2.2.2. Les expériences sensorielles
Les personnes autistes ont une perception du monde
différente de la nôtre. Leurs expériences sensorielles
présentent des caractéristiques que nous allons tenter
d'expliquer. Un premier degré de perception souvent observé dans
les TSA est la perception littérale, c'est-à-dire sans
interprétation (Bogdashina, 2012/2020). Le stimulus sensoriel ne prend
pas sens, il n'est pas compris et reste au stade de la sensation. Dans le
fonctionnement sensoriel typique, le cerveau anticipe et interprète ce
qu'il perçoit avant même de l'avoir analysé en
détail. Cette anticipation n'est pas réalisée dans la
perception littérale.
Les personnes autistes ont souvent des problèmes dans
le filtrage sensoriel (Bogdashina, 2012/2020). Ils ne distinguent pas les
stimuli proches ou lointains, importants ou non. Ils perçoivent tout
sans aucun filtre, chaque pièce ou situation constituant alors un tout
de sensations. Le cerveau n'est pas capable de traiter une quantité si
élevée d'informations et
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va ainsi fragmenter les perceptions sans signification
particulière. Un objet va être identifié grâce
à une petite quantité d'informations, un seul détail. Si
ce détail change, il faut réapprendre à identifier
l'objet. Un même objet peut même être divisé en
plusieurs pièces séparées qui ne se lient pas entre elles
(Bogdashina, 2012/2020).
Des difficultés dans le filtrage des informations
signifient que quand un petit élément change, c'est le tout qui
change, provoquant de la confusion chez la personne. En effet, la situation est
similaire, familière, mais différente en même temps. La
plupart du temps, les gros changements sont plus faciles à vivre pour la
personne autiste, car ils constituent alors une situation complètement
différente, nouvelle, qui ne crée pas de confusion (Bogdashina,
2012/2020). Cela mène à des associations
d'évènements particulières, par exemple, si un jour un
verre a été cassé et que le tapis du salon était
bleu, alors à chaque fois que le tapis est bleu un verre doit se casser.
On remarque dans ce cas une rigidité de la pensée, et un manque
de généralisation. S'il y a une différence de contexte, ce
n'est plus la même situation et la personne ne sait plus quoi faire. La
création de routines et de rituels permet alors aux personnes autistes
de se rassurer et de maintenir une continuité dans un monde trop
changeant (Bogdashina, 2012/2020).
On remarque chez certaines personnes autistes un manque
d'accoutumance aux sensations, celles-ci restent présentes même
après que la stimulation initiale est arrêtée. C'est ce
qu'on appelle l'effet de rémanence (Bogdashina, 2012/2020).
La perception peut aussi être déformée,
distordue. La personne, pour équilibrer ses perceptions, pourra adopter
des comportements nous paraissant étranges comme tourner en rond,
sauter...
Un retard de traitement et un temps de latence de la
réponse sont généralement observés dans les TSA. En
effet, les processus de perception peuvent être différés,
empêchant la généralisation d'informations.
Réitérer la consigne, modifier l'élément va alors
demander de recommencer le processus de traitement (Bogdashina, 2012/2020).
Les modalités sensorielles fonctionnent parfois en
hypersensibilité ou en hyposensibilité. L'hypersensibilité
c'est que le seuil de perception est bas, c'est-à-dire qu'il faut peu de
stimulations, une faible intensité pour que la personne discerne les
stimuli (Bogdashina, 2012/2020). La personne perçoit des
éléments que nous ne percevons pas, comme des particules fines
sur le plan visuel, des fréquences sonores sur le plan auditif, etc.
L'hypersensibilité peut aller jusqu'à la douleur, les personnes
autistes expliquent que les sensations sont parfois impossibles à
supporter (Bogdashina, 2012/2020). L'anticipation du stimulus dérangeant
provoque parfois un comportement problème comme la
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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destruction de l'objet qui provoque la douleur. La question de
la prévisibilité du stimulus est donc importante à
intégrer dans nos soins. À l'inverse, la personne autiste peut
développer des fascinations pour certains stimuli, ce qui lui permet de
se couper du reste du monde. Le plaisir qu'elle en retire la rend cependant
dépendante de cette stimulation (Bogdashina, 2012/2020).
L'hyposensibilité c'est quand le seuil de perception
est haut. Il faut beaucoup de stimulations, une intensité importante
pour que celles-ci soient perçues (Bogdashina, 2012/2020). Il est alors
nécessaire de s'appuyer sur d'autres modalités sensorielles pour
appréhender l'environnement.
Ces hyposensibilités et hypersensibilités
s'observent en fonction des sens, mais aussi en fonction des différentes
stimulations. Par exemple, une stimulation sonore peut être en
hypersensibilité tandis qu'une autre est en hyposensibilité.
Elles conduisent souvent à la mise en place de comportements de fuite ou
de recherche de stimuli, allant parfois jusqu'à l'automutilation. Il est
important de comprendre la fonction de ces comportements et de proposer des
solutions plus adaptées avant de tenter de les supprimer (Bogdashina,
2012/2020).
Des incohérences de perception ne sont pas rares dans
les TSA, lorsqu'une sensation est une fois en hypersensibilité et une
autre en hyposensibilité, ou fluctue entre la normalité et l'une
de ces sensibilités (Bogdashina, 2012/2020). Cette fluctuation
dépend notamment de l'état d'excitation sensorielle initiale de
la personne.
On remarque fréquemment un état de surcharge
sensorielle chez les personnes autistes, en lien avec les expériences
sensorielles présentées (Bogdashina, 2012/2020). Cette surcharge
provoque des hypersensibilités, une incapacité à traiter
les informations sensorielles, des comportements
stéréotypés... Une sensation qui d'habitude n'est pas
dérangeante peut donc le devenir lorsque la personne est en
surcharge.
L'incapacité à traiter les informations se
traduit par une fermeture sensorielle, ou une agnosie sensorielle temporaire
(Bogdashina, 2012/2020). La fermeture correspond à un arrêt de
traitement des informations provenant d'une ou plusieurs modalités
sensorielles, ou un arrêt de la capacité à répondre
aux sollicitations. Le traitement multimodal ne se fait plus et la personne se
retire dans son monde, coupe les interactions sociales. L'agnosie sensorielle
correspond à un retour temporaire à un mode de perception
littéral, la personne ne peut plus mettre de sens sur ce qu'elle
perçoit (Bogdashina, 2012/2020).
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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