3.3.2. Huitième séance : une fatigue qui
modifie l'agitation
Le profil sensoriel de Jamil nous permet de mieux comprendre
la façon dont Jamil peut appréhender son environnement. Son
besoin de sensations intéroceptives, qui lui permettent de maintenir une
stabilité qu'il ne trouve pas dans son milieu, est alors important
à prendre en compte. Nous décidons d'intégrer l'espalier
dans le parcours psychomoteur, ce qui lui permet alors de trouver un
intérêt supplémentaire dans cette activité.
Jusqu'ici, l'élément apportant des sensations vestibulaires les
plus fortes dans le parcours était la planche d'équilibre.
L'espalier permet à Jamil de mieux combler son besoin de hauteur. Cette
étape se fait à la fin du parcours et sert de motivateur à
Jamil. S'il arrive à parcourir toutes les autres étapes, il gagne
le droit de monter sur l'espalier. Intégrer l'espalier au parcours
permet d'encadrer son utilisation pour Jamil, et de le vivre autrement
qu'à l'habitude. Cela permet aussi aux autres enfants du groupe
d'expérimenter des mouvements nouveaux ou peu connus.
En début de séance, Jamil est sur la
balançoire pour le temps sensoriel. Nous avons mis un peu de temps
à l'installer et cela semble l'avoir frustré. Il se balance et
prend des postures étranges sur la balançoire, avec la tête
en arrière. Jamil bouge sur la balançoire, se tortille presque,
et pleure. Les segments de son corps paraissent rigidifiés, par rapport
à d'habitude où ses mouvements me semblaient fluides. Cela
exprime peut-être un besoin de sensations proprioceptives plus fort
qu'à l'accoutumée chez Jamil. J'éprouve des
difficultés à comprendre ce qu'il se passe à ce moment
pour Jamil.
Au cours de la séance, Jamil recherche encore beaucoup
l'attention et va même se jeter sur nous pour qu'on le prenne dans les
bras. Alors qu'il est sur un agrès et que je m'approche pour lui
demander de descendre, il s'agrippe à moi pour que je le porte. Depuis
le matin, il semble fatigué et se frotte souvent les yeux. Dans mes
bras, il cache son visage contre moi, comme pour se cacher de la
lumière. Il semble aussi sentir mon odeur, renifler mes cheveux.
J'accepte de le garder contre moi un instant, et le serre très fort pour
lui apporter des sensations tactiles profondes. Il semble apprécier,
mais lorsque je lui indique que ce moment est fini, qu'il doit descendre, je
peine à me détacher de lui. En effet, il me serre très
fort avec ses jambes et refuse de me lâcher. Je parviens finalement
à le faire descendre en insistant un peu, après l'avoir
serré très fort une nouvelle fois. Il fait de même avec la
psychomotricienne quelques instants plus tard. Avec elle, il se penche en
arrière pour
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
39
chercher des sensations vestibulaires, elle tourne sur
elle-même pour renforcer les sensations, ce qu'il semble
apprécier. Je vois un sourire sur son visage, il a les yeux
fermés et le tonus dans le haut de son corps est très bas. Jamil
semble avoir relâché complètement le haut de son corps en
arrière, et se maintient fermement avec les jambes autour de la taille
de la psychomotricienne. Plus tard dans la séance, il reproduit cela
avec moi, et je trouve très difficile de porter tout son poids qu'il
lâche complètement. Même dans mes bras, Jamil est difficile
à tenir, comme insaisissable.
Jamil me surprend en réalisant le parcours psychomoteur
sans trop de difficultés à rester concentré. Nous
réalisons plusieurs fois le parcours et, entre chaque tour, Jamil tente
de grimper dans les bras des professionnelles ou de moi-même. Il cherche
aussi à éteindre la lumière qui semble le déranger,
et pleure lorsqu'on la rallume.
Le temps calme en fin de séance est le bienvenu pour
Jamil, qui se calme dans l'obscurité. Pour la première fois,
Jamil parvient à rester quelques instants assis contre la
psychomotricienne qui le serre alors fort dans ses bras. Les sensations
tactiles profondes semblent être un élément qui permet de
calmer et poser Jamil. Néanmoins, cela ne dure pas très longtemps
et il part de nouveau escalader les agrès après avoir
profité du temps contre la psychomotricienne.
|