2. La question de l'accès à ces
données
Tous les projets présentés lors du webinaire de
l'ICCROM HSAI, convergent vers cette problématique de l'accès des
données. Chaque matériauthèque, dans un but de
conservation et de référencement des matériaux,
crée une base de données. Les informations digitalisées
sur ces plateformes sont une manière de conserver l'empreinte des
matériaux, de les documenter, et de favoriser leur diffusion
auprès des professionnels comme d'un public plus large, si la base de
données se trouve en libre accès comme c'est le cas pour TMS, le
projet de base de données du Munch Museum.
La session webinaire de novembre 2021 a été conclue
par Paul Messier, directeur Pritzker du Lens Media Lab, qui fait partie de
l'Institute for the Preservation of Cultural Heritage du campus ouest de Yale.
Fondé en 2015 grâce au don du John Pritzker Family Fund, le Lens
Media Lab prend exemple sur le Straus Center de Harvard. C'est la plus grande
collection de référence mondiale de papiers photographiques. Bien
que spécialisé dans le domaine de la photographie, le laboratoire
investit des champs comme les eaux-fortes de Rembrandt, le verre
américain du XVIIIème siècle et des peintures modernes sur
toile. Cette institution étudie le développement d'une plateforme
en ligne ouverte cataloguant les références des collections de
matériaux. Le Lens Media Lab a deux projets : «étudier
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les collections de référence de spécimens de
matériel d'artiste et mener une étude de faisabilité pour
une pratique de catalogage partagée»164 (trad.). Le
projet est au coeur de cette problématique actuelle soulevée lors
des conférences de l'ICCROM. La mission est d'évaluer la valeur
potentielle que pourrait procurer un accès renforcé aux
données de ces matériaux pour les domaines de l'histoire
technique de l'art et la conservation. Pour ce faire, le Lens Media Lab
s'appuie sur des institutions partenaires dans le monde entier, dont la
Bibliothèque du Congrès. TIPP est leur base de données sur
les matériaux, référençant des centaines
d'échantillons de photographies cités dans les manuels
internationaux de photographie de 1855 à 1900. La construction de la
base de données a débuté à l'été
2016. Elle se concentre sur la numérisation d'images en haute
résolution permettant de voir la texture de surface des papiers pour en
créer un algorithme de classification. Le Laboratoire insiste sur leur
futur projet de catalogue de fabricants, réalisé à partir
des marques présentes au dos des papiers photographiques. De telles
informations seront utiles pour dater les tirages et identifier les papiers.
Pour se concentrer de plus près sur les pigments, la
collection Forbes est divisée en deux sections principales : la
première est conservée au Straus Center dont nous avons
déjà parlé précédemment, la seconde est une
collection privée de pigments Forbes conservée au Institute for
Fine Arts Conservation Center de l'université de New York. Il s'agit
d'un ensemble de trois mille colorants, répartis en sous-ensemble dans
des laboratoires du monde entier. Pour avoir une vue générale de
cette collection, il a donc été primordial de les enregistrer
dans une base de données. Cette base se nomme CAMEO165.
L'enregistrement dans la base a deux avantages. D'une part, il conduit à
approfondir la connaissance des matériaux
référencés, par leur analyse. D'autre part, il permet une
vue d'ensemble de la collection originale des pigments Forbes, par la
réunification dématérialisée des
échantillons d'un même matériau. À la suite du
partage de la collection, un même pigment peut être conservé
dans plusieurs endroits. Les enregistrements sont
164 Paul Messier, Project to survey reference collections
of artist material specimens and to conduct a feasibility study for shared
cataloguing practice, 19 juin 2018
165 CAMEO, Conservation and Art Materials Encyclopedia Online,
est une base de données électronique, qui regroupe une base de
données de matériaux et des collections de
référence variées concernant les textiles asiatiques,
l'analyse de colorant, une bibliothèque d'images de
référence de fibre, la MWG (Materials selection &
specification Working Group), les archives des colorants Uemura, et les
pigments Forbes.
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combinés lorsqu'il semble que les échantillons
désignent un même pigment. C'est alors que les analyses sont
primordiales pour des questions d'inventaire. La base de données CAMEO
est en libre accès. Elle favorise donc la diffusion auprès d'un
large public et offre ainsi à tous la vision de la composition d'origine
de la collection.
Cependant il s'agit encore d'une activité en cours de
réalisation concernant les dépositaires de ces pigments Forbes.
C'est le cas pour le Centre for Heritage Analytical Reference Materials
(CHARM), conservé à la Library of Congress aux Etats-Unis. En
plus de sa collection de papiers, livres, papyrus, parchemins,
échantillons photographiques, textiles, matériaux donnés
par les artistes contemporains, le Centre détient des pigments Forbes.
Lors du webinaire de novembre de l'ICCROM, leur poster (Fig. 64)
présentait leur projet en cours pour une infrastructure de coordination
et d'incorporation des données diverses d'analyse. Ces données
seront déposées dans la base nommée CHARM-D, selon
l'application des FAIR Data Principles : findable, accessible, interoperable,
reusable. C'est-à-dire, que ces données sont conçues dans
leurs codes, pour être réutilisées par d'autres
applications, pour améliorer l'usage et la longévité du
projet. Ce dernier a comme particularité de se concentrer sur
l'évolution des matériaux dans le temps, d'analyser leurs
changements et leurs dégradations. Ces recherches conduisent le Centre
à faire des tests prédictifs, évaluer les traitements,
pour ensuite développer de nouvelles techniques d'analyse.
Le projet CoRef a aussi conduit à la création d'une
nouvelle interface pour faciliter et sécuriser l'enregistrement des
échantillons. CoRef se présentera sous la forme d'une base qui
s'adossera à la base principale du RMF, EROS. Cette dernière
permet de lier les échantillons aux oeuvres. La collection est bien
documentée et des études scientifiques sont menées sur
chaque échantillon, conduisant ensuite ces données à leur
intégration dans la base de données EROS. La question de
l'accès à ces données fait partie du développement
général de la base de données EROS, déjà
existante mais consultable uniquement sur site, qui vise à en faciliter
l'accès en externe. CoRef a mené des réflexions sur le
statut légal des archives d'échantillons, qui constitue une autre
préoccupation actuelle autour des matériauthèques. Le
projet s'ouvre aussi sur des questions d'accessibilité pour envisager le
prêt d'échantillons aux chercheurs extérieurs au RMF.
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B. Des exemples de l'application concrète des
matériauthèques
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