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D'une motricité subie à  une motricité agi : le soin psychomoteur comme soutien à  l'élaboration d'une motricité intentionnelle chez l'enfant porteur d'autisme


par Juliette Landeau
Université Claude Bernard Lyon 1 - ISTR - D.E. Psychomotricien 2022
  

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2.2.2. Les expériences sensorielles

Les personnes autistes ont une perception du monde différente de la nôtre. Leurs expériences sensorielles présentent des caractéristiques que nous allons tenter d'expliquer. Un premier degré de perception souvent observé dans les TSA est la perception littérale, c'est-à-dire sans interprétation (Bogdashina, 2012/2020). Le stimulus sensoriel ne prend pas sens, il n'est pas compris et reste au stade de la sensation. Dans le fonctionnement sensoriel typique, le cerveau anticipe et interprète ce qu'il perçoit avant même de l'avoir analysé en détail. Cette anticipation n'est pas réalisée dans la perception littérale.

Les personnes autistes ont souvent des problèmes dans le filtrage sensoriel (Bogdashina, 2012/2020). Ils ne distinguent pas les stimuli proches ou lointains, importants ou non. Ils perçoivent tout sans aucun filtre, chaque pièce ou situation constituant alors un tout de sensations. Le cerveau n'est pas capable de traiter une quantité si élevée d'informations et

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va ainsi fragmenter les perceptions sans signification particulière. Un objet va être identifié grâce à une petite quantité d'informations, un seul détail. Si ce détail change, il faut réapprendre à identifier l'objet. Un même objet peut même être divisé en plusieurs pièces séparées qui ne se lient pas entre elles (Bogdashina, 2012/2020).

Des difficultés dans le filtrage des informations signifient que quand un petit élément change, c'est le tout qui change, provoquant de la confusion chez la personne. En effet, la situation est similaire, familière, mais différente en même temps. La plupart du temps, les gros changements sont plus faciles à vivre pour la personne autiste, car ils constituent alors une situation complètement différente, nouvelle, qui ne crée pas de confusion (Bogdashina, 2012/2020). Cela mène à des associations d'évènements particulières, par exemple, si un jour un verre a été cassé et que le tapis du salon était bleu, alors à chaque fois que le tapis est bleu un verre doit se casser. On remarque dans ce cas une rigidité de la pensée, et un manque de généralisation. S'il y a une différence de contexte, ce n'est plus la même situation et la personne ne sait plus quoi faire. La création de routines et de rituels permet alors aux personnes autistes de se rassurer et de maintenir une continuité dans un monde trop changeant (Bogdashina, 2012/2020).

On remarque chez certaines personnes autistes un manque d'accoutumance aux sensations, celles-ci restent présentes même après que la stimulation initiale est arrêtée. C'est ce qu'on appelle l'effet de rémanence (Bogdashina, 2012/2020).

La perception peut aussi être déformée, distordue. La personne, pour équilibrer ses perceptions, pourra adopter des comportements nous paraissant étranges comme tourner en rond, sauter...

Un retard de traitement et un temps de latence de la réponse sont généralement observés dans les TSA. En effet, les processus de perception peuvent être différés, empêchant la généralisation d'informations. Réitérer la consigne, modifier l'élément va alors demander de recommencer le processus de traitement (Bogdashina, 2012/2020).

Les modalités sensorielles fonctionnent parfois en hypersensibilité ou en hyposensibilité. L'hypersensibilité c'est que le seuil de perception est bas, c'est-à-dire qu'il faut peu de stimulations, une faible intensité pour que la personne discerne les stimuli (Bogdashina, 2012/2020). La personne perçoit des éléments que nous ne percevons pas, comme des particules fines sur le plan visuel, des fréquences sonores sur le plan auditif, etc. L'hypersensibilité peut aller jusqu'à la douleur, les personnes autistes expliquent que les sensations sont parfois impossibles à supporter (Bogdashina, 2012/2020). L'anticipation du stimulus dérangeant provoque parfois un comportement problème comme la

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

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destruction de l'objet qui provoque la douleur. La question de la prévisibilité du stimulus est donc importante à intégrer dans nos soins. À l'inverse, la personne autiste peut développer des fascinations pour certains stimuli, ce qui lui permet de se couper du reste du monde. Le plaisir qu'elle en retire la rend cependant dépendante de cette stimulation (Bogdashina, 2012/2020).

L'hyposensibilité c'est quand le seuil de perception est haut. Il faut beaucoup de stimulations, une intensité importante pour que celles-ci soient perçues (Bogdashina, 2012/2020). Il est alors nécessaire de s'appuyer sur d'autres modalités sensorielles pour appréhender l'environnement.

Ces hyposensibilités et hypersensibilités s'observent en fonction des sens, mais aussi en fonction des différentes stimulations. Par exemple, une stimulation sonore peut être en hypersensibilité tandis qu'une autre est en hyposensibilité. Elles conduisent souvent à la mise en place de comportements de fuite ou de recherche de stimuli, allant parfois jusqu'à l'automutilation. Il est important de comprendre la fonction de ces comportements et de proposer des solutions plus adaptées avant de tenter de les supprimer (Bogdashina, 2012/2020).

Des incohérences de perception ne sont pas rares dans les TSA, lorsqu'une sensation est une fois en hypersensibilité et une autre en hyposensibilité, ou fluctue entre la normalité et l'une de ces sensibilités (Bogdashina, 2012/2020). Cette fluctuation dépend notamment de l'état d'excitation sensorielle initiale de la personne.

On remarque fréquemment un état de surcharge sensorielle chez les personnes autistes, en lien avec les expériences sensorielles présentées (Bogdashina, 2012/2020). Cette surcharge provoque des hypersensibilités, une incapacité à traiter les informations sensorielles, des comportements stéréotypés... Une sensation qui d'habitude n'est pas dérangeante peut donc le devenir lorsque la personne est en surcharge.

L'incapacité à traiter les informations se traduit par une fermeture sensorielle, ou une agnosie sensorielle temporaire (Bogdashina, 2012/2020). La fermeture correspond à un arrêt de traitement des informations provenant d'une ou plusieurs modalités sensorielles, ou un arrêt de la capacité à répondre aux sollicitations. Le traitement multimodal ne se fait plus et la personne se retire dans son monde, coupe les interactions sociales. L'agnosie sensorielle correspond à un retour temporaire à un mode de perception littéral, la personne ne peut plus mettre de sens sur ce qu'elle perçoit (Bogdashina, 2012/2020).

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

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