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L’humanitaire entre urgence et permanence. Les activités de médecins transfrontière et de Caritas en Afrique Subsaharienne.par Yannick Stéphane MANGA AWOA Institut des relations internationales du Cameroun - Master en relations Internationales 2015 |
2. LES ACTIVITES D'INCLUSION SOCIALERendus à cette étape, il convient de démontrer que l'action humanitaire dans la société africaine peut s'étendre aux politiques d'inclusion sociale. L'inclusion sociale signifie que dans la société, il existe une catégorie d'individus qui souffre pour plusieurs motifs qui seront évoqués. La notion d'inclusion sociale est une notion assez vaste. Elle peut être considérée « comme un processus de socialisation de tout individu valide ou handicapé. C'est le passage des individus, tout au long de la vie, dans les différentes institutions que sont la famille, l'école, l'entreprise, la maison de retraite » 223 . Elle peut connaitre deux déclinaisons à savoir l'inclusion intégrative et ségrégative. La première renvoie : « une dynamique d'ouverture qui permet à des personnes atteintes de déficiences de rencontrer les personnes valides dans les lieux d'éducation, de travail, de loisirs et d'habitat ordinaire. ». Et la seconde s'entend comme : « une dynamique qui cloisonne, qui enferme es personnes dans des institutions et des filières spécialisées et qui a pour fonction à la fois de porter attention à la personne handicapée mais aussi de la mettre à l'écart. ». L'approche inclusive veut apporter de l'aide à ceux qui ont des souffrances fonctionnelles, physiques, sociales et même psychologiques. Il peut s'agir des handicapés, des enfants abandonnés ou séparés de leur famille, des enfants de parents atteints du VIH sida... Il faut dire que pour le cas des handicaps, l'exclusion ne se fait pas naturellement, c'est à mesure que l'individu évolue dans la société qu'il ressent cette fragilité. Selon Marion Héraud : « les personnes handicapées ne sont pas exclues au sens propre du terme, ce qui signifie que le handicap n`est pas traditionnellement une cause d`exclusion. Néanmoins, les personnes handicapées n`ont pas une réelle place dans la société, du fait du caractère « improductif » de ces personnes, conséquence de leurs déficiences. Ces comportements de rejet ne sont pas dus à des croyances, mais bien à des circonstances sociales et économiques défavorables. 222 OCDE, « Fondations philanthropiques et coopération pour le développement », Tiré-à-part des dossiers du CAD 2003, Volume 4, n° 3 , p.47. 223 J-M Bardeau-Garneret, « Les dynamiques d'inclusion sociale et d'intégration psycho-sociale », extraits d'un article paru dans le dossier n°14 « Accueillir la différence » des « Cahiers de l'animation » revue des CEMEA/ F. Chaumon (Psychiatre et psychanalyste) dans la revue « Communautés éducatives » septembre 2002 n°120. Page 91 L'HUMANITAIRE ENTRE URGENCE ET PERMANENCE : LES ACTIVITES DE MEDECINS SANS-FRONTIERE ET DE CARITAS EN AFRIQUE SUBSAHERIENNE Par conséquent, elles ne sont pas exclues de la société, mais bien marginalisées et discriminées. »224. Selon Harry, présidente de la Fondation FITIMA 225 : « Souvent les enfants qui souffrent de handicap moteur sont cachés dans les familles, souvent on dit : c`est de la sorcellerie, c`est de l`ordre du surnaturel donc il faut le cacher ; c`est la malédiction, comme un sort jeté ». Il est évident qu'au-delà des situations d'handicap, les enfants orphelins des parents atteints du VIH SIDA se sentent aussi exclus de la société. Selon une étude sur leur situation, on retient ce bilan : « Le nombre d`enfants rendus orphelins ou vulnérables par la maladie est l`une de ses conséquences les plus visibles et les plus désastreuses. Ils sont aujourd`hui environ 15 millions d`enfants de moins de 18 ans qui ont perdu l`un ou leurs deux parents à cause du Sida. Douze millions d`entre eux (75%) vivent en Afrique sub-saharienne » 226 . Les statistiques ont également été faites au Sénégal : « Au Sénégal vivent 400.000 enfants en situation de risque, dont 20 .000 enfants ayant perdu un ou les deux parents à cause du Sida. Ce chiffre atteindra 40.000 en 2010 »227. L'une des activités d'inclusion sociale visible sur le continent, c'est l'éducation inclusive menée avec l'appui des organismes internationaux comme l'UNESCO, UNICEF, HANDICAP International... Selon l'UNESCO entre dans le registre de l'éducation inclusive « un système éducatif qui permet aux écoles d'être au service de tous les enfants, et en particulier de ceux qui ont des besoins spéciaux y compris les enfants en situation de handicap. Ces écoles valorisent les différences entre les enfants au lieu de les considérer comme des problèmes. Elles puisent dans les ressources disponibles dans leurs collectivités pour veiller à ce que les besoins des apprenants soient satisfaits de manière efficace »228. L'UNICEF ne s'éloigne pas de cette approche : « un système d'éducation où tous les élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux reçoivent leur éducation à l'école du quartier, dans les classes ordinaires, avec des services de soutien et un enseignement fondé sur leurs forces et 224 M. Heraud, « Malédiction et handicap à qui la faute ? », Handicap International, 2005. 225 Cette abréviation signifie Fondation Internationale Thierno & Mariam qui a son siège au Burkina Faso. 226 N.Mbaye et Ch.Becker, Guide de prise en charge des orphelins et enfants rendus vulnérables par le VIH /Sida au Sénégal, Dakar, février 2006, p.11. 227 Ibid, p .11. 228 UNESCO, Guide de l'animateur, publication de l'UNESCO, Québec, 2003, p.35. Page 92 L'HUMANITAIRE ENTRE URGENCE ET PERMANENCE : LES ACTIVITES DE MEDECINS SANS-FRONTIERE ET DE CARITAS EN AFRIQUE SUBSAHERIENNE leurs besoins »229. L'éducation inclusive est donc une solution pour la prise en charge des personnes handicapées. Ce mécanisme a fait l'objet des travaux scientifiques de Beata Nyirahabimana230 . Elle s'appesantira sur le cas du Rwanda en matière d'éducation inclusive. L'auteur fait un rappel historique de l'éducation inclusive. Elle est née à la suite de la conférence mondiale de SALAMANCA. Selon elle, au Rwanda, le fait d'avoir un enfant atteint d'un handicap est une malédiction. Malgré le fait que, au départ, l'éducation scolaire des enfants handicapés n'était pas possible, par la suite seront instituées des écoles et centres spécialisés pour ce type d'enfant. C'est l'église catholique romaine qui fut la pionnière de ces initiatives sociales vers les années 1960. « Le premier centre a été construit à Gatagara dans la province du Sud. Depuis ce temps un bon nombre des écoles spécialisées ont été construites ; même si leur nombre est en encore insuffisant vis-à-vis de celui des enfants nécessitant de l'éducation spéciale ». Le Burkina-Faso s'inscrit également dans cette politique d'inclusion sociale. « Il existe au Burkina Faso quelques écoles spécialisées pour enfants sourds et malentendants, pour enfants non-voyants et pour enfants déficients intellectuels. Toutes ces écoles sont localisées dans les grands centres, à Ouagadougou, Bobo Dioulasso et Ouahigouya, ce qui réduit la possibilité pour un bon nombre d`enfants dont l`habitation est éloignée d`accéder à ces écoles. Ce qui caractérise le plus souvent ces structures, c`est l`accueil limité du fait des faibles moyens financiers et matériels dont elles disposent. » 231 . On peut considérer l'inclusion sociale comme une activité sociale appartenant à des programmes sociaux bien déterminés. B. LES PROGRAMMES SOCIAUX HABITUELSSelon Yves Alexandre Chouala : « Les pauvres font irruption sur la scène de l`histoire et transforment l`Afrique en «une marmite qui bout » »232. En empruntant la formule « une 229UNICEF- Mali, Manuel de formation des enseignants des écoles intégratrices, Mali, octobre 2002, p.38. 230 B. Nyirahabimana, Contribution de l'éducation inclusive à l'intégration des personnes vivant avec handicap, mémoire online, Université libre de Kigali, 2011. 231 Handicap International, Scolariser les enfants handicapé au Burkina Faso : un exemple d`approche en éducation inclusive, Ds/ EXP/2Programme Burkina Faso / Niger Juin 2011, p.17. 232 A . Chouala, « Éthique et politique internationale africaine du XXIe siècle : les normes de civilité à l'épreuve du jeu réaliste des États », Politique et Sociétés, vol. 25, n°2-3, 2006, p. 183-217, URI: http://id.erudit.org/iderudit/015933ar, p.189. Page 93 L'HUMANITAIRE ENTRE URGENCE ET PERMANENCE : LES ACTIVITES DE MEDECINS SANS-FRONTIERE ET DE CARITAS EN AFRIQUE SUBSAHERIENNE marmite qui bout »233 au Professeur Jean Marc Ela, l'auteur a voulu souligner les conditions de vie précaires dans laquelle se trouve l'Afrique subsaharienne. Face à cette précarité, il faut un ensemble de programmes sociaux qui permettent à cette Afrique souffrante d'aider ceux qui ont un niveau de vie extrêmement bas. Il existe désormais un ensemble de programmes sociaux qui facilitent quelques pans de la vie, c'est le cas de la santé et de l'éducation. Les programmes sociaux sont également l'oeuvre de nombreux acteurs qui tentent de mettre fin aux souffrances des hommes. |
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