2.1.1. L'intention du psychomotricien
Nous savons que le milieu humain, dans l'interaction avec
l'enfant, met du sens à ses expériences (Bullinger, 2007a).
Ainsi, au travers du dialogue tonico-émotionnel, mais aussi du regard,
l'adulte donne une valeur aux vécus de l'enfant. En séances avec
Jamil, lorsqu'il escalade l'espalier ou les agrès et se place dans des
postures instables, voire dangereuses, mon attention et mon regard se dirigent
sur lui. J'identifie dans ce comportement un moyen de maintenir l'attention de
l'autre, d'exister au travers du regard de l'autre, en plus des
éventuelles raisons sensorielles.
Mon propre comportement s'adapte alors dans la relation.
J'ajuste la distance à laquelle je me place par rapport à Jamil,
en répondant ou non à ces appels d'attention. Dans les temps
où Jamil escalade l'espalier par exemple, je reste présente
à une distance lui permettant de continuer ce qu'il fait jusqu'à
ce qu'il redescende, tout en étant garante de sa sécurité.
Mon regard se porte sur lui, sur ce qu'il fait. Ainsi, je crée un espace
relationnel dans ces moments d'escalade où Jamil efface habituellement
le monde qui l'entoure.
Cet espace relationnel, tout au long des séances,
permet ainsi de différencier l'intérieur et l'extérieur du
corps (Bullinger, 2007a). C'est grâce à nos différentes
réactions face à ces comportements que Jamil peut intégrer
qu'il est lui-même différent de nous. En signifiant verbalement et
corporellement ce qu'il expérimente, nous alimentons sa
représentation de lui-même. Signifier les expériences de
l'enfant passe donc par le dialogue tonico-
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
48
émotionnel, mais aussi par le regard et
l'investissement psychique et physique envers l'enfant qui sont en jeu dans la
relation (Orjubin, 2022).
Orjubin (2022) explique que c'est la réponse du milieu
qui donne un sens au vécu. En interprétant les conduites de Jamil
comme une sorte d'appel inconscient, je leur donne ainsi cette valeur de
message. Dans mon regard, dans l'attention que je lui porte, ainsi dans ce que
je peux exprimer corporellement, je lui transmets la portée
messagère de son comportement. Progressivement, alors que les
expériences s'accumulent, Jamil peut s'approprier cette valeur de
message que j'associe à ses conduites, pour en faire une valeur
messagère intentionnelle. Le travail en psychomotricité permet
une modification des conduites chez Jamil, la naissance d'une intention envers
l'autre, signifiant une ébauche de représentation de soi et de
l'autre, dans un processus de différenciation.
2.2. Apaisement moteur
Petit à petit, Jamil semble s'apaiser, ses
comportements stéréotypés sont moins envahissants dans les
séances. Alors qu'au départ il s'échappe
régulièrement pendant les activités proposées, il
commence à pouvoir rester de plus en plus longtemps concentré sur
celles-ci. Ses conduites d'escalade sont toujours présentes, mais
à des moments plus adaptés.
Lors des moments de temps calme, il est capable de rester
plusieurs minutes immobile au sol avant de courir et escalader à
nouveau. Il parvient même à revenir auprès de la
psychomotricienne après son temps d'escalade. Cet apaisement se retrouve
aussi dans son tonus qui baisse de façon adaptée.
|