2. LA DEFINITION DU MANDAT HUMANITAIRE
En droit civil, le mandat désigne un « un acte
par lequel une personne est chargée d`en représenter une autre
par l`accomplissement d`un ou de plusieurs actes juridiques. Le mandat est
conventionnel lorsqu`il résulte d`un contrat conclu entre le
représenté et le représentant »138.
Mais dans le cadre de l'action humanitaire, il faut appréhender le
mandat humanitaire comme une forme de contrat d'adhésion où la
communauté internationale représentée par les institutions
internationales indique quelle sera la teneur de l'action humanitaire dans une
situation d'urgence. Sont contenues les prestations humanitaires
précises et adaptées au contexte de la crise. De façon
générale, il est évident que tout mandat humanitaire
respecte le véritable dessein de l'action humanitaire « savoir
prévenir et alléger les souffrances des hommes et protéger
la vie et la santé et faire respecter la personne humaine ».
Tout mandat doit tourner autour de cet esprit mais il doit être
précis.
Chaque situation humanitaire a un type de souffrances
précises. Le mandat humanitaire se fait dans le respect des principes
traditionnels de l'action humanitaire. Une étude du CICR indique
clairement l'importance du respect du mandat en tenant compte des principes qui
l'entourent. « Exercer un mandat juridique est une chose, mettre en
pratique les principes d`humanité, neutralité,
indépendance et impartialité en est, bien sûr, une autre.
Pour le CICR, cela exige essentiellement une approche basée sur les
besoins ainsi qu`une proximité avec les bénéficiaires et
l`établissement d`un dialogue avec toutes les parties prenantes. Cette
approche permet à l`institution de gagner le maximum d`acceptation et de
respect et, par ce biais, l`accès humanitaire le plus large possible.
Elle contribue aussi à assurer la sécurité de son
personnel. C`est ainsi que le CICR a pu obtenir l`accès aux victimes
lors de crises récentes (conflits armés ou autres situations de
violence) en Côte d`Ivoire, en Libye et en Syrie, par exemple. Il
convient cependant de répéter que, dans plusieurs cas, il n`a pas
été facile d`obtenir cet accès.
»139.
138 R.Guillien et Vincent, Lexique des termes juridiques,
op cit, p.451.
139 Cl. McGoldrick , « L'avenir de l'action humanitaire :
une perspective du CICR », Revue Internationale de la Croix-Rouge,
Volume 93 Sélection française 2011 / 3, p.110.
Page 53
L'HUMANITAIRE ENTRE URGENCE ET PERMANENCE : LES ACTIVITES
DE MEDECINS SANS-FRONTIERE ET DE CARITAS EN AFRIQUE SUBSAHERIENNE
Plusieurs principes orientent le mandat humanitaire. Les
principes d'humanité, de neutralité, d'impartialité, de
proportionnalité, de non- discrimination, libre accès aux
victimes, bonne foi... Il faut reconnaitre l'expression et la
compréhension de ces principes sont influencées par l'action et
la conception du CICR. Lesdits principes sont résumés en ces
termes : « de prévenir et d`alléger en toutes
circonstances les souffrances des hommes ; de protéger la vie et la
santé et de faire respecter la personne humaine, en particulier en temps
de conflit armé et dans d`autres situations d`urgence ; d`oeuvrer
à la prévention des maladies et au développement de la
santé et du bien-être social ; d`encourager l`aide volontaire et
la disponibilité des membres du Mouvement, ainsi qu`un sentiment
universel de solidarité envers tous ceux qui ont besoin de sa protection
et de son assistance »140.
Ces principes ont une nature juridico-morale. Au plan
théorique, ces principes sont significatifs. Selon Action Contre la Faim
: « L'action humanitaire, comme son nom l'indique, est motivée
par le principe d'humanité, et la volonté de soulager la
souffrance humaine. Sans chercher à tirer un avantage de son action, et
guidée par la volonté d'apporter une aide de manière
inconditionnelle, l'action humanitaire repose sur des principes eux-mêmes
fondés sur des valeurs morales et éthiques. » 141 . Le
principe d'humanité, de volonté ne pose en général
pas de problème. Le mandat humanitaire est souvent remis en cause en ce
qui concerne les principes de neutralité, d'impartialité et
d'indépendance. De plus, le Professeur Alain Didier Olinga
précise le sens du principe de neutralité, principe
déontologique : « l`action humanitaire signifie que celui qui
accomplit celle-ci s`abstient non seulement de prendre part aux
hostilités , mais en tout temps de se mêler de controverses
d`ordre politique , racial, religieux et idéologique, de se prononcer
sur les causes du conflit ou sur les responsabilités respectives des uns
et des autres »142.
140 Préambule des principes et règles
régissant l'assistance humanitaire de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge.
141 ,Y.Dyukova et P. Chetcutis , « principes humanitaires en
situation de conflit le respect des principes humanitaires en situation de
conflit armé ou de violence : l'expérience d'ACF et son
positionnement », Action contre La Faim, 2013 - 14/16 Boulevard
de Douaumont.
142 Ibid , p.156.
Page 54
L'HUMANITAIRE ENTRE URGENCE ET PERMANENCE : LES ACTIVITES
DE MEDECINS SANS-FRONTIERE ET DE CARITAS EN AFRIQUE SUBSAHERIENNE
L'idée d'impartialité signifie qu'il y a une
non-discrimination parmi les personnes assistées et parmi les parties
présentes au conflit. L'indépendance, est un autre point qui
signifie que l'action humanitaire se fait sans aucune influence d'un
gouvernement ou de toute autre fraction concernée par le conflit.
D'où la liberté de conduire le mandat, la mission. Il faut dire
en tout état de cause, que la réalisation d'un mandat fait face
à des critiques en rapport avec l'application des principes. Les
différents organismes se divisent sur la compréhension et
l'application de ces principes. Mais dans l'urgence, il faut partir de ces
principes théoriques mais savoir les appliquer sine die.
Rony Brauman recommande cette posture : « Il ne
s`agit pas ici de les juger moralement mais de souligner que, comme nous
l`avons vu sous d`autres aspects pour la neutralité,
l`impartialité se prête à des interprétations
pratiques très différentes, voire opposées, mais aussi
fondées l`une que l`autre au regard des objectifs généraux
de l`action humanitaire. Les organisations humanitaires étant conduites,
en toutes situations, soit à arbitrer entre ces stratégies
opérationnelles, soit à les combiner, elles gagneraient à
les rendre explicites, pour elles-mêmes en premier lieu, faute de quoi
elles se contentent de mettre en avant des principes abstraits, de vaines
normes juridico-morales que leur action peine à illustrer. S`agissant de
la Syrie, le choix du CICR de bâtir sa communication publique sur un
« dialogue constructif » avec le gouvernement, choix que traduit la
satisfaction, certes prudente et conditionnelle, exprimée par son
président à l`issue de rencontres avec les plus hautes
autorités de Damas, ne peut qu`accentuer le questionnement concernant
son impartialité »143.
Et cette logique signifie que les principes sont assortis
d'exceptions et s'adaptent selon la situation à condition d'être
efficace. Un mandat humanitaire peut évoluer au fur et à mesure
que la mission de maintien de la paix se met en place et évolue dans son
action. C'était le cas avec la Mission d'observation des Nations Unies
au Congo144 dans sa section civile qui avait pour rôle de
faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. L'intervention humanitaire de
Artémis145 va élargir le mandat jusqu'à la
protection et la
143 R. Brauman, « MSF et le CICR : questions de principes
» in : « CICR : 150 ans d'action humanitaire », Volume 94
Sélection française 2012 / 4, p.353.
144 Cette mission a été déterminée la
Résolution 1279 de novembre 1999 du Conseil de
sécurité.
145 Cette force multinationale européenne est
créée par la Résolution 1484 de Juin 2003.
Page 55
L'HUMANITAIRE ENTRE URGENCE ET PERMANENCE : LES ACTIVITES
DE MEDECINS SANS-FRONTIERE ET DE CARITAS EN AFRIQUE SUBSAHERIENNE
sécurité de la population civile et du personnel
des Nations-Unies. Le mandat
humanitaire est réalisé par le concours des acteurs
humanitaires.
B. LA MOBILISATION DES INSTITUTIONS HUMANITAIRES
L'humanitaire est un cri qui n'épargne personne, que
d'acteurs qui rendent l'humanitaire possible. Si l'humanitaire est un corps,
l'on dira de ses acteurs qu'ils sont les bras et les mains de l'action
humanitaire. On peut donc distinguer les acteurs humanitaires étatiques
et les acteurs humanitaires non étatiques.
|