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La matériauthèque du peintre Claude Yvel, né le 16 aoà»t 1930


par Crescence de Lattaignant
Ecole du Louvre - Master 1 2022
  

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C. La formation d'une collection : le contexte de la collecte des

matériaux

Pour mieux comprendre la collection des matériaux de l'atelier de Claude Yvel, nous allons nous intéresser au contexte menant à sa formation. La collecte s'est faite en lien avec la pratique de son art, bien entendu, mais la quantité dépasse largement les besoins du peintre. En effet, pour ne parler que des pigments, la peinture à l'huile selon la technique des maîtres anciens ne demande l'emploi que d'environ une trentaine de pigments (Fig. 41). Or, le meuble du peintre, ses étagères et boîtes, en contiennent beaucoup plus. Les matériaux, en particulier les pigments, ont une étiquette qui indique la plupart du temps leur provenance. C'est à partir de ces indications et des informations qu'il m'a transmises lors de mes visites dans son atelier, que nous pouvons retracer en partie l'histoire de cette collecte.

1. Les marchands de couleurs parisiens

L'emplacement de son atelier nous conduit d'abord à évoquer les marchands de couleurs parisiens. Ceux-ci présentent des questions complexes, du fait de leur nombre, et leur histoire récente liée à la montée de grands fournisseurs internationaux. L'histoire des marchands de couleurs au XIXème a fait l'objet d'une thèse par Clotilde Roth-Meyer90, mais aucun ouvrage ne nous est connu sur cette question pour le XXème siècle. Néanmoins, une ouverture dans cette thèse évoque la différence entre le nombre croissant de ces marchands au XIXème, et l'arrêt de son évolution à partir de la Première Guerre mondiale. D'après un entretien avec monsieur Dominique Sennelier91 en 2001, elle parle de sept à huit marchands dans le quartier de l'Ecole des Beaux-Arts en 1960, contre quarante-quatre en 189992. Il y a donc une disparition attestée des marchands de couleurs parisiens au XXème siècle.

90 Clotilde Roth-Meyer, Les marchands de couleurs à Paris au XIXème siècle, Paris IV, 2004

91 Dominique Sennelier (1938 -), petit-fils de Gustave Sennelier (? - 1929), créateur de la marque, propriétaire et développeur de l'activité de la société Sennelier dans les deux magasins de Paris, 3 quai Voltaire et 4 bis rue de la Grande-Chaumière.

92 Clotilde Roth-Meyer, Les marchands de couleurs à Paris au XIXème siècle, Paris IV, 2004, p.11

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Parmi ces marchands, nous savons que Claude Yvel se fournissait chez des enseignes comme "À la Momie», Le Bon Broyeur, et des fabricants très reconnus déjà à l'international, comme Lefranc Bourgeois et Sennelier. Le Bon Broyeur (Fig. 45) est une enseigne pour vanter la qualité de broyage, mais c'est une désignation commune à trois marchands de couleurs connus au XIXème, Leroy, Malet et Picou93, selon Clotilde Roth-Meyer. Nous avons relevé sept pigments provenant de cette boutique dans la collection de Claude Yvel.

Sennelier (Fig. 46) est une provenance qui est bien connue, puisque son activité est toujours actuelle. Nous pouvons préciser qu'il s'agit d'un fabricant de couleurs fines depuis 1887. Il est à la fois revendeur et fabricant. Son fondateur est Gustave Sennelier, ancien employé de la maison Lefranc, qui est devenu son concurrent grâce à cette entreprise familiale dont la tradition perdure jusqu'à nos jours. Cette marque est réputée pour la vente de ses pigments naturels, cependant le fonds de Claude Yvel ne comporte que six pigments de cette provenance.

En effet, la majorité du fonds se compose des pigments Lefranc Bourgeois, raison pour laquelle ils seront davantage développés par la suite. Nous pouvons dès lors noter que certaines étiquettes précisaient seulement Lefranc ou Bourgeois, tandis que d'autres avaient la mention «L.B.». Cette précision donne une indication sur leur date, puisque la fusion de ces deux marques ne se fait qu'en 1965. De plus, les pigments et les gommes ont été collectés dans les anciennes usines de Lefranc et Bourgeois Aîné, avant que celles-ci ne soient déplacées au Mans après leur fusion puis leur rachat par Colart94 en 1982. Avant sa destruction, Claude Yvel a immortalisé l'usine Lefranc à Issy-les-Moulineaux dans une de ses peintures95.

Nous pouvons nous concentrer davantage sur le cas que présente l'enseigne «A la Momie», car c'est un exemple de l'évolution récente de cette profession de

93 Clotilde Roth-Meyer, Les marchands de couleurs à Paris au XIXème siècle, Paris IV, 2004

94 Colart, ou Col'Art, est une entreprise fondée en 1991 par Lindéngruppen, basée à Londres, spécialisée dans le commerce du matériel pour artiste. Colart regroupe les marques Winsor & Newton, Lefranc Bourgeois, Liquitex, Conté à Paris, Snazaroo, L'éléphant.

95 Claude Yvel, Usine Lefranc, 1970, Paris, collection N.P. Voir Annexes 1, Les oeuvres de Claude Yvel, Fig. 8.

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marchand de couleurs parisiens, qui a été étudié par le Musée des Arts et Traditions Populaires96 pour leur exposition «Des teintes et des couleurs» en 1988, et qui se trouve particulièrement bien représenté en termes de quantité de matériaux dans la collection de Claude Yvel. «A la Momie» désigne une enseigne d'une boutique de couleurs et vernis, fondée en 1712 et fermée en 1983. Le dernier gérant, bien connu de Claude Yvel, était monsieur René Touvron qui a pu transmettre l'histoire de cette boutique aux personnes chargées par le Musée des Arts et Traditions populaires de collecter les matériaux en 1983. Ce magasin était situé place du Châtelet à l'origine, dans la même rue que l'enseigne Au Bon Broyeur. Mais au XXème siècle, monsieur Touvron a dû la déménager dans un garage au 32-34 rue Blondel. Cette enseigne tient son nom de «la momie», une «drogue importée d'Egypte dont on tire des pigments noirs ou bruns»97. Elle avait la réputation de vendre des matières naturelles depuis sa fondation jusqu'en 1983, et des produits rares et anciens, bien que les réserves ne datent pas du XVIIIème. L'étude menée par le musée des Arts et Traditions Populaires révèle l'importance de la collection des verts Milori de l'enseigne. A. Milori98 était un fabricant de couleurs au XIXème, réputé pour la qualité de son bleu de Prusse, et dont une collection de pigments vert porte désormais le nom. Claude Yvel conserve dans son atelier les verts Milori n°1, 2, 3 et 4 provenant de «A la Momie», parmi de nombreux autres pigments. C'est une des caractéristiques qui rend sa collection de matériaux exceptionnelle, d'autant plus que comme nous l'avons dit, ce magasin est désormais fermé. Claude Yvel a été averti de cette fermeture et a donc pu collecter un bon nombre de ces pigments. Ces matériaux étaient en effet destinés d'abord à une clientèle de peintres de profession et d'élèves de l'Ecole des Beaux-Arts, ce qui est encore une garantie de qualité. Cette clientèle a été reprise par le demi-grossiste H.M.B., situé rue Saint-Nicolas dans le 12e arrondissement de Paris.

Cette marque H.M.B. est présente sur l'étiquette d'un seul pigment dans la collection de Claude Yvel. Cette entreprise a été fondée en 1889, à Paris. En priorité

96 Musée des Arts et Traditions populaires était un musée national fondé en 1937 par Georges Henri Rivière (Paris, 1897 - Louveciennes, 1985), fermé en 2005. Ses collections forment le fonds principal du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) ouvert à Marseille en 2013.

97 Martine Jaoul, Des teintes et des couleurs, Paris, 1988, p.36

98 A. Milori avait une boutique située près de l'Hôtel de Ville, dont le succès était reconnu dès 1835.

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tournée vers les matériaux concernant les métiers du bois, elle est encore en activité actuellement, et revend des produits beaux-arts de marques comme Winsor & Newton et Lefranc Bourgeois, entre autres. Elle est connue sous la mention HMB-BDA principalement.

Nous avons relevé aussi des provenances qui ne sont pas des marques de magasins ou marchands, mais dont les noms concernent directement le milieu artistique parisien. Il s'agit de la mention Limet et Paulet sur les étiquettes. L'indication Limet se retrouve pour huit pigments. Claude Yvel m'a précisé que ce nom désignait le fils du patineur de bronze préféré de Rodin, nommé Jean François Limet (1855-1941), aussi connu pour être un photographe amateur avec une formation de peintre. Son fils était établi à la Cité Verte, lieu où s'est formé Claude Yvel auprès d'Henri Cadiou, comme nous l'avons vu précédemment. Ce serait donc de lui que proviendrait ces pigments. Quant à Paulet il s'agirait de Pierre Paulet (1894-1978), restaurateur des peintures des musées nationaux. Mais seulement un pigment porte ce nom sur l'étiquette.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon