Chapitre 4 CONCLUSIONGÉNÉRALE
Le règlement de conflit relatif au statut
juridique de l'entité territoriale décentralisée des
Bakisi : essai d'explications sur les ordonnances rendues sous
ROR.087 et ROR.111 par le Conseil d'Etat, siégeant en chambre du
conseil, a largement attiré notre curiosité dans la mesure
où il constitue l'un des enjeuxmajeurs pour le développement de
cette entité territoriale décentralisée
gangrénée par une Administration de prédation.
En effet, depuis l'intervention de l'ancien Gouverneur de
l'ancienne Province du Kivu, Monsieur Bodji Dieudonné en 1966, une crise
politique a été fabriquée, de toute pièce, par ce
dernier dans le but d'imposer le statut de chefferie chez les Bakisi. Cette
autorité provinciale s'était permise d'interdire le Bwami ainsi
que les rites y attachés pour mettre fin, d'après lui, au conflit
entre les chefs de groupements traditionnels incorporés dans le Secteur
des Bakisi et l'ancien Chef de Secteur Mopipi Kangadyo Paul. Il faut souligner
ici que Mopipi Kangandyo Paul fut relégué à Lubumbashi
(Elisabethville)en 1945 et condamné pour détournement de deniers
publics mais il a repris ses fonctions de Chef de Secteur en 1960 après
sa victoire électorale sur son successeur Kyalala André.
Le Gouvernement provincial de l'époque tenait à
obtenir des Chefs de groupements, la reconnaissance de Monsieur Mopipi
Kangadyo Paul, alias Mwami Mopipi, ancien chef de Secteur comme chef de
chefferie au simple motif qu'il était devenu Mwami wa Kindi, dernier
grade du Bwami chez les Balega, confondant ainsi
délibérément la notion du Bwami chez les Bashi et celle du
Bwami chez les Lega.
Face à la farouche opposition des chefs de groupements,
l'Autorité provinciale a réussi à créer
une division au sein de cette entité territoriale
décentralisée en imaginant uneopposition entre quatre
groupements qui, selon lui, soutenaient le maintien du statut de Secteur contre
trois groupements qui étaient favorable au statut de chefferie.
Ce jeu politique a traversé des décennies et a
fini par atteindre le Pouvoir Central.
En effet, après la mort du Chef Mopipi Kangadyo Paul en
1974, le secrétaire du comité populaire du MPR au sein de cette
entité territoriale décentralisée, Monsieur Mopipi
Bitingo François fut désigné chef de collectivité
ai par le Gouverneur Ndebo Akanda di-Nenkeza.
Suivantles archives du Ministère de l'Intérieur,
Mopipi Bitingo François fut révoqué comme chef de
collectivité tout court, le 19 mars 1979, par l'Arrêté
n°47 du Ministre Mafema Nganzeng ; mais il fut
réhabilité comme chef de collectivité-Chefferie par
l'Arrêté départemental n°83/0198 du 1er juin 1983 du
Ministre Muenda M'siri.
Il ne fait l'ombre d'aucun doute que cet Arrêté
de réhabilitation a été pris non seulement en violation du
principe de l'acte contraire ou du parallélisme de formemais aussi en
violation de l'Ordonnance-Loi n°82-006 du 25 février 1982 portant
organisation territoriale, politique et administrative de la
République, appelée à l'époque
Loi-VUNDUAWE-TE-PEMAKO.
Son fils Mopipi Mukulumanya Auguste, installé à
la tête de cette entité territoriale décentralisée
en 1988 par les jeux politiques dits de quatre groupements contre trois
groupements, poursuivis par les autorités provinciales de l'ancienne
Province du Kivu, actuellement, province du Sud-Kivu a, à son tour,
réussi à se faire reconnaitre comme chef de
collectivité-chefferie par l'arrêté ministériel
n°95/0995 du 14 septembre 1995 dont les effets ont été
suspendus par l'ordonnance rendue le 22 janvier 2020 sous ROR.087 par le
Conseil d'Etat.
Cette décision de la Haute Juridiction Administrative
de la République Démocratique du Congo consacre le couronnement
du droit sur la politique comme le veut le Président de la
République, chef de l'Etat, Son Excellence Félix Antoine
Tshisekedi Tshilombo qui ne ménage aucun effort pour faire de la
République Démocratique du Congo, un Etat de droit. C'est
assurément ce que Léon Odimula qualifie de juridicisation de la
vie politique. Ce phénomène implique que la vie politique soit
soumise au droit sous la surveillance et l'autorité du juge. Ce dernier
assure la conformité au droit non seulement de la dévolution du
pouvoir mais également de son exercice et de sa cessation.
Selon l'auteur, la juridicisation de la vie politique
débouche sur la moralisation, la pacification et la stabilisation de la
vie publique, considérées, de nos jours, comme gage de
l'émergence et donc du développement des nations.
Il en résulte que l'Administration va se soumettre
à cette décision de justice, comme l'exige l'article 151 de la
Constitution et donc va désigner un agent de l'Etat à la
tête de cette entité administrative à titre
intérimaire, et ce, en attendant l'Arrêt définitif du
Conseil d'Etat portant annulation de l'Arrêté Ministériel
attaqué en annulation sous R.A.015 par Monsieur Charles Wika.
C'est au regard de toutes les manoeuvres politiques
orchestrées au départ par la bande à Mopipi et soutenues
par les autorités provinciales de l'ex Kivu ainsi que de l'actuelle
province du Sud-Kivu que le Professeur Léopold Masumbuko Wa-Busungu
souligne que les Mopipi fonctionnent effectivement comme un caillou dans les
souliers des Bakisi.
Nous estimons que le respect de l'Ordonnance rendue par le
Conseil d'Etatpermettra à notre pays d'éviter de connaitre
d'autres cas semblables à l'histoire tragique de Kamuina Nsapu ;
une étincelle qui est devenue un terrible incendie en Août 2016
dans le Grand Kasaï.
En effet, le non-respect de la Loi n°15/015 du 25
Août 2015 fixant le statut de chefs coutumiers, par les autorités
centrales de l'Etat et par le Gouvernement Provincial du Kasaï Central,
refusant de reconnaitre par Arrêté, le statut de chef de
groupement à Monsieur Jean-Prince Mpandi, 6e Kamuina Nsapu du groupement
des Bajila Kasanga ou Bashila Kasanga du Secteur de Dibataie dans le
territoire de Dibaya, au Kasaï Central, avait conduit celui-ci à
qualifier le Gouvernement national de Gouvernement d'occupation. C'est ce qui a
conduit à l'embrasement de l'espace Kasaïen.
Si des provinces entières issues du Grand Kasaï
ont connu une rébellion ayant entrainé la mort de plusieurs
centaines à plusieurs milliers de personnes, l'enrôlement de
plusieurs milliers d'enfants soldats ainsi que l'exil de nombreux congolais,
tout simplement parce que le jeu politique des autorités centrales et
provinciales ont amené un groupement faisant parti du Secteur de
Dibataie dans le territoire de Dibaya, Province du Kasaï Central, à
faire face aux autorités de l'Etat, il faut avouer que le cas du Secteur
des Bakisi qui englobe sept groupements reste une bombe à retardement
qu'il faut désamorcer, par l'intervention d' un Arrêt
définitif du Conseil d'Etat.
C'est pourquoi, nous saluons la décision rendue sous
ROR.087 qui laisse transparaitre l'avènement de l'Etat de droit dans ce
pays car, Hobbes disait que le défaut de pacte social banalise la
violence privée, aligne les rapports sociaux élémentaires
sur les formes les plus agressives de comportement.
Comme le souligne Léon ODIMULA, l'encadrement juridique
de la vie politique a vocation à lutter contre l'arbitraire des
gouvernants en veillant à l'équilibrenécessaire entre
l'autorité et la liberté, mieux encore entre les gouvernants et
les gouvernés.
De tout ce qui précède, l'on peut retenir que le
retour à la paix et à la coexistence harmonieuse entre les
différents groupements constituant l'ensemble du Secteur des Bakisi est
largement tributaire du respect par les protagonistes aussi bien des textes
juridiques relatifs au statut juridique de l'entité sous examen que des
décisions rendues en la matière par le Conseil d'Etat de notre
pays.
De cette manière, la gestion administrative et
politique du Secteur des Bakisi serait fondée sur la bonne gouvernance
dont la finalité est de réaliser le développement
sociopolitique et économique de cette entité territoriale
décentralisée. Donc, la prise en charge des besoins sociaux de la
population.
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