1.1.3.- La théorie de la dépendance et les
apports de la CEPAL
La littérature dépendantise a reçu la
contribution de pas mal d'auteurs (S. Amin, G. Franck, P. Jallée, E.
Falleto, Cardoso, R. Prebisch, ...) issus de divers horizons spatiaux mais au
statut d'origine des PED. Contextuellement, cette théorie de la
dépendance apparait à une époque en plein débat
d'économie du développement où la théorie du
décollage de Rostow a nourri pas mal d'espoirs et d'illusions (S.
Tremblay, 1999). En fait, cette théorie est née d'une part d'une
réponse à d'autres théories du développement
mettant emphase la responsabilité des nations
15 Joël Hermet, l'Ecole du Public
Choice, Octobre 201, p2.
16 Dennis C. Mueller (dir.), Choix Publics,
Edition de Boeck, Belgique, 2003, p8.
17 Considéré comme étant le
fondateur de la théorie des choix publics.
11
vers la course pour le développement et d'autre part
d'une analyse historique de l'économie de l'Amérique Latine et
d'autres économies en développement.
Dénommée aussi théorie du centre et de la
périphérie, la théorie de la dépendance mis en
lumière les phénomènes d'accumulation des pays
développés aux dépens des pays en développement.
Pour expliquer le cycle de la dépendance économique des pays en
voie de développement par rapport aux pays dits
développés, les dépendantises ont proposé les
concepts d'échange inégal et de la division internationale (S.
Tremblay, 1999).
Plusieurs courants sont donc présents dans l'apport
à la théorie du développement. Généralement,
on a un modèle dépendantise modéré avec la CEPAL
qui visait comme objectif des réformes structurelles, ensuite on a une
vision radicale de la théorie de la dépendance avec surtout
Cardoso, Faletto et G. Franck qui pense que la
«dépendance» ne peut être surmontée dans le cadre
du capitalisme ; la lutte contre la dépendance ne peut donc être
dissociée de la lutte pour le socialisme18.
Malgré la floraison d'approches très diversifiées, on peut
cependant considérer qu'il existe un noyau commun que l'on pourrait
résumer par cette définition de la dépendance, due
à Dos Santos : « Par dépendance nous entendons une
situation dans laquelle l'économie de certains pays est
conditionnée par le développement et l'expansion d'une autre
économie à laquelle elle est subordonnée. La relation
d'interdépendance entre deux économies ou plus, entre celles-ci
et le commerce mondial, prend la forme de la dépendance quand certains
pays (les pays dominants) connaissent l'expansion et l'auto-suffisance, tandis
que d'autres (les pays dépendants) ne peuvent espérer y parvenir
que comme sous-produit de cette expansion (...) Nous voyons que les relations
mises en place par ce marché mondial sont inégales et
combinées19 »
L'inégale répartition de la richesse, qui
engendre aussi l'inégalité dans le développement,
maintient les pays en développement dans la dépendance aux pays
développés. Pour Rollinat, c'est un processus qui engendre
mécaniquement la dépendance vis-à-vis de
l'extérieur. Ainsi, le développement devient une question
centrale des pays du centre, qui eux-seuls peut combattre le
sous-développement dans le monde par tous les moyens possibles, y
compris l'allocation [périodique] de l'Aide publique au
développement. Or, des études historiques très riches sont
alors proposées sur la genèse de ce sous-développement
pour montrer comment la
18 Robert Rollinat, «Analyses du
Développement et Théories de la Dépendance en
Amérique Latine. L'actualité d'un débat»,
Cadernos PROLAM/USP (ano 4 - vol. 1 - 2005), p. 97-118
19 « The structure of dependence », American
Economic Review, USA, mai 1970, reprend par Michel Husson, «
Impérialisme : une brève histoire des théories »,
slnd p3.
12
pénétration capitaliste a détruit les
structures sociales préexistantes et imprimé une forme de
développement désarticulé, tronqué,
complètement déterminé par les besoins des pays du centre
(voir Michel Husson, « Impérialisme : une brève histoire des
théories », p6).
L'utilisation de cette triangulation pour analyser les effets
de l'APD sur la situation socioéconomique et politique en Haïti et
sur la situation d'efficacité et d'efficience de son administration
publique au cours de la période allant de 2000 à 2011 ne
présente pas un cadre d'analyse indéfectible. Ces théories
auxquelles nous nous recourrons présente dans une certaine mesure des
lacunes, qui induisent critiques à leur endroit. D'abord la
théorie de la dépendance a fait l'objet de plusieurs critiques,
notamment parce qu'elle ne remettait pas fondamentalement en cause
l'économisme du système capitaliste20 fondé sur
la croissance ininterrompue de l'économie. De plus, le concept de
dépendance d'une société par rapport à une autre
est de plus en plus difficile à prouver, dans une économie
mondiale comme celle qui s'est développée à
l'échelle planétaire, où l'ensemble des
sociétés sont dépendantes sinon l'une de l'autre, à
tout le moins du système global des échanges.
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