3.3.- Un éventail de la situation politique
haïtienne post 86
« Au matin du 7 février, un immense cri de joie
est entendu aux quatre coins du pays. À Port-au-Prince, 500 000
personnes environ, toutes catégories sociales confondues, hommes et
femmes, déferlent autour du palais présidentiel. La presse
étrangère est surprise par la rage avec laquelle le peuple traque
les macoutes. Certains sont lapidés, d'autres brûlés vifs.
Leurs maisons sont pillées et incendiées. La rapidité avec
laquelle des macoutes sont repérés démontre jusqu'à
quel point la colère populaire se contenait auparavant60.
» Si tel a été le sort les tontons macoutes et les
fidèles serviteurs du régime, l'objectif ou le rêve
qu'avait vraiment nourri le peuple, c'était un régime soulageant.
En effet, au lendemain du départ, le pays, en pleine effervescence, et
dans toutes les couches sociales avaient cru que la démocratie est pour
demain ; et cette idée semble dominer les esprits. L'adoption un an plus
tard d'un nouveau contrat social semble vraiment marquer le début de
l'ère démocratique, avec la constitution de 1987.
Une vague de mouvements de démocratisation dans le
monde tant en Europe qu'en Amérique avait été
prônée par l'adoption des droits de l'homme par l'ONU en 1945. Il
s'est accompagné à ce mouvement dans les pays du tiers-monde la
montée en puissance de la théologie de la libération
prônée par l'Eglise catholique qui « s'implique dans les
réformes sociales, économiques et politiques, en opposition
à l'autoritarisme politique dans beaucoup de pays, en Amérique
latine particulièrement. Les prêtres de la théologie de la
libération -- les ti-legliz -- animent des communautés
ecclésiales de base, ferments d'agitation sociale et politique. Ils
entament au moyen de centres de formation et d'éducation un processus de
dézombification de la société »61. La
théologie de l'Église des pauvres pour les pauvres devenait
hégémonique ; la visite du Pape en 1984 et son appelle au Toutes
les ressources de l'imaginaire populaire ont été ainsi mises
à contribution pour qu'une ligne de démarcation soit nettement
tracée entre le peuple et le camp de la dictature (L. Hurbon, 1987).
Meneur de ce mouvement en Haïti, Jean-Bertrand Aristide va être le
principal bénéficiaire a son accession le 16 décembre 1991
à la magistrature suprême. Très tôt, la jeune
démocratie va faire a des problèmes intenses, justifiant
même ce constat de V. Dubique dans les élections dans la
transition démocratique haïtienne : « L'histoire
d'Haïti, au cours de la période post-Duvalier, est marquée
particulièrement par une méconnaissance des règles du jeu
démocratique. Certains faits sociaux et politiques traduisent
60 L. Hurbon, « le fantasme du maitre », in
Comprendre Haïti. Essai sur l'État, la nation, la culture,
p17.
61 N. Baggioni-Lopez, Saint-Domingue/Haïti
: histoire, géographie, enseignement (collèges, lycée
professionnel), sld, p56.
62
dans leurs effets une situation chaotique qui va à
l'encontre même de toute perception primaire de la démocratie.
» lorsqu'il fut victime le 29 septembre 1991, après seulement sept
mois à la tête de l`Etat, du coup d'Etat le plus sanglant de
l'histoire du pays, chaleureusement accueilli par l'Elite économique (R.
Nesmy Saint-Louis, 2010, p.144). Bref, l'histoire apparente d'Haïti durant
les années 1986 à 2004 donne l'impression d'un immense chaos
politique (N. Baggioni-Lopez, lsd, p.59) qui est devenu de jour en jour plus
instable : le retour du président en 1994 avec le support
américain au gré d'une intervention militaire baptisée
« Appui à la démocratie » (S. Pierre Etienne, 2011) ;
la période 2000-2004 a été très bouleversée
; élimination physique d'opposants politiques, les crises intenses
électorales, ... Le processus de démocratie encadrée
s'essouffle dans ce climat de violence qui s'accroît : les
élections de 1996, puis celles de 2000, qui voient le retour d'Aristide
à la présidence sont entachées de violences et de
tricheries sous les yeux des observateurs internationaux impuissants. Cependant
que l'anarcho-populisme d'Aristide se voit de plus en plus contesté, la
crise politique s'amplifie, les manifestations se multiplier jusqu'à ce
qu'une insurrection partie des Gonaïves menace de marcher sur le palais
présidentiel. Lâché par ceux qui l'avaient amené au
pouvoir, le président choisit la voie de l'exil le 29 février
2004 tandis que l'ONU déploie, par la résolution 1529
adoptée le 29 février 2004 (S. Pierre Etienne, 2011) une force
internationale pour le rétablissement d'un processus démocratique
en Haïti, la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en
Haïti)62.
Une telle situation a sans doute des effets désastreux
l'environnement économique qui affiche dans cette période des
taux de croissance lamentable. Le tableau 3.1 ci-dessous nous présente
une synthèse :
Tableau 8 : Taux de croissance du PIB
(2001-2010)
Année
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
Taux de croissance
|
-1,00
|
-0,26
|
0,36
|
-3.51
|
|
1,80
|
2,25
|
3,34
|
0,84
|
2,88
|
-5,10
|
Source : Fritz Jean-Jacques, l'économie
haïtienne, p11.
La progression et la régression peuvent être mieux
comprises à la lecture du graphe.
62 Nadine Baggioni-Lopez, p60-61
63
Graphe 4: Evolution du taux de croissance du PIB de 2001 a 2010
rn
4
-6
2010
2001 2002 2003 2004
2005 2006 2007 2008 2009
3
2
1
0
-1
-2
-3
-4
-5
Série 1
L'augmentation de la production n'a pas suivi l'accroissement
naturel de la population. La production agricole déjà faible, qui
subit les effets du déboisement, de l'appauvrissement des terres et ne
connaît aucun investissement sérieux ne peut plus du tout nourrir
la population. Haïti doit importer 51 % de sa nourriture et devient soumis
aux fluctuations du marché. L'embargo qui frappe le pays de 1991
à 1994 n'a guère affaibli les plus riches, mais durement
frappé les plus pauvres : envolée des prix des produits de base,
pénurie des produits pétroliers, fuite des entreprises de montage
installées du temps des Duvalier. Les Programmes d'ajustements
structurels de la BM et du FMI demandent la libéralisation du
marché dans une ou économie qui ne produit presque rien.
Somme toute la situation économique présente une
situation de marasme énorme.
|