3.1.3. Troisième séance : une perturbation du
cadre
À l'issue de ces premières séances, nous
remarquons chez les enfants des difficultés à être
présents aux activités proposées. Il semble qu'ils aient
du mal à comprendre que le temps sensori-moteur libre arrive à la
fin, et sont très envahis par des éléments sensoriels
pendant les ateliers. Cette réflexion nous amène à
déplacer ce temps libre en début de
LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)
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séance, après le temps d'accueil, afin de leur
permettre de se « remplir » d'éléments sensoriels et
ainsi être plus accessibles à nos propositions ensuite.
Une grève fait que la monitrice-éducatrice doit
rester sur l'unité pour combler un manque d'effectif. La
psychomotricienne et moi-même emmenons deux enfants du groupe afin de
leur proposer une séance. Après le temps d'accueil qui se
déroule plutôt aisément, nous proposons aux deux enfants,
dont Jamil fait partie, un temps sensoriel libre. Jamil choisit encore une fois
d'utiliser la balançoire, dans laquelle il se balance très fort,
en fermant les yeux et en plaçant sa tête en arrière.
La psychomotricienne et moi-même profitons de ce temps
sensoriel pour réorganiser la salle, ce qui attire l'attention des
enfants sur les agrès, que nous déplaçons. Ils viennent
alors les utiliser pour se stimuler, en observer les mécanismes, les
utiliser.
Le temps de déplacements que nous proposons par la
suite se déroule comme habituellement, il est difficile de faire en
sorte que Jamil se déplace au sol. Puis, nous commençons à
installer le matériel pour le parcours psychomoteur. Jamil refuse que
nous sortions le matériel et cherche à le ranger par
lui-même. Il refuse ensuite de faire le parcours et s'évertue
à le ranger. Il pleure lorsque nous lui indiquons que ce n'est pas le
moment de ranger, qu'il doit laisser le matériel à sa place. Ce
comportement de rangement me questionne. Est-ce un moyen pour Jamil de nous
montrer qu'il ne veut pas continuer la séance ? Nous avons sur cette
séance perturbé le cadre : il manque les autres enfants ainsi que
la monitrice-éducatrice, et nous plaçons le temps sensoriel en
début de séance et non plus à la fin. Est-ce alors un
moyen de garder un contrôle, une maîtrise alors que le cadre n'est
plus connu ? Cette séance est la troisième où la
psychomotricienne et moi-même intervenons, et la cinquième
où la psychomotricienne est présente. Jamil ne nous a
peut-être pas encore intégrées comme personnes de confiance
et l'absence de la monitrice-éducatrice le laisserait alors sans
repères stables.
Ma réflexion se porte aussi sur un aspect sensoriel,
Jamil a déjà pu montrer une sensibilité à la
lumière pendant les séances. Il se frotte parfois les yeux en fin
de séance, mais surtout va éteindre les lumières, et
refuse qu'elles soient allumées de nouveau. L'autre enfant
présent à cette séance présente le comportement
inverse, il cherche à allumer les lumières. S'instaure alors un
va-et-vient autour de l'interrupteur, difficile à endiguer. Sur le plan
visuel donc, Jamil semble montrer une certaine sensibilité. Le
matériel qui compose le parcours est très coloré : des
barres et plots de toutes les couleurs, un tunnel bleu, des plaques
sensorielles colorées elles aussi. La lumière de la salle
provient du plafond et est plutôt forte, même si elle est diffuse.
Le seul moyen de tamiser un peu la lumière est de
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n'allumer que la moitié des luminaires. Tout cela est
très stimulant visuellement et il n'est pas impossible que Jamil ne
supporte pas de subir toutes ces informations sensorielles. Son comportement de
rangement pourrait donc être lié à une sensibilité
douloureuse aux stimuli visuels.
Sur le temps calme en fin de séance, Jamil semble
s'apaiser et ne pleure plus. L'obscurité l'aide à se calmer, bien
que son agitation reste présente. Il reprend ses conduites d'escalade,
et se coupe encore une fois du monde.
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