3. Des provenances mondiales
Beaucoup d'étiquettes donnent une provenance de marques
à l'étranger. Les pays représentés sont les
Etats-Unis, l'Italie, l'Allemagne, la Suisse, l'Angleterre et la Belgique. Ces
marques sont souvent les plus réputées dans leur pays d'origine
pour
100 YVEL, 2003, p.87.
101 Base Mérimée, Ancienne ocrerie de Sauilly,
2001, Notice PA89000018
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la qualité de leurs matériaux destinés
à l'usage des artistes. Elles représentent aussi l'histoire du
peintre par ses voyages et les liens qu'il a pu nouer avec un fabricant ou un
artiste étranger.
Pour les Etats-Unis, où il a voyagé pour des
expositions depuis 1971, nous notons deux marques : Rublev colours, sur un
bocal de pigment, et Fezandie, pour deux bocaux de jaune de Naples. Rublev
colours est une marque de Natural Pigments, une société
basée en Californie. Ils sont spécialisés dans la
fourniture de matériaux rares utilisés dans la peinture depuis la
préhistoire jusqu'au XIXème siècle pour les artistes.
Cependant, Fezandie soulève deux hypothèses pour sa provenance.
Claude Yvel avait des doutes quant à l'origine de cette marque, et avait
mentionné Venise. Mais lors des recherches, j'ai pu constater que
Fezandie était connue de la matériauthèque d'Harvard sous
le nom Fezandie & Sperrle (Fig. 51), dont l'adresse se trouve à New
York, au 103 Lafayette Street (Fig. 52).
L'Italie est très représentée dans la
collection de Claude Yvel avec les marques Zecchi, pour douze pigments, et
Maimeri, pour sept pigments. Zecchi est une boutique à Florence dont les
recherches sur les pigments correspondent parfaitement avec les
démarches de Claude Yvel. La marque s'attache à vendre les
pigments employés à la Renaissance, d'après des
études menées sur le traité de Cennino Cennini, Il
Libro dell'Arte, écrit durant la dernière décennie du
XIVème siècle. De plus la qualité de leurs
matériaux est certifiée par l'usage qui en est fait pour des
restaurations d'oeuvres florentines et internationales. Zecchi est toujours en
activité et diffuse la liste des pigments anciens avec leur composition
chimique. Quant à Maimeri, toujours en activité également,
la marque revendique une fabrication à la fois artisanale et
industrielle, et essaye de reproduire des recettes anciennes avec des
ingrédients synthétiques.
L'Allemagne est représentée par les noms Schmincke
et Kremer, pour lesquels la collection comprend respectivement un et cinq
pigments. Schmincke est actuellement ce qu'on appelle un «géant des
beaux-arts», car c'est un fabricant et revendeur international de
nombreuses marques de matériaux pour artistes. Sa réputation se
fonde sur les recettes traditionnelles mêlant résine, huile et
couleur, datant de la période précédent l'invention du
tube métallique, retrouvées par les
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coloristes chimistes Hermann Schmincke et Joseph Horadam.
L'histoire partagée avec Kremer est bien plus importante, car Claude
Yvel connaît personnellement son dirigeant avec lequel il a mené
les recherches sur l'huile noire pour le convaincre de l'importance de cette
découverte. Kremer est donc aujourd'hui le producteur exclusif de
l'huile noire Claude Yvel. Depuis 1977, Kremer tient sa réputation de
qualité pour ses produits servant pour la restauration et les
artistes.
Lachenmeier Farben est une marque de revendeurs de
matériel pour artistes en Suisse. Claude Yvel conserve le vert de
Schweinfurt, seul pigment de sa collection mentionnant cette entreprise.
La marque Winsor & Newton (Fig. 53) représente
l'Angleterre sur trois bocaux de pigments. Fondée en 1832 à
Londres, elle émerge grâce à la collaboration entre le
scientifique William Winsor et l'artiste Henry Newton. Ils insistent sur les
caractères stable et permanent de leurs pigments. Ceux présents
dans la collection de Claude Yvel datent d'avant le rachat de la marque par
Colart en 1990.
Les marques étrangères se terminent par celle
fondée par un fabricant belge, Jacques Blockx (1844-1913), auteur du
Compendium à l'usage des artistes peintres et des amateurs de
tableaux102 (Fig. 54). Les pigments sous ce nom appartenant
à Claude Yvel sont au nombre de quatre. Ceux-ci sont
réputés pour leur solidité : notés sept sur huit,
sur l'Echelle de laine bleue.
Les étiquettes mentionnent de nombreuses provenances qui
ne sont plus des marques mais des lieux, villes, régions ou pays. Ces
lieux sont à relier avec les voyages de Claude Yvel et les liens qu'il a
tissé avec certaines personnes qui viennent désormais dans son
atelier lui apporter des pigments. C'est le cas pour les pigments venus du
Japon, où le peintre n'a jamais voyagé. De Chine, viennent
plusieurs pigments du fait de ses nombreux voyages pour y enseigner la
technique de peinture occidentale des anciens. Nous pouvons faire mention de
terre brûlée, orpiment, cinabre et blanc de coquille. Les
provenances géographiques sont aussi l'Inde, la Wallonie, Berne,
Bâle. Le plus important dans cette section est le blanc de
102 BLOCKX, 1922.
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plomb venu de Klagenfurt, ville en Autriche. Il est
présent dans l'atelier de Claude Yvel sous forme de pains, encore dans
leur papier d'emballage d'origine portant la marque imprimée de la
ville. Le blanc de plomb sous cette forme ne se fabrique plus, car il est
considéré dangereux pour la santé depuis la loi de
1909103 règlementant son usage. Le blanc autrichien
était très réputé pour sa blancheur et son plomb
très pur provenant de Bleiberg en Carinthie104. Claude Yvel
nous livre ce procédé autrichien et son usage connu depuis
l'antiquité dans ses écrits.
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