I. 3 Conflit armé international
La notion de guerre est incluse dans celle de << conflit
armé international » que consacre de manière significative
le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 (1977) qui
portaient sur le droit humanitaire de la guerre stricto sensu.
Au même titre que la guerre, tout conflit armé
international comprend, comme l'expression l'indique, un aspect militaire et un
aspect international.74
A. Aspect militaire :
Le droit international ne fixe pas le niveau de violence que
doivent atteindre les opérations armées pour que soient
applicables les règles relatives aux conflits armés
internationaux. Strictement réglementées par le droit
traditionnel de la guerre, l'ouverture et la cessation des hostilités ne
sont plus soumises aujourd'hui à des règles précises. Le
conflit armé est un fait bien plus qu'une intention.75
B. Aspect international :
Traditionnellement, toute insurrection au sein d'un Etat
était qualifiée de guerre civile, à partir d'un certain
degré de violence et d'extension territoriale sinon il s'agissait d'une
simple rébellion à force ouverte, justiciable d'une
opération de police, à ce titre, elle ne relevait que du droit
interne et de la << compétence exclusive » de l'Etat
concerné. La guerre, quant à elle, opposait des <<
belligérants », c'est-à-dire des Etats au sens du droit
international...76 de tension politique entre Etats
idéologiquement opposés qui cherchaient mutuellement à
s'affaiblir, mais sans aller jusqu'à déclencher une guerre
mondiale. En outre, sont également considérées comme des
conflits armés internationaux, les guerres de libération
nationale dans lesquelles les peuples luttent contre la domination coloniale,
l'occupation étrangère ou un régime raciste et, en
général, les guerres qui peuvent survenir lorsque les peuples
veulent exercer leur droit à l'autodétermination ou disposer
d'eux-mêmes.77
74VERRI, P., Dictionnaire du Droit International des
Conflits armés, CICR, Genève, 1988, p. 36
75 SMOUTS, M.C, BATTISTELLA, D et VENNESSON, P.,
Dictionnaire des relations internationales, Dalloz, Paris, 2003, p. 69.
76 NGUYEN, Q., D., Droit international public, 5e
éd., Paris, L.G.D.J, 1994, pp. 901-902 77Idem 1102
28
En résumé, les conflits armés
internationaux peuvent être inter-étatiques ou non dans certaines
circonstances déterminée.
1. Quelques définitions.
Les conflits armés sont à la fois un état
de fait et une question de droit. La Charte des Nations unies interdit depuis
1945 le recours à la force armée dans les relations entre
États, à part en cas de légitime défense face
à une agression. Mais la définition juridique de l'agression a
fait défaut en droit international pénal jusqu'en 2010. Il
n'existe pas non plus de définition juridique internationale des
conflits armés en tant que tels. Depuis 1949, l'article 2 commun aux
quatre Conventions de Genève donne une définition du conflit
armé international entraînant l'application du droit humanitaire.
Le Protocole additionnel I de 1977 aux Conventions de Genève ainsi que
la jurisprudence des tribunaux internationaux ont élargi la
définition des conflits armés internationaux et fourni des
critères d'interprétation de cette définition.
L'enjeu de ces définitions réside dans
l'obligation de respecter les règles du droit humanitaire conventionnel
et coutumier spécifiquement applicable aux conflits armés
internationaux plutôt que celles plus limitées applicables aux
conflits armés non internationaux.
La définition et la qualification de ce type de conflit
est importante car elle permet l'application des règles de droit
international prévues pour les conflits armés internationaux.
Un conflit armé qui oppose, sur un (ou des)
territoire(s) occupé(s), la puissance occupante et un groupe armé
non étatique, même s'il a les caractéristiques d'un groupe
terroriste, constitue un conflit armé international.78
Les règles du droit des conflits armés
internationaux peuvent être utilisées pour interpréter
celles des conflits armés non internationaux. Le droit international
humanitaire coutumier harmonise la plupart des règles applicables dans
les conflits armés internationaux et non internationaux et s'impose aux
parties au conflit qui ne sont pas signataires des conventions
internationales.79
78Jean-Jacques, M, commentaire sur la question du
conflit armé selon le droit international humanitaire, Paris
2001, p 112 79Idem
29
2. Définition conventionnelle :
les conflits armés entre États, selon le droit
humanitaire conventionnel, le conflit armé international désigne
les conflits armés qui opposent deux ou plusieurs États parties
aux Conventions de Genève, ainsi que les cas d'occupation militaire de
tout ou partie du territoire d'un État signataire et les guerres de
libération nationale.80
La définition de l'article 2 commun aux Conventions de
Genève de 1949 recouvre les cas de guerre déclarée mais
aussi tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs hautes
parties contractantes, même si l'état de guerre n'est pas reconnu
par l'une d'elles.
L'application du droit humanitaire n'est donc plus soumis au
formalisme de la déclaration de guerre, ni à la reconnaissance de
l'état de conflit par l'un ou l'autre des États engagés
dans celui-ci. Elle repose sur des critères objectifs destinés
à éviter les polémiques politiques de qualification.
Le droit des conflits armés internationaux s'applique
également dans tous les cas d'occupation de tout ou partie du territoire
d'une haute partie contractante même si cette occupation ne rencontre
aucune résistance militaire et qu'il n'y a donc pas d'affrontements
armés proprement dits, ou que ces affrontements se font avec des groupes
armés non étatiques sur le(s) territoire(s)
occupé(s).81
Le Protocole additionnel I de 1977 aux Conventions de
Genève assimile à des conflits armés internationaux les
guerres de libération nationale dans lesquelles les peuples luttent
contre la domination coloniale, l'occupation étrangère ou un
régime raciste et veulent exercer leur droit à
l'autodétermination.82 Le droit des conflits armés
internationaux peut donc être appliqué à ce type de conflit
à condition que l'autorité représentant le peuple en lutte
contre un État accepte formellement d'appliquer les Conventions de
Genève et le Protocole additionnel I dans le cadre de sa lutte
armée.83
Le droit humanitaire conventionnel et coutumier ne fournit pas
de définition claire de la notion de conflit armé en tant que
tel. Le commentaire de l'article 2 des Conventions de Genève de 1949
précise que tout différend qui surgit entre deux États
parties et qui conduit à
80VERRI, P., Dictionnaire du Droit International des
Conflits armés, CICR, Genève, 1988, p. 36
81Idem p. 47
82Article 1.4. Du Protocol Additionnel I
83Article 96.3 du protocole additionnel l; article 2
commun au Convention de Genève I, convention de Genève
II, convention de Genève III, convention de Genève
IV; article 1.3.-4 du protocole additionnel l.
30
utiliser les membres des forces armées est un conflit
armé international au sens des Conventions de Genève. Il
précise que la durée de ce conflit, le nombre des forces
militaires impliquées et le nombre de morts sont sans importance sur la
qualification. Le simple fait que les forces armées de l'une des parties
aient capturé des membres des forces armées adverses, même
s'il n'y a pas eu de morts, suffit pour déclencher l'application du
droit humanitaire applicable aux conflits armés
internationaux.84 L'existence d'un conflit armé international
n'est donc soumise à aucune exigence concernant l'intensité des
affrontements contrairement à ce qui est imposé dans le cas des
conflits armés internes.
3. Définition jurisprudentielle :
Les conflits armés internationaux ou
internationalisés
Certains conflits armés impliquent une grande
hétérogénéité d'acteurs armés,
à la fois étatiques, non étatiques et internationaux,
débordant sur les territoires d'États non officiellement parties
au conflit. Cette complexité soulève des problèmes de
qualification et de droit applicable aux différents acteurs et
situations.85
Si l'implication militaire directe de plusieurs États
est aisée à établir, elle ne suffit pas à rendre
compte de la réalité des conflits armés contemporains, qui
défient les critères juridiques trop formels d'États et de
territoire contenus dans la définition conventionnelle. En effet,
certains conflits armés peuvent se déployer sur les territoires
de plusieurs États sans pour autant impliquer directement leurs
armées nationales, d'autres se déroulent sur un seul territoire
national mais impliquent des groupes armés non étatiques agissant
à partir du territoire d'un État voisin avec ou sans le soutien
de celui-ci.86
Enfin, certains conflits armés se déroulent
totalement à l'extérieur du territoire national d'une des parties
au conflit.
Il est également nécessaire d'aller
au-delà des apparences juridiques concernant la nature non
étatique d'un acteur armé et de vérifier s'il n'agit pas
en réalité au nom et pour le compte d'un État.
84(CICR), Médecins sans frontières,
Commentaire de l'article 2 des Conventions de Genève de 1949, 2005
85Idem
86Règles du droit international humanitaire
relatives à la conduite des hostilités dans les conflits
armés non internationaux », conclusions de la XXI étable
ronde de l'Institut international de droit humanitaire, Revue internationale de
la Croix-Rouge, n° 777, Juin-Juillet 1987, p. 6015
31
Enfin, la présence de forces armées
internationales mandatées ou non par l'ONU peut également
modifier la nature d'un conflit armé si les missions incluent la
participation directe dans les combats et ne limitent pas le recours à
la force à la seule légitime défense.87
La jurisprudence internationale a défini les
critères d'internationalisation d'un conflit armé qui n'oppose
pas directement deux ou plusieurs États et qui n'est donc pas
international au sens littéral de la définition.
Plusieurs décisions de la Cour internationale de
justice et des tribunaux pénaux internationaux ont examiné les
conditions permettant d'attribuer à un État tiers l'action de
groupes armés non étatiques et donc de requalifier un conflit
interne en conflit international ou internationalisé.
Dans son jugement dans l'affaire Tadic du 15 juillet 1999, le
Tribunal pénal international ad hoc pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) s'est
prononcé sur la qualification du conflit. Il a affirmé qu'«
un conflit armé interne qui éclate sur le territoire d'un
État peut devenir international (ou, selon les circonstances,
présenter parallèlement un caractère international) si les
troupes d'un autre État interviennent dans le conflit ou encore si
certains participants au conflit armé interne agissent au nom de cet
autre État » (IT-94-1-A, § 84).88
Dans les décisions ultérieures des tribunaux
pénaux internationaux (infra Jurisprudence). Il existe cependant une
controverse entre la Cour internationale de justice et les tribunaux
pénaux internationaux concernant le niveau de contrôle
exigé pour considérer qu'un groupe armé agit en fait au
nom d'un État tiers et engage sa responsabilité. Au lieu du
« contrôle global » défini par les tribunaux
pénaux internationaux, la CIJ exige un « contrôle effectif
», notion plus contraignante qui implique une absence d'autonomie du
groupe armé
87Jugement du tribunal pénal international
ad hoc pour l'ex-Yougoslavie dans l'affaire Tadic du 15 juillet 1999. Les
tribunaux internationaux ont tenté de préciser les notions de
soutien direct et de contrôle permettant éventuellement
d'attribuer à un État la responsabilité des actions d'un
groupe armé non étatique ou de requalifier ce groupe en agent de
l'État. Il y a un accord général sur le fait que, pour
internationaliser un conflit, il faut que le contrôle d'un groupe
armé par un État tiers aille au-delà du simple soutien
matériel. Jugement du tribunal pénal international ad hoc pour
l'ex-Yougoslavie dans l'affaire Tadic du 15 juillet 1999. Les tribunaux
internationaux ont tenté de préciser les notions de soutien
direct et de contrôle permettant éventuellement d'attribuer
à un État la responsabilité des actions d'un groupe
armé non étatique ou de requalifier ce groupe en agent de
l'État. Il y a un accord général sur le fait que, pour
internationaliser un conflit, il faut que le contrôle d'un groupe
armé par un État tiers aille au-delà du simple soutien
matériel.
88Dans son arrêt rendu dans l'affaire Tadic,
le TPIY a précisé qu'un État doit exercer un
contrôle global sur un groupe armé pour qu'on puisse lui attribuer
la responsabilité des actes commis par ce groupe. Ce contrôle
global implique que non seulement l'État tiers équipe et finance
un groupe armé mais également qu'il coordonne ou participe
à la planification d'ensemble de ses activités militaires.
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vis-à-vis de l'État tiers
concerné.89 La Cour internationale de justice a tenté
de réconcilier ces deux notions en estimant dans une décision de
2007 qu'on pourrait se contenter de prouver l'existence d'un contrôle
global pour qualifier une situation de conflit armé
international.90
Par contre, elle réaffirme que ce contrôle doit
être quasiment total s'il s'agit d'engager la responsabilité de
l'État en droit international en lui imputant les actes criminels commis
par un groupe armé étranger. ( infra Jurisprudence).Le
raisonnement de la CIJ rappelle de façon très utile que le droit
humanitaire doit être interprété de façon plus large
que le droit international de la responsabilité de l'État et le
droit pénal international.91
89Le conflit armé se différencie de
la guerre froide. Cette dernière est une expression forgée
à la fin de la 2e guerre mondiale pour caractériser la
rivalité entre le bloc occidental et le bloc communiste. Elle
était un état nous pouvons illustrer le conflit armé
international en citant comme exemples la coalition américano
britannique en Irak, la prétendue guerre contre les armes à
destruction massive, la guerre opposant l'Organisation pour la
Libération de la Palestine à l'Etat israélien, le conflit
opposant les Etats-Unis à la Corée du Nord au sujet l'arme
nucléaire, le conflit entre le Chili et l'Argentine autour du Chenal de
Beagle2, le conflit entre l'Alliance Atlantique et la Russie au sujet de
l'élargissement de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
(OTAN) à l'Est.
90Cour international de Justice, L'apport de la
jurisprudence pénale internationale dans le domaine du droit humanitaire
doit donc être examiné avec vigilance à la lumière
de la différence des objectifs poursuivis par ces différentes
branches du droit international, Décision de 2007.
91Idem
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