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La matériauthèque du peintre Claude Yvel, né le 16 aoà»t 1930


par Crescence de Lattaignant
Ecole du Louvre - Master 1 2022
  

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1. Dans le domaine de la conservation-restauration

La conservation, la numérisation et la recherche sur les pigments peuvent aboutir à la réalisation de projets scientifiques novateurs concernant la restauration des oeuvres. Ce fait a été observé pour la restauration du Harvard Mural Triptych166 peint par Mark Rothko167. Ce triptyque avait été exposé longtemps dans la salle de réception du Holyoke Center. Il souffrait d'un grave problème de décoloration des pigments, dû à une trop forte luminosité à cause du plafond percé à jour de la salle, mais aussi à l'utilisation du pigment instable Lithol Red et de sa surface délicate car non vernie. Le triptyque a fait l'objet d'études de la part du Straus Center for Conservation and Technical Studies. Khandekar explique qu'une restauration physique aurait aggravé son état, entraînant un endommagement irréversible de la touche de l'artiste. Cela étant contraire aux principes fondamentaux de la conservation-restauration, il a été décidé de ne pas intervenir matériellement sur l'oeuvre, mais d'envisager une restauration numérique168. A cette intention, le Straus Center a travaillé avec le Media Lab du Massachusetts Institute of Technology et celui de l'Université de Bâle. Cette collaboration a abouti à l'utilisation de la technique du mapping. Jens Stenger, scientifique en conservation du Straus Center, a conçu une carte numérique d'après les couleurs actuelles et celles sur les photos de l'aspect original du triptyque. Cette carte de couleurs prend en compte la dégradation hétérogène selon les parties de la peinture, d'après les différences de leurs expositions à la lumière. Ces données ont formulé une image de compensation

166 Mark Rothko, Panel Two (Harvard Mural Triptych), 1962, Harvard Art Museum. Voir Annexes I, Le Straus Center for Conservation and Technical Studies, Fig. 71.

167 Mark Rothko (Dvinsk, 1903 - New York, 1970), peintre américain.

168 Les sources insistent sur la restauration de l'apparence des peintures. Il est question de restauration virtuelle pour mettre en avant la puissance sensible renvoyée par l'état non conservé des oeuvres, lorsque la projection est éteinte. Nous n'avons donc pas d'informations concernant la sauvegarde matérielle des peintures.

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qui a été ensuite projetée sur l'oeuvre (Fig. 72). Ce système a été présenté lors de l'exposition Mark Rothko's Harvard Murals, au Harvard Art Museums, du 16 novembre 2014 au 26 juillet 2015. Selon un article du New Yorker, les projections de Stenger restituaient l'aspect des couleurs d'origine et aboutissaient à une véritable révélation. Le mode d'exposition permettait aussi aux visiteurs de voir l'état de dégradation des peintures lorsque la projection était éteinte. La connaissance avancée du Straus Center dans le domaine des pigments et de la couleur en général a servi à la réalisation d'un tel projet.

La collection de matériaux du Straus Center sert aussi dans l'identification des pigments sur les oeuvres d'après les échantillons analysés dans le laboratoire. Ainsi en 2007, l'équipe de Khandekar s'est penchée sur le problème d'authentification de trois oeuvres de Jackson Pollock169. Les analyses ont révélé la présence d'un pigment jaune PY 151, développé en 1969, et d'un pigment rouge mélangé dans une peinture brune développée en 1974. Or, Pollock étant décédé en 1956, l'identification de ces pigments a permis de prouver scientifiquement que ces oeuvres étaient des faux.

Concernant le RMF, les échantillons de référence ont joué un rôle primordial pour l'étude menée sur la présence de peinture de la marque Ripolin170 dans les peintures du début du XXème siècle, notamment les oeuvres de Picasso171 et Picabia172. L'étude (Annexes II, Le projet Ripolin) a été menée avec l'Art Institute of Chicago qui conserve une collection d'échantillons de référence des peintures Ripolin, produits en France de 1890 à 1950. L'Art Institute of Chicago a mené ses recherches en 2013 pour détecter la présence de peinture Ripolin dans deux oeuvres de Picasso Nature Morte173 et Le fauteuil rouge174. En 2016, le RMF a analysé deux tableaux de Picabia, Déclaration d'amour175 et Symbole176, et un chevalet de Picabia conservé par le Comité Francis Picabia. La difficulté majeure, dans les deux

169 Jackson Pollock (Cody, 1912 - Springs, 1956), peintre américain du mouvement expressionnisme abstrait.

170 Ripolin : marque française de peinture de bâtiment.

171 Pablo Picasso (Malaga, 1881 - Mougins, 1973), peintre, dessinateur, sculpteur, graveur, espagnol.

172 Francis-Marie Martinez de Picabia (Paris, 1879 - Paris, 1953), peintre français.

173 Pablo Picasso, Nature Morte, 1922, Chicago, Art Institute of Chicago.

174 Pablo Picasso, Le fauteuil rouge, 1931, Chicago, Art Institute of Chicago.

175 Francis Picabia, Déclaration d'amour, 1949, Alès, Musée Pierre André Benoît.

176 Francis Picabia, Symbole, 1950, Alès, Musée Pierre André Benoît.

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cas, était de distinguer les peintures de Ripolin de celles des artistes. Ces études ont amené un réel apport dans la distinction entre les peintures oléorésineuses Ripolin et les peintures d'artiste, par la connaissance de leur composition et grâce aux échantillons de référence conservés dans les collections de l'Art Institute of Chicago et du RMF.

La matériauthèque du RMF a servi dans l'élaboration de nombreux projets concernant l'identification des pigments. La collection d'échantillons a été sollicitée notamment pour le projet Zinc Oxide from Micro To Macro (ZOoMM) de la doctorante Nicoletta Palladino. Il s'agit d`une étude sur les propriétés du blanc de zinc utilisé par les peintres aux XIXème et XXème siècles, avant l'apparition du blanc de titane au début du XXème siècle. La doctorante a donc utilisé des microéchantillons issus d'oeuvres, conservés au RMF et à l'Art Institute of Chicago. Étudier ces échantillons lui a permis d'identifier le type de blanc de zinc employé, d'»évaluer les conséquences sur le comportement des peintures lors de leur emploi et vieillissement»177, pour une ouverture vers une application possible dans l'authentification des peintures.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci