3.3.3. Neuvième séance : du corps à
l'objet
Lors de cette séance, la monitrice-éducatrice
n'est pas présente en raison d'une journée pédagogique.
Nous réduisons donc le groupe à trois enfants, dont Jamil fait
partie.
Le temps d'accueil du début de séance se
déroule de mieux en mieux avec les enfants et Jamil commence à
être plus présent à ce qu'il fait. Cette fois, en donnant
le ballon à son camarade, il porte le regard sur le ballon qui passe de
ses mains à celles d'un autre. Son action est aboutie,
c'est-à-dire qu'il attend que la balle ait été
reçue avant de porter son intérêt sur d'autres
éléments de la pièce. Il continue cependant d'escalader
les agrès, dans ce qui semble encore être une recherche
d'attention. J'essaie alors de porter mon attention sur lui dans des moments
plus propices, non pas lorsqu'il escalade pour éviter qu'il associe le
fait de grimper à une réaction de notre part, mais lorsqu'il
réalise bien les consignes qu'on lui demande.
Sur le temps sensoriel, Jamil profite toujours de la
balançoire et a intégré qu'il devait la partager avec un
autre enfant. Lorsqu'il accepte de descendre de la balançoire et de
laisser la place, nous le félicitons. Les déplacements avec Jamil
sont toujours similaires, il parvient à courir, mais il est difficile de
l'amener au sol.
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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Un temps d'installation du matériel pour le parcours
est nécessaire, et Jamil se dirige vers le placard à ce moment.
Il y trouve des briques en carton, qu'il commence alors à placer les
unes sur les autres pour en faire une tour. Voyant qu'il cherche à la
rendre toujours plus haute, je ne peux m'empêcher de faire le
parallèle entre cette recherche de hauteur avec les briques et la
recherche de hauteur dans son propre corps lorsqu'il escalade le mobilier. Il
n'a, à cet instant, pas choisi de chercher la hauteur et le
déséquilibre corporellement, mais par le biais d'objets. Cela
m'interroge sur la trace qu'ont laissée ses expériences
d'escalade, pour pouvoir être représentées sur l'objet et
non plus dans un aspect sensori-moteur.
Je me questionne aussi sur ce que j'identifie jusqu'alors
comme une recherche de hauteur. Au travers de son tonus et de ses mouvements,
Jamil ne cherche-t-il pas à expérimenter sa propre
axialité ?
Puis, pendant le temps de parcours, Jamil le réalise
sans trop s'échapper pour aller grimper. Sur l'espalier en fin de
parcours, Jamil me surprend, il descend de façon plus
contrôlée qu'à l'habitude. Même si son mouvement est
toujours un peu précipité et grossier, il place le pied sur un
barreau en dessous et saute alors de moins haut. Lorsqu'il a fini le parcours
et que notre attention se porte vers un autre enfant, Jamil court et escalade
les agrès. Il attend une réaction de notre part. Sans cette
réaction, il redescend par lui-même, encore une fois en
plaçant les pieds un à un sur les barreaux avant de sauter, et
vient nous chercher plus près, en tentant de ranger le parcours par
exemple.
Sur le temps calme, Jamil se calme encore une fois quelques
instants. Assise au sol, je le serre fort contre moi, dans des stimulations
tactiles profondes. Il se sépare ensuite de moi pour aller utiliser un
agrès de marche, chercher de la stimulation vestibulaire. Ses pulsions
à grimper se réduisent, ou du moins sont plus contrôlables,
prennent moins de place. Je rencontre petit à petit cet enfant qui
devient de plus en plus présent à ces actions.
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