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Cadre institutionnel, aide publique au développement et développement socioéconomique et politique en Haïti de 2000 à  2011.


par Smith Paul
Université d'état d'Haïti - Licence en Administration Publique  2019
  

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3.2.4.- De la désoccupation américaine à 1986

Les Américains ont laissé le territoire haïtien le 21 aout 1934 au terme de 19 an accompli d'occupation. Protestation populaire, lutte intellectuelle dans le mouvement indigéniste, accord légal, ...ont tous contribué à cette désoccupation militaire.

Peu après le départ des américains, la fragilité politique confirme sa persistance : en 1935, le président S. Vincent fait voter un nouveau constituant qui permettait au président de garder le pouvoir cinq ans de plus, chez qui suscite des sévères mécontentements chez l'opposition parlementaire ; la pratique d'une politique sociopolitique sectarisme, qui favorisera le retour à l'instabilité, et l'instauration d'une dictature anachronique ; les tentatives anticonstitutionnelles de Magloire afin de garder le pouvoir, la pratique d'une dictature macoute des Duvalier sont autant d'éléments qui expliquent la fragilité politique des gouvernements du pays de la désoccupation a 1986. Sans parler de l'environnement économique et social qui n'était pas vraiment favorable, les gouvernements de la période se sont hérités sur le développement du pays.

3.2.3.1 la situation sociale et l'environnement économique de la période

La misère provoquée par l'occupation a eu comme conséquence la migration massive des paysans haïtiens vers d'autres pays de la caraïbe. Environ 25 000 haïtiens ont perdu la vie en République Dominicaine. Incapable de tout faire, le gouvernement de la période n'a eu que, sous négociation à Washington, 2 dollars par tête d'haïtiens. L'avènement au pouvoir de Lescot qui privilégiait une « nuance épidermique de la minorité mulâtresse qui constituait que l'un des

« La situation, en 1946, eu égard au sectarisme et à la politique anti-démocratique du gouvernement de Lescot, était semblable à celle de Saint-Domingue, avant la Révolution.

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critères d'accession à la fonction publique alors que l'écrasante majorité, soit 95 % de la population était noir », ajouter avec les catastrophes de la création de la SHADA qui conduisait plus que 130 000 hectares au déboisement en vue de la culture du sisal et de l'hévéa aggravaient de plus en plus la situation de vie de la population de l'ère. Le désenchantement social de la société haïtienne a contribué à l'émergence d'une nouvelle Elite intellectuelle, réunie autour de la revue Les Griots, dans l'objectif de poser les positions d'une réconciliation socioculturelle nationale. Car depuis après la désoccupation, la bourgeoisie mulâtresse reprend les rênes du pouvoir laissées par l'occupant et maintient une la société dans l'inégalité et la misère criante. Face à une telle circonstance, le noirisme, plus politique, plus radical, et surtout raciste, affirme la radicale altérité de l'homme noir, celle d'une essence nègre. Ainsi, Noirisme et Indigénisme ont contribué [...] l'instrumentalisation des masses noires, ce qui a provoqué ce que quelques historiens appellent la crise de 1946.

L'émergence du syndicalisme en Haïti et formation des partis politique, ainsi que l'accession d'un noir à la présidence, Dumarsais Estimé, a favorisé même une amélioration des conditions de vie de la population. D. Estimé, contrairement à son prédécesseur, l'administration publique haïtienne, est ouverte aux jeunes intellectuels noirs de la classe moyenne. Et si sous Magloire il y avait un mieux-être économique, qui est due à la seconde guerre mondiale, son véritable objectif était gardé le pouvoir. Malheureusement, en 1957, dans un contexte d'agitation sociale et d'instabilité politique, c'est l'armée qui porte au pouvoir François Duvalier dans un bain de sang lors d'une parodie de démocratie.

3.2.3.3.- 1946 : une révolution sociale

La victoire successive sur l'Allemagne nazie et sur le Japon militariste en mai et en aout 1945 met fin à la deuxième grande guerre du siècle et fait souffler sur le monde d'alors un vent libérateur. Dans ce contexte international, notre pays, dès les premiers jours de l'année suivante, est fortement secoué par une poussée revendicative pour la conquête des libertés démocratiques et la promotion des droits sociaux en faveur des majorités historiquement marginalisées (Michel Hector, 2006, p235). Ainsi conduit, sous le gouvernement de Lescot, dans une situation socioéconomique et politique critique, la révolution, ou pour certains, le mouvement de 1946.

Ernst Bernardin écrit :

58 Ernst A. Bernardin, Histoire Economique et Sociale d'Haïti de 1804 à nos jours : l'Etat complice et la faillite d'un système, Imprimerie Le Natal, P-au-P, 1998, p177.

58

C'était un baril de poudre que la moindre étincelle pouvait faire éclater. L'occasion fournie par la fermeture du journal La Ruche. Un groupe d'étudiants hostiles au régime de Lescot rallia d'autres secteurs d'opposition et lança un mot d'ordre de grève le 7 janvier 1946. (...) le 10 janvier, la grève fut générale. [...] Le mouvement se mua rapidement en insurrection et déchoucage contre le gouvernement58. »

Pourtant, de portée nationaliste et socialiste, cette crise de 1946 amène au pouvoir la nouvelle bourgeoisie noire portée par la toute nouvelle idéologie noiriste alors en plein zénith. Ce n'est pourtant que le remplacement d'une bourgeoisie par une autre et le sort des paysans et des ouvriers n'en est pas amélioré pour autant (N. Baggioni-Lopez, 2009, p55).

3.2.3.3. La période duvaliériste

Le pouvoir duvaliériste apparait aujourd'hui dans l'histoire d'Haïti, comme celui qui aura connu la plus longue durée et plus fortement marquée les consciences. Par sa nature particulière, il constitue l'un des phénomènes politiques les plus effroyables de l'époque contemporaine (E. Charles, 1994). Il est sans doute le personnage le plus emblématique de l'histoire d'Haïti du XXe siècle. Incarnant la malice politique, la politique raciale, le choc noir-mulâtre, la soif de pouvoir, la violence démesurée et le messianisme politique, Duvalier est le résumé de l'histoire d'Haïti. (R. Saint Louis, 2009, p111). Issu d'un milieu modeste, est le produit de l'élévation de la petite bourgeoisie noire, il entre en politique au début des années 1950. En 1957, il se porte candidat, et son accession au pouvoir est dû aux différentes crises qu'a confrontées le pays (M. R. Trouillot, 1986).

Mettant en place une administration de l'espace qui lui est propre et un système répressif singulier, François Duvalier érige un système propre qui lui a permis d'assurer la mainmise et de contrôler son pouvoir, a lui seul. Les Tontons macoutes, ou Volontaires de la Sécurité Nationale, dévoués au service de leur chef, sont prêts à tout faire pour lui garder le pouvoir, faisant de violence un devoir et la répression l'ordre du système. Et pendant ce temps, l'économie agricole du pays se tend à se détériorer. Les systèmes de production et de cultures mis en place allaient miner l'écosystème sous la double influence de la structure agraire et la migration. Il faut aussi ajouter que, si les paysans sont très attachés à la terre, ils ne sont toutefois pas propriétaires. Contraint à survivre, la population rurale accorde peu de temps aux écosystèmes pour se régénérer, conséquemment, dès que la terre ne leur permettait pas de

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satisfaire leur besoin, les exploitants migraient vers les villes ou dans les zones peu dégradées. Parallèlement, le duvaliérisme a aussi contribué à la rapide dévastation de la couverture forestière, la proportion de la couverture végétale sur l'ensemble du territoire continuait à se régresser : 30 % en 1940, 21,6 % en 1945, 10 % en 1970 et 4 % en 1986 (Lahens, 2014).

L'économie sans croissance ne pouvait pas créer des emplois comme mesure d'accompagnement de la croissance démographique. Elle ne pouvait pas sauver les masses paysannes et urbaines en péril et conduire au rééquilibrage socioéconomique. L'ensemble de la production agricole a connu une baisse annuelle de - 0,6 % alors que la population a augmenté de 2 %. Les tentatives d'industrialisation et de modernisation de l'économie des années 1970 se sont soldées par des échecs. Dans son livre L'Économie haïtienne et sa voie de développement, Pierre-Charles montre comment les « bases structurelles » de l'économie haïtienne ont été dans l'incapacité de provoquer un cycle continu de développement (Pierre-Charles, 1993 ; Joachim, 1979, cites par Pierre, 2014). Suivant ses propos, « ces bases sont constituées par une agriculture stationnaire et primitive, par l'absence d'oeuvres d'infrastructure, par une industrie débutante incapable de se développer. Voilà pourquoi l'on assiste, mis à part la répression politique caractéristique, à la migration (interne ou externe) excessive (Hurbon, 1987 ; Paul, 2008 ; Noel, 2012 ; J. Duval, 2013) de cette période, du phénomène de boat people, fuite des cerveaux vers l'extérieur, l'Amérique du Nord surtout.

Tableau 7

La population haïtienne selon la résidence suivants les recensements respectifs

Secteur de

résidence

 

1950

1971

1982

2003

 

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Urbain

 

377.355

12,2

880.551

20,3

1.042.102

20.6

3.204.965

40,42

Rural

 

2.719.265

87.8

3.449.440

79,7

4.011.089

79,4

4.724.083

59,58

Total

 

3.097.220

100

4.329.991

100

5.053.191

100

7.929.048

100

Source : IHSI, Recueil se statistiques sociales, vol. 1 :19 et recensements de 2002, Résultats préliminaires in MPCE, Carte de Pauvreté d'Haïti, Port-au-Prince, 2004, p8.

60

Graphe 3

Evolution de population urbaine par la migration

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

1950 1971 1982 2003

ville campagne

L'analyse des données du tableau et la courbe du graphe nous permet de constater une migration rapide, qui a tendance à être doublée à chaque période. Ainsi, nous pouvons observer la progression de la population urbaine au détriment de la population rurale.

Si le gouvernement a tenté quelques reformes, les statistiques nous montrent clairement que la réforme économique engagée par le régime s'est soldée par un échec. La production a chuté. La pauvreté rurale s'est aggravée. La paupérisation urbaine s'est accélérée ; selon la Banque mondiale (...) le salaire minimal des ouvriers en 1984 était inférieur de 21% à ce qu'il était en 197159. Cependant, l 'une des grandes leçons à retenir, en dehors du désastre économique, c'est que les charges de corruption contre le duvaliérisme sont exagérées et sans fondement statistique. François Duvalier a laissé le pays avec des réserves nationales brutes de $4 millions, une balance des paiements de $11 millions et une relativement légère dette extérieure (publique) de $40 millions (13 % du P11B de 1970). Remarquons, à titre de comparaison, que la dette extérieure du pays représentait 24 % du P11B en 2006 et 21 %en 2008 (R. Saint-Louis, 2006, p.125)

Dans une telle situation (problèmes structurels, crises politiques, déficit en capital humain, déficit en investissement, ...) d'une économie aussi fragile, il est plus qu'évident que sous-développement surgit et se développe rapidement.

59 HURBON, L., Comprendre Haïti. Essai sur l'État, la nation, la culture, 1987, p26.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon