2.1.3. Les sens comme base des apprentissages
« Tout ce que nous connaissons du monde et de
nous-même nous vient de nos sens. » (Bogdashina, 2012/2020, p.
54)
Le bébé perçoit donc son environnement
très tôt, mais il devra encore développer ses
capacités de reconnaissance, de traitement et de filtrage des stimuli
sensoriels internes et externes (Degenne et al., 2019). Cette capacité
à traiter et donner un sens aux informations sensorielles sert de base
au développement moteur, social et cognitif. Livoir-Petersen (2008)
explique que la multiplication des vécus sensoriels permet une
habituation à ceux-ci, et ainsi une connaissance de plus en plus
variée du monde et des objets.
La pyramide des apprentissages formulée par Williams et
Shellenberger en 1996 place les sens comme base pour toutes les sphères
de développement (cité par Degenne et al., 2019). En effet, les
sens et leur intégration influencent le langage, la motricité,
les comportements sociaux et la cognition par leur présence dans chacun
de ces domaines. Avant de pouvoir être acteur dans son quotidien, le
sujet doit pouvoir comprendre son
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environnement grâce aux informations sensorielles qu'il
reçoit. Les sens vont alors participer aux apprentissages ainsi
qu'à la régulation des émotions et des comportements.
2.2. Fonctionnement sensoriel chez la personne avec TSA
Nous l'avons abordé, la question sensorielle est
présente dans beaucoup d'aspects du développement des personnes
autistes. Certaines difficultés motrices et cognitives peuvent
être liées à leur fonctionnement sensoriel atypique.
2.2.1. Les manifestations sensorielles
Les symptômes sensori-moteurs dans les TSA apparaissent
très tôt, dès les premiers mois de vie du
bébé (Degenne et al., 2019). On le remarque sur le plan visuel et
auditif, avec généralement peu de contacts oculaires et des
réactions atypiques aux sons. Les systèmes proprioceptifs et
vestibulaires sont aussi impactés, cela se traduit par de mauvais
ajustements toniques et posturaux, une tendance à rester statique.
Les perturbations sensorielles sont présentes dans la
majorité des TSA, mais la diversité de leurs manifestations rend
difficile l'élaboration d'un profil type. On peut cependant
dégager certains éléments souvent présents (Degenne
et al., 2019). Il est à préciser que ce ne sont pas les organes
sensoriels en eux-mêmes qui dysfonctionnent, mais c'est
l'intégration des informations perceptives qui se fait de façon
atypique (Gorgy, 2014).
Sur le plan visuel, les personnes autistes vont principalement
traiter les informations de manière locale (Degenne et al., 2019). Elles
vont s'intéresser à des détails, et ainsi manquer de
globalité dans leur perception visuelle. Nous pouvons mettre cela en
lien avec leur traitement cognitif et leurs difficultés à
créer des représentations globales, certainement impactés
par cette donnée sensorielle. La perception visuelle est souvent
dominante par rapport aux autres sens chez les personnes autistes. Gorgy (2014)
ajoute aussi que la luminosité et l'intérêt pour les
détails perturbent le traitement des visages et donc les interactions
sociales.
Le sens tactile est lui aussi souvent perturbé et cela
va impacter certaines activités du quotidien comme l'habillage, la
toilette, etc. (Degenne et al., 2019) La question de la perception de la
douleur et de la température se pose aussi souvent dans la clinique de
l'autisme. Selon Gorgy (2014), les réactions au toucher peuvent influer
sur l'attention et les interactions sociales, notamment avec la dimension
affective du toucher qui est mal perçue.
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
Au niveau de l'audition, Gorgy (2014) explique que les aires
cérébrales liées à l'audition sont
sous-activées, cela perturbe l'intégration du langage et provoque
des réactions d'évitement ou de recherche sensorielle. On
remarque souvent une sous-réaction à la voix humaine, et des
problèmes de filtrage des sons (Degenne et al., 2019).
Sur les plans olfactif et gustatif, une
hypersélectivité, des besoins de tout sentir, des troubles de
discrimination gustative peuvent être observés. L'alimentation est
donc un point important à interroger chez les sujets TSA, d'autant plus
que l'aspect tactile intervient aussi dans celle-ci.
Des particularités dans le contrôle postural, des
maladresses ou encore des perturbations de l'équilibre peuvent
être en lien avec des traitements proprioceptif et vestibulaire
dysfonctionnant (Degenne et al., 2019).
Les sens fonctionnant de façon multimodale, il n'y a
généralement pas qu'une seule modalité sensorielle
touchée dans les TSA. L'intégration multimodale des informations
sensorielles est perturbée, notamment dans la connexion entre les
modalités sensorielles qui se fait avec un temps de latence (Gorgy,
2014). Le trop-plein d'informations sensorielles peut aussi conduire à
une saturation. Les conséquences sur la vie quotidienne et sur les
apprentissages vont donc être multiples. Ces particularités du
traitement sensoriel vont empêcher l'expression des capacités du
sujet, le rendre moins disponible aux interactions sociales, voire provoquer
l'apparition de comportements dits « problèmes » (Degenne et
al., 2019). Ces comportements peuvent prendre la forme d'agressivité, de
troubles attentionnels, de stéréotypies, etc.
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