2.2.1. Structuration temporelle
La mise en place d'une structuration de la séance,
selon le principe de la méthode TEACCH, permet de garder un cadre de
séance stable (Le Menn-Tripi & Zupranski, 2019). Au fur et à
mesure que les séances se déroulent, cette structuration
temporelle s'inscrit comme fonctionnement normal. La première
séance avec Jamil est difficile, il a du mal à comprendre les
différents temps que nous mettons en place. Petit à petit,
malgré ses conduites stéréotypées qui
interfèrent avec les activités, le cadre temporel de la
séance est plus facile à maintenir. Un rythme est
créé et chaque temps est mieux respecté.
Ces activités sont représentées par des
pictogrammes qui permettent d'intégrer visuellement les temps
proposés, et de les anticiper. La stabilité et la
prévisibilité qui en découlent sont des
éléments essentiels pour les personnes autistes. Dans un monde
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
sensoriel souvent imprévisible, cela apporte une
sécurité : « c'est ainsi que cela va se passer, je sais
à quoi m'attendre ». Progressivement, la stabilité
temporelle et la répétition permettent une habituation, qui donne
accès à des représentations (Bullinger, 2007a).
La modulation du rythme des séances par le
psychomotricien prend une grande place dans les processus de
représentation (Orjubin, 2022), en particulier dans la clinique de
l'autisme. Pour Jamil, la structuration du temps semble progressivement prendre
du sens, il parvient de plus en plus à rester présent sur les
activités. Il repère chacun des temps et sait qu'après
avoir fini son parcours psychomoteur par exemple, il peut aller escalader. Son
besoin de stimulations, bien que toujours présent, peut être
contenu jusqu'à la fin du parcours.
2.2.2. Structuration spatiale
En plus de la structuration temporelle, la structuration de
l'espace permet aussi une stabilité. En effet, l'environnement de la
salle reste toujours le même et est plutôt neutre. De plus, les
activités proposées servent de support à l'exploration de
l'espace. Nous proposons une utilisation très variée de l'espace
de la salle au travers des déplacements, du parcours, du temps sensoriel
et du temps calme. L'espace global de la salle est exploré par les
déplacements, le parcours offre une expérimentation de l'espace
du sol, des côtés, du dessus, du dedans, mais aussi de la hauteur.
Le temps sensoriel sert de lien avec l'espace plus interne du corps, les
enfants peuvent s'y stimuler comme ils le souhaitent. Enfin, le temps calme
donne accès à l'espace du sol, mais aussi de la relation.
L'espace se construit d'abord par les déplacements,
puis par la connaissance des objets et enfin par la délimitation entre
l'intérieur et l'extérieur de soi (Obéji, 2020). Le cadre
spatial que nous offrons permet alors aux enfants de reprendre le
développement des notions spatiales, dans un contexte sécure et
adapté. En psychomotricité, la salle constitue un espace
d'expérimentation corporelle, qui donne accès à la
représentation (Orjubin, 2022).
L'exploration de l'espace par les enfants dépend du
sentiment de sécurité interne qu'ils ressentent, qui se construit
grâce à la présence de l'autre (Dugravier &
Barbey-Mintz, 2015). La première absence de la
monitrice-éducatrice me fait réaliser l'importance d'un
repère humain identifié et stable pour Jamil. En effet, il
connait alors très peu la psychomotricienne et moi-même, ce qui
semble le perturber. Il ne semble pas trouver en nous des repères. Plus
tard, alors que Jamil paraît mieux nous avoir intégrées, la
modification des personnes qui l'accompagnent ne le perturbe plus autant. La
confiance et
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la sécurité dans la relation sont donc
essentielles à l'établissement d'une stabilité dans la
séance.
Ces repères spatiaux, temporels et relationnels
permettent de créer un environnement propice aux expériences
corporelles. Repérer le temps et l'espace est essentiel pour les
personnes autistes, qui présentent des difficultés dans
l'appréhension de ces notions (Joly, 2010). Pour Orjubin (2022),
l'enfant qui n'a pas encore accès aux représentations s'appuie
sur le cadre et le thérapeute qui l'étayent dans sa
psychomotricité. La structuration du temps, de l'espace et
l'accompagnement du psychomotricien sont alors essentiels dans
l'intégration de son identité psychomotrice.
De plus, la connaissance des stéréotypies nous
permet d'y répondre de manière adaptée, d'en chercher les
causes, les conséquences, par l'utilisation de l'analyse des
comportements ABA (Le Menn-Tripi & Zupranski, 2019). Ainsi nous adaptons
nos réactions et l'environnement en fonction de ces connaissances.
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