4.3 Autres facteurs intervenant dans la gestion de
l'APD
4.3.1 Les institutions politiques et l'environnement
politique
« La communauté politique haïtienne est
constamment menacée d'effondrement [...] Toujours hésitant quant
à l'adoption d'un système de normes et valeurs apte à
garantir l'intégration de tout un chacun, l'Etat haïtien pourrait
être défini à partir de trois caractéristiques
fondamentales : inachèvement, défaillance,
extraversion77. » Ce constat du sociologue Thélot nous
donne une vue claire et précise de l'environnement politique du pays,
tant du côté des acteurs que celui des institutions. Les
règles du jeu politiques sont toujours bafouées, et les
institutions sont d'autant plus incompétentes qu'illégitimes.
Depuis la chute des Duvalier, le nouveau contrat adopté
par les citoyens de la cité s'inscrit dans l'approche
démocratique. Or, qui dit démocratie dit du coup
élections, car on ne saurait pas parler de démocratie sans parler
d'élection. Ce qui nous amène à considérés
les paramètres électifs dans le climat du jeu politique
haïtien, qui nous offre non seulement un aspect institutionnel, mais aussi
du point de vue des acteurs, des postulant.
En 2000, Jean-Bertrand Aristide est réélu lors
d'élections dont le taux d'abstention est estimé à 90% par
l'ONU. Cette faible légitimité du président a rapidement
donné lieu à un conflit social qui a atteint son paroxysme en
2004, lorsque Jean-Bertrand Aristide fut contraint de quitter le pays sous
l'escorte des forces spéciales états-uniennes. Depuis, la
santé démocratique du pays continue de se
détériorer, en dépit de la réélection de
René Préval, en 2006, et de l'élection de Michel Martelly
en 201178. »
Commentant la situation politique-démocratique du pays,
Suzy Castor (2013), relève quatre paradoxes dans le jeu politique
haïtien en ce qui a trait à la rotation du pouvoir :
» Premier paradoxe : État faible mais gouvernement
omniprésent.
77 Ely Thélot, L'hégémonie du
provisoire en Haïti. Aux origines de nos turbulences, Editions de
l'Université d'Etat d'Haïti, Port-au-Prince, 2e
éditions, 2017, p142.
78 Nicolás Pedro Falomir Lochakrt,
Haïti : une démocratie sans élections ni institutions ?
Centre d'études interaméricaines, Institut
québécois des hautes études internationales,
Université Laval Québec (Québec), CANADA, G1V 0A6,
Février 2015.
81
» Deuxième paradoxe : une société
fragilisée et des élections de plus en plus coûteuses. Le
coût des élections soulève des interrogations. Est-il en
effet légitime que des sommes colossales soient dépensées
dans un contexte général de pauvreté et de rareté
des ressources, pour élire un candidat alors que les demandes sociales
adressées à l'État ne cessent d'accroître ? [...] En
2010, l'international a voté $ 29 millions US pour le fonctionnement de
l'appareil électoral. » Troisième paradoxe :
Élections nationales et tutelle internationale : c'est la logique du qui
finance, commande.
» Quatrième paradoxe : Officiellement
élections satisfaisantes mais toujours contestées. Elle rejoint
dans cette perspective Leslie Péan car, pour lui : « Les
élections, au lieu d'être une manière légitime de
désigner les gouvernants, deviennent plutôt une source de conflits
et de crises politiques. »
A emprunter le commentaire de Castor, l'on dirait que tous ces
paradoxes concourent d'abord, à affaiblir d'abord nos institutions de
sauvegarde de la démocratie et ensuite à piétiner notre
démocratie même comme régime politique. En effet, les
institutions ne cessent d'être démontrée non à la
hauteur de leur tâche, et la population ne cesse d'afficher son
mécontentement devant un Etat faible, instable et discontinue.
Contrairement aux principes de la démocratie, les élections ne
concourent pas vraiment au bien de la démocratie en Haïti. Et tous
ces problèmes d'ordre politique ne concourent qu'affaiblir l'Etat, de
son point de vue politique. Ely Thélot (2017) a écrit : «
Haïti représente le seul pays du continent américain
à figurer sur la liste des vingt Etats les plus défaillant du
monde contemporain. [..] l'Etat haïtien est un Etat défaillant dans
la mesure où l'Etat contemporain est défini comme une entreprise
politique de caractère institutionnel lorsque, et en tant que sa
direction administrative revendique avec succès, dans l'application des
règlements, le monopole de la contrainte physique légitime.
»
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