1.1.2. Aspect stéréotypique du mouvement
L'aspect répétitif des mouvements d'escalade
chez Jamil, autant dans leur forme que dans leur intensité qui varie
très peu, m'évoque les stéréotypies. Ces
manifestations sensori-motrices représentent pour Jamil un moyen de
répondre à un besoin sensoriel, mais peut-être aussi
à un stress que la nature changeante de l'environnement lui apporte.
Nous l'avons abordé, le mouvement constitue
systématiquement un changement (Obéji, 2020). S'accrocher
à des mouvements connus et répétitifs est aussi un moyen
d'éviter la nouveauté. Cela permet de ne pas aller vers
l'inconnu, vers un changement qui serait difficile à gérer et
imprévisible.
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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De plus, le plaisir que Jamil semble ressentir dans ces
conduites le maintient dans celles-ci. Gorgy (2018) explique que ces
comportements répétés ne permettent pas d'habituation, et
ainsi pas de représentation.
Selon la classification proposée par Gorgy (2018),
cette stéréotypie entre dans la catégorie des
stéréotypies sensori-motrices, par son aspect d'autostimulation.
Cependant, l'évitement du changement, de la nouveauté dans le
geste peut être associée à un trouble des fonctions
exécutives, et ainsi à des stéréotypies
cognitivo-motrices. Pour Jamil l'aspect sensoriel semble dominer l'aspect
cognitif dans ses comportements stéréotypés, mais je ne
peux écarter complètement cette catégorie de
stéréotypie. Aucun examen médical n'indique des
problématiques au niveau des organes sensoriels de Jamil, je ne classe
donc pas la stéréotypie comme perceptivo-motrice, bien qu'un
trouble encore inconnu puisse exister.
Nous voyons bien ici la difficulté à classer et
à comprendre les stéréotypies que mentionne Gorgy (2018).
En fonction du regard porté sur la stéréotypie, mais aussi
en fonction du moment où celle-ci est réalisée, elle peut
être classée dans une catégorie ou dans une autre. En
effet, ce même comportement d'escalade chez Jamil dans un autre contexte
peut prendre une fonction différente, avoir des causes et des
conséquences différentes.
D'Ignazzio (2019) explique l'importance d'analyser l'impact
des stéréotypies sur le fonctionnement de la personne pour agir
sur celles-ci ou non. Pour Jamil, la stéréotypie lui permet de
réguler sa sensorialité, mais elle le coupe aussi de la relation,
restreint son répertoire moteur, perturbe son attention... Nous pouvons
donc la considérer comme envahissante et il semble nécessaire de
trouver un moyen de réduire ses conduites d'escalade. Cependant, il est
important de prendre en compte la fonction observée de ces comportements
et d'y trouver un substitut plus acceptable, moins envahissant. Si l'on
supprime simplement le comportement, un autre qui aura la même fonction
se développera. En psychomotricité, la connaissance de ces
mécanismes permet d'adapter notre réponse.
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