2.2.3. Sécurité qui mène à
l'apaisement
Pour Jamil, la sécurité que la structuration des
séances apporte est essentielle car sa perception sensorielle du monde
est instable et incertaine. Dans un espace fixe et sécurisé, il
peut alors se séparer de la fonction d'alerte de ses sens. De la boucle
archaïque du traitement sensoriel, il peut ainsi passer à la boucle
cognitive qui ouvre aux représentations (Bullinger, 2007a).
Cela permet à Jamil de passer de comportements
envahissants de recherche sensorielle vestibulaire à un apaisement
sensoriel et corporel. Ainsi, j'observe des comportements sensoriels plus
variés dans les séances récentes que dans les
séances de départ : Jamil vient sentir mon odeur, observer mon
visage quand il est dans mes bras ou demander des sensations tactiles
profondes. Maintenant que l'environnement est stable, Jamil n'a plus besoin de
mobiliser ses sens intéroceptifs dans une recherche de
sécurité interne et peut à nouveau explorer le monde avec
ses autres sens.
C'est alors que Jamil peut s'ouvrir au monde, se rendre
présent à ce qu'il fait et s'apaiser dans sa motricité.
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
2.3. Début de symbolisation
Alors que les mouvements d'escalade de Jamil évoluent
dans leur intention, j'observe aussi un élément qui me
questionne. Lors d'une séance, Jamil trouve les briques en carton dans
le placard et les empile dans une construction toute en hauteur. Il place les
briques les unes sur les autres, jusqu'à ce que sa taille le limite,
puis me regarde comme s'il demandait de l'aide. Jamil semble vouloir que sa
tour soit toujours plus haute.
Cette recherche de hauteur et de verticalité, similaire
à celle qu'il peut mettre en jeu dans son propre corps en mobilisant son
tonus axial pour se grandir, ainsi que dans l'escalade, semble s'être
déplacée sur l'objet « brique ».
Selon les niveaux de connaissance des objets décrits
par Piaget en 1936 (cité par Bullinger, 2007a), Jamil se trouve
précédemment sur le second niveau : la connaissance dans l'aspect
sensori-moteur du mouvement. Dans cette expérimentation corporelle de la
hauteur, on peut penser que Jamil tente d'explorer et de mettre en jeu sa
propre axialité. Les comportements d'escalade de Jamil constitueraient
alors un moyen de connaissance d'une caractéristique de son propre
corps.
Lorsque Jamil expérimente l'axe par le biais d'un objet
qui n'est pas son corps, il est alors dans le troisième niveau : la
connaissance de l'objet dans l'effet du geste. Il apprend à connaitre et
représenter son axialité en dehors de ses sensations corporelles
internes, dans une dimension plus symbolique.
Orjubin (2022) explique qu'en psychomotricité,
l'investissement de l'espace par le patient constitue son premier support de
représentation. Ce rapport à la salle lui permet
d'intérioriser certaines formes qui la constituent dans sa propre image
du corps.
Jamil semble investir certains espaces de la salle de
façon plus intense que d'autres. L'espalier et les agrès sont
surinvestis, tandis que l'espace plus large du sol et du reste de la salle est
sous-investi. Cet investissement de l'espace par Jamil est très
porté sur la hauteur. L'espace de son propre corps est investi dans une
axialité importante avec son tonus élevé. Cet
investissement de la hauteur, de l'axe serait alors un moyen de s'approprier
ces caractéristiques.
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