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Le règlement juridictionnel du conflit relatif au statut juridique de l'entité territoriale des Bakisi dans la province du sud-Kivu


par Jeanine KITUANDA KIBONGE
Université de Kinshasa - Licence en Droit public  2020
  

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Chapitre 3 Chapitre II. LA JURIDICISATION DE LA VIE PUBLIQUE AU SERVICE DU REGLEMENT DU CONFLIT SUR STATUT JURIDIQUE DE L'ENTITE TERRITORIALE DECENTRALISEE DES BAKISI

Avant de procéder à l'analyse de la jurisprudence du Conseil d'Etat sur la question du statut juridique de l'entité territoriale décentralisée des Bakisi, il importe de définir et de donner l'importance de la juridicisation de la vie publique au sein de l'Etat moderne.

De nos jours, la nécessité d'aménager et d'assurer un encadrement juridique des pouvoirs publics constitue un objectif ultime des Etats modernes33(*). Cet encadrement juridique des pouvoirs publics ne peut avoir de sens que dans la mesure où l'on procède à la mise en oeuvre de la juridicisation de la vie publique.

En effet, la juridicisation désigne un phénomène d'extension du droit et des processus juridiques à un nombre croissant de domaines de la vie économique et sociale, mieux la soumission au droit de la vie sociale34(*).

De nos jours, l'inflation législative dans plusieurs domaines du droit, dont le droit social et le droit du travail, l'état actuel du droit, l'activisme de certains juges, la montée en puissance du contentieux et l'intervention croissante des juridictions dans des affaires qui pourraient se régler rapidement par les modes extrajudiciaires de règlement des conflits, parmi de nombreuses autres causes, favorisent la juridicisation de la société et provoquent une explosion des recours devant les tribunaux35(*).

La juridicisation évoque ainsi l'idée de l'intervention du juge dans le règlement des questions relevant naguère de la compétence des autorités politiques. Juridiciser la vie politique revient donc à suggérer l'intervention du juge dans la régulation de la dévolution, l'exercice et éventuellement la perte du pouvoir politique36(*).

Dans le cadre de cet ouvrage, la juridicisation s'analyse en une possibilité que le constituant donne au juge constitutionnel d'intervenir, en tant qu'arbitre, dans l'équilibre institutionnel et dans la régulation de la vie politique.

Cette juridicisation s'accompagne d'une judiciarisation des questions de société. Ce dernier phénomène se manifeste à travers la tendance des justiciables à confier au juge judiciaire la gestion de tous leurs différends et le règlement de tous les problèmes sociaux37(*).

La « judiciarisation » ferait ainsi « référence à un déplacement de grande ampleur du pouvoir, qui s'observerait au niveau international, du Législatif et l'Exécutif vers le judiciaire, au point que certains auteurs évoquent le terme de `juristocracy' désignant par là un système politique où les professionnels de la justice deviennent les acteurs dominants du jeu politique, où ``le pouvoir décisionnel se déplace[rait] devant les tribunaux'' »38(*).

Il en résulte que la juridicisation consiste dans le fait de soumettre une situation à l'empire du droit tandis que la juridictionnalisation (juridisation) réside dans le fait de remettre à une juridiction, quelle que soit sa nature, le contrôle d'une situation.

Le juge constitutionnel et tant d'autres juges apparaissent aussi comme le régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics39(*).

Par ailleurs, pour contribuer à l'entreprise de la juridicisation de la vie publique, le Conseil d'Etat a été sollicité plusieurs fois pour solutionner la question du statut juridique de de l'entité territoriale décentralisée des Bakisi.

En date du 22 janvier 2020, le Conseil d'Etat siégeant en chambre du conseil, avait rendu l'ordonnance sous ROR.087, laquelle a été publiée au Journal Officiel au n°5 du 1er mars 2020 et ce, suite à une requête en modification de l'ordonnance rendue le 24/06/2019 sous ROR.023 introduite conformément aux dispositions de la loi organique sur les juridictions administratives.

Le Conseil d'Etat a été saisi par trois recours successifs contre l'ordonnance ROR.087 par le bénéficiaire de l'arrêté n°095/0995 du 14 septembre 1995 à savoir : la requête en tierce opposition sous ROR.111, suivie de la requête enrôlée sous ROR.142 en modification de l'ordonnance rendue sous ROR.087 et de celle introduite sous ROR.167, également en modification de l'ordonnance ROR.087.

Cependant, toutes ces requêtes se sont soldées par un échec. Cela nous permet d'affirmer que l'ordonnance rendue sous ROR.087 reste une oeuvre solide et une voie incontournable pour mettre fin au conflit autour du statut juridique de l'entité territoriale des Bakisi en attendant l'Arrêt définitif du Conseil d'Etat.

Dans ce chapitre, nous dirons un mot sur l'ordonnance rendue le 24 juin 2019 sousROR.023 ; nous ferons également état des observations relatives à cette ordonnance, lesquelles observations furent enregistrées sous ROR.059 et de la requête en modification de cette ordonnance avant de faire quelques commentaires sur les différents recours sans succès du bénéficiaire de l'arrêté dont les effets ont été suspendus par l'ordonnance ROR.087.

Il faut signaler que pour en arriver là, le requérant devait se conformer aux dispositions de la Loi-Organique n°16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence te fonctionnement des juridictions de l'ordre administratif40(*).

En effet, ayant découvert l'existence de l'arrêté ministériel reconnaissant à Monsieur Mopipi Mukulumanya Auguste la qualité de chef de chefferie dans le Secteur Bakisi, son entité territoriale de base ; le requérant qui répondait aux exigences de l'article 135 de la Loi-Organique précitée, a conformément à l'article 150 de la même loi, introduit son recours administratif devant le Vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur pour lui demander de retirer de la circulation l'arrêté attaqué au seul motif qu'il a été pris en violation de l'Ordonnance-Loi n°82-006 du 25 février 1982 portant organisation territoriale, administrative et politique de la République en vigueur au moment de fait.

Avec l'annonce par la Commission Electorale Nationale Indépendante de prochaines échéances électorales au niveau local, le requérant faisant application de l'article 282 de la même loi a introduit une requête en référé-suspension pour 1e pas être surpris par la confusion longtemps entretenue autour du statut de son entité territoriale étant donné que lui-même est candidat chef de Secteur.

Section 1.L'ANALYSE DE L'ORDONNANCE RENDUE LE 24 JUIN 2019 SOUS ROR.023 PAR LE CONSEIL D'ETAT EN REFERE-SUSPENSION

Présentons le résumé des faits de l'ordonnance rendue par le Conseil d'Etat en date du 24 juin 2019 sous ror.023, avant de scruter la position du juge.

§1. Le résumé des faits de l'ordonnance ROR.023 du Conseil d'Etat en date du 24 juin 2019

Par cette ordonnance, le juge des référés DU Conseil d'Etat, saisi de la demande en référé-suspension, avait déclaré irrecevable cette demande pour des motifs par lui développés dans la motivation de son ordonnance.

Surpris par cette décision, le requérant va, par voie de ses avocats-conseils, faire des observations qui furent enregistrées au greffe du Conseil d'Etat sous ROR.059, mais le Conseil d'Etat fera observer au requérant que conformément à l'article 134 de la loi précitée, la juridiction administrative est saisie soit par requête des parties, soit par réquisition du Ministère Public près la juridiction concernée. En d'autres termes, la Chambre du Conseil ne pouvait nullement être saisie par voie d'observations.

Ainsi donc, par sa requête en modification de l'ordonnance rendue le 24 juin 2019 sous ROR.023, enrôlée sous ROR.087, le requérant a régulièrement saisi le Conseil d'Etat siégeant en chambre du conseil en démontrant les failles de l'ordonnance attaquée.

En effet, il a été reproché au juge des référés sous ROR.023, la non observance de l'article 287 de la Loi sur les juridictions de l'ordre administratif. L'alinéa 2 de cet article dispose : « la requête en référé-suspension doit, à peine d'irrecevabilité, être présentée dans une requête distincte de la requête en annulation ou en reformation ». Ces exigences légales ayant été respectées par le requérant, l'irrecevabilité de sa demande en référé-suspension ne pouvait pas se justifier41(*).

* 33 ODIMULA LOFUNGUSO KOS'ONGENYI L., Manuel de science politique. Un outil au service de la gouvernance démocratique dans l'espace politique africain, Paris, Harmattan-RD. Congo, 2016, p.214.

* 34J. COMMAILLE, L. DUMOULIN, C. BOBERT, La juridicisation du politique, Paris, LGDJ, 2010, p.9.

* 35Idem.

* 36M.M. MBORANTSUO, La contribution des cours constitutionnelles à l'Etat de droit en Afrique, Paris, Economica, 2007, pp. 237-241.

* 37N. TATE et T. VALLINDER, The Global Expansion of Judicial Power, New York University Press, 1995, p.35. Pour ces auteurs, judiciariser consiste dans le fait de se tourner vers le juge en vue de règlement d'un litige.

* 38B. FOURNIER et J. WOEHRLING, « Présentation du numéro Judiciarisation et pouvoir politique », Politiques et Sociétés, 1999, pp.3-7.

* 39Lire à cet effet, les articles 83 de la Constitution du Bénin du 11 décembre 1990, 46 de la Constitution du Cameroun du 2 juin 1972 telle que modifiée et complétée le 18 janvier 1996, 142 de la Constitution de la République du Congo du 15 mars 1992, 83 de la Constitution gabonaise du 26 mars 1991 et 106 de la Constitution de la République de Madagascar du 18 septembre 1992. Lire M.M. MBORANTSUO, La contribution des Cours constitutionnelles à l'Etat de droit en Afrique, op.cit., pp.238-239.

* 40Loi-Organique n°16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence te fonctionnement des juridictions de l'ordre administratif

* 41 Voir les articles 135 et 150 de la Loi-Organique n°6/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétences et fonctionnement de juridictions de l'ordre administratif.

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