur l'utilité commune [...] », donc
c'est ainsi qu'à partir de cette loi « [...] chacun
doit pouvoir accéder aux droits de la personne et aux
libertés fondamentales sans
discriminations [...] » (Degros, 2013)
A l'égard de ce fondement d'égalité chacun
doit avoir l'accès aux biens et
aux services quel que soit la nature d'activité et
l'identité sociale de l'individu. Ceci
vaut aussi lorsqu'il est question d'accès de l'ensemble
des touristes - y compris les
touristes sourds - à l'ensemble des services sans
distinctions :
« [afin] de permettre aux personnes handicapées
de vivre de
façon indépendante et de participer pleinement
à tous les as-
pects de la vie, les Etats Parties prennent des mesures
appro-
priées pour leur assurer, sur la base de
l'égalité avec les
autres, l'accès à l'environnement physique, aux
transports, a
l'information et à la communication, y compris aux
systèmes
et technologies de l'information et de la communication
[É] »
(La convention ONU, 2006)
Il est donc question de rendre la société
accessible le plus largement possible,
afin de permettre à tout individu - sourd ou non - d'avoir
accès sans frein à tous les
secteurs d'activités et de pratiques, aux biens et aux
services. De plus, il ne faut pas
oublier qu'en favorisant l'accessibilité des personnes
sourdes au patrimoine - et donc
par la suite au tourisme - nous nous permettons de créer
une identité clientèle et de
consommateur originale :
30
« [l]'amélioration de l'accès aux biens,
aux services et aux
infrastructures courants permet aux personnes
handicapées de
devenir des consommateurs. »
(Commission européenne, 2007 : 9)
L'accessibilité en tant que critère du tourisme
durable, doit être prise en
compte par les acteurs professionnels du tourisme et de
l'hôtellerie afin de respecter
les principes de développement durable, et donc de
tourisme durable. Ainsi ils ren-
dent le droit au tourisme - et donc le droit d'accès
équitable aux services - opéra-
tionnel. De plus, ils participent ainsi au fonctionnement des
droits du citoyen - per-
sonne - et de la consommation :
« [É] l'accessibilité du patrimoine, mise
en oeuvre par le droit
français de l'accessibilité, constitue un
critère fondamental du
tourisme durable, sur lequel repose le droit au tourisme.
Dans
cette hypothèse, le droit au tourisme s'appuie sur le
tourisme
durable, qui est lui-même fonde sur
l'accessibilité, afin de con-
crétiser le principe de l'égal accès de
`tous a tout'. »
(Degros, 2013)
En bref, l'accessibilité permet un passage d'une vision
individuelle à une vi-
sion écologique de la surdité et, concrétise
une dimension politique qui revendique
les même droits pour tous. Celle-ci donc affirme les droits
d'accès des personnes
autrement capables au tourisme.
Alors, à la suite de l'impact de l'accessibilité
sur l'évolution des droits, l'ap-
proche pathologique et déficitaire de la surdité se
voit muter vers une citoyenneté de
plein droit et une participation sociale avec une
indépendance la plus maximale pos-
sible.
3.2.1. Points obscurs de la loi d'accessibilité
Premièrement, à partir du décret
d'application du 7 mai 2006 de la loi 2005,
il y existe désormais deux sortes de distinctions. La
première consiste en une distinc-
tion entre les établissements recevant du public existant
et ceux qui sont neufs. La
31
deuxième distinction est liée au seuil de
fréquentation du public, catégorisé à partir
de 1500 personnes pour le premier classement jusqu'à un
nombre plus faible pour le
cinquième et dernier classement.
De ce fait il existe un seul critère qui définit -
de manière générale - ces
établissements, et cela est « l'accueil du public
». Ce terme en tant que condition
nécessaire n'est pas alors suffisante « pour en
reconnaître l'existence légale » et ce
en raison de « l'absence de définition de la loi
du 11 février 2005 et de ses décrets
d'application. » (Degros, 2013).
Selon E. B. Degros ces distinctions et catégorisations ne
sont pas à la faveur
de la mise en oeuvre des principes de l'accessibilité et
donc ne facilitent pas le fonc-
tionnement de celui-ci :
« La distinction opérée entre les
Etablissements Recevant du
Public (ERP) et les Installations Ouvertes au Public (IOP)
et
le classement effectué entre les différents ERP
ne sont pas sans
conséquences sur la mise en oeuvre du principe de
l'accessibi-
lité, qui peut à cette occasion connaitre une
certaine inhibi-
tion. »
(Degros, 2013)
Deuxièmement, il est à noter que l'article 41 de la
loi prévoit quelques excep-
tions en faveur des établissements recevant du public pour
la mise en accessibilité de
leur patrimoine. Ce régime « échappatoire
» est basé sur trois motifs : d'ordre tech-
nique - impossibilité technique lié à
l'environnement du site - ; d'ordre économique
- influence forte sur l'activité économique de
l'entreprise - ; et lié à la conservation
du patrimoine culturel lorsque les travaux sont en contrainte
avec la conservation du
patrimoine architectural et culturel.
Troisièmement, à partir de la décision du 26
septembre 2014 pour la création
d'un Agenda d'Accessibilité Programmée (Ad'AP), les
établissements qui ont dé-
posé un dossier avant 31 mars 2019 ont eu la
possibilité de reporter toute action visant
à la mise en accessibilité de la
société et du patrimoine (Legifrance, 2014), ce qui
explique clairement la lenteur des démarches prises pour
l'accessibilité de la société.
32
Parmi les éléments abordés ce qui nous
paraît le plus important est le régime
dérogatoire de la loi 2005 avec son motif d'ordre
économique car nous avions cons-
taté auparavant que les acteurs professionnels du tourisme
- tels que les responsables
hôteliers ou les prestataires d'oenotourisme - mentionnent
les raisons pécuniaires
pour échapper aux travaux en faveur de la clientèle
sourde (Lavassani, 2019).
« f...] le représentant de l'Etat f...] peut
accorder des déro-
gations f...] lorsque les travaux d'accessibilité
f...] sont sus-
ceptibles d'avoir des conséquences excessives sur
l'activité de
l'établissement. »
(Loi 11 février 2005, Article 41)
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