3.2.2.- De la naissance du jeune Etat à l'Occupation
américaine (1804-1915)
La République d'Haïti, l'Empire haïtien
d'abord, devient la seconde plus vieille république de
l'hémisphère occidental après les Etats-Unis
d'Amérique55. L'année 2004 marque les 200 ans
d'anniversaire de son indépendance. C'est aussi la seule
société d'esclaves qui a conquis son indépendance en
renversant par la révolte armée son colonisateur (J. A. Pierre,
2014). Mais très tôt après son indépendance, la
jeune Etat va faire a des difficultés grandioses. L'un des premiers
grands défis auxquels se confrontait le jeune Etat au lendemain de
l'indépendance est celui de l'organisation socio-politique de la
société post coloniale et esclavagiste.
52 Baggioni-Lopez, Nadine,
Saint-Domingue/Haïti : Histoire, géographie et enseignement,
p19.
53 Pierre J. A., Sociologie Economique de la
Corruption. Vers une étude..., p26
54 L'article 44 du code noir se lit ainsi : «
l'esclave est un bien meuble ».
55 Baggioni-Lopez, op. Cit.
54
Après le départ des Français, les
pères fondateurs d'Haïti désirent créer un pays neuf
débarrassé des préjugés hérités de
l'esclavage. Il n'empêche que le pays hérite d'une culture
sociale, économique et politique prenant ses racines dans la
colonisation et la Révolution. Les luttes pour le pouvoir apparaissent
tôt l'apanage de ce nouvel Etat. La mort de l'empereur est une
tragédie ; la scission du pays entre Pétion et Christophe en est
une autre. En effet, la période qui va de 1804 à 1915 est
caractérisée par une instabilité politique
créée par une série de conflits occasionnés par la
structure socioéconomique héritée de la colonisation
française (J.R. Lahens, 2014). Jusqu'à 1825, le peuple
haïtien vit une psychose du retour des Français et par
conséquent le rétablissement a du système esclavagiste.
C'est dans ce sens que les premiers dirigeants haïtiens (Dessalines,
Christophe, Pétion, Boyer), « virocrates », distingués
dans les rangs militaires et parmi les généraux par leur vigueur
et leur prouesse, étaient particulièrement
préoccupés par la question de la sécurité du
territoire qu'ils avaient libéré et acquis par la force des armes
(Lundahl, 2002 cité par Pierre, 2014). Jusqu'au débarquement des
troupes américaines, Haïti a été le
théâtre d'instabilité politique, sociale et
économique chronique particulièrement en raison de la lourdeur
des taxes qui pèsent sur la production du café, le seul moyen de
financer la dette. Le soulèvement des mouvements paysans, qu'il s'agisse
des piquets dans le sud ou des cacos dans le Nord, s'inscrit dans une
même logique. Analysant la période, Jean-Abel Pierre voit les
gouvernements de la période comme étant « prédateurs
ou corrompus ». La faiblesse économique qui pousse les
gouvernements à contracter des emprunts des gouvernements
étrangers. Les emprunts suivants, 37 millions en 1896, 64 millions en
1916, ont des taux d'intérêts entre 15 et 30 % annuels ! Le
service de la dette draine 40 % des recettes publiques. Ce qui entraines des
conditions difficiles de vie pour la population. Au début du XXe
siècle, le régime s'avéra incapable d'atteindre un minimum
de stabilité politique. Les guerres civiles revêtirent un
caractère permanent. Le malaise économique et social se
transforma en une vie politique de plus en plus agitée (Castor, 1997).
« Les paysans défendent les terres qu'ils occupent
illégalement avec machette et fusil. Parallèlement, la pression
démographique rurale très forte engendre un exode rural vers les
villes ». Le rythme des émeutes rurales ou urbaines ne cesse
d'augmenter tout au long de la période. Le pays acquiert sur la
scène internationale une réputation calamiteuse de pays pauvre,
instable et dangereux. Tous ces évènements vont favoriser
l'invasion américaine le 28 juillet 1915.
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