2.5.3 La problématique de la corruption
Yves Mény44 fait signaler que la question de
la corruption n'est pas nouvelle en soi et depuis le moment même
où s'est constituée une société politique,
c'est-à-dire un espace qui ne s'identifie ni aux individus en tant que
tels ni à la sphère privée des groupes ou des
communautés, la corruption a constitué un problème
potentiel. Si elle était présente depuis l'antiquité, il
faut comprendre qu'elle n'a jamais connu une allure dans le passé que
celle de nos jours. Présente actuellement dans toutes les
sociétés, elle a des incidences graves sur la vie
socioéconomique
42 IDEA International, État de la
démocratie dans le monde en 2017. Étude de la
résilience démocratique, 2017, p ix & 1.
43 Ibid.
44 Yves Mény, « Corruption, politique et
démocratie », in Confluences, N° 15 Eté 1995,
pp11-21.
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et politique de ces sociétés, et son envergure
et sa menace est d'autant plus sérieuses dans les PED qui manquent de
dispositifs nécessaires pour la combattre que les pays
industrialises-riches. Elle enfreigne leur croissance économique et
compromet sérieusement le processus de leur développement.
Catégoriquement pour eux, pour reprendre Yves Mény, elle est
considérée comme une pathologie.
Il existe actuellement une très vaste étendue de
littérature sur la corruption. Pas mal d'auteurs et d'organismes tant
nationaux qu'internationaux se sont versés dans l'étude de la
corruption. Par définition, la corruption peut s'entendre comme «
l'abus du pouvoir qui vous a été confié, pour un gain
personnel aux dépens des autres ou de la société dans son
ensemble » ou encore « l'abus d'un pouvoir reçu en
délégation à des fins privées ». Cette
dernière définition de Transparency International est
celle la plus couramment admise. Pourtant, Thompson nous invite à
prendre un peu de distance par rapport au sens courant de cette
définition. Dans cette optique, la corruption renvoie à un
ensemble de pratiques bien connues : dessous-de-table, pots-de-vin,
népotisme, échanges de faveurs, favoritisme, etc. Il s'agit
évidemment selon Thompson d'exemples tout à fait pertinents de
corruption. Mais celle-ci renvoie à un ensemble plus vaste de
phénomènes dont les pratiques énoncées ci-dessus ne
constituent qu'une partie. L'entraineur qui incite ses athlètes à
prendre des substances interdites (améliorant la performance) participe
à la subversion des règles définissant la saine
compétition au sein de son sport; le chercheur qui plagie les
résultats de ses collègues ne verse pas de pots-de-vin aux
éditeurs de revues scientifiques mais mine l'intégrité de
la recherche académique; le candidat aux élections qui consacre
une grande partie de ses ressources a des publicités négatives
à l'égard de son adversaire sape la qualité de la
délibération démocratique, etc. (Miller, 2011 cité
dans Pierre-Yves Néron, 2014). Donc ce vide existé dans la
définition traditionnelle de la corruption, qui la fait passer comme
étant un acte individuel (corruption individuelle) est compensée
par une nouvelle approche : la corruption institutionnelle.
Dans le pays en développement, Amérique du Sud
et Caraïbes, Asie du Sud-est et Afrique, la corruption est très
présente dans l'administration publique.
La question de la capacité d'absorption se pose avec
plus d'acuité encore lorsque l'aide est destinée à des
pays mal gouvernés, où la corruption est très
présente et les institutions sont faibles. Dans un tel contexte, une
partie de la littérature soulève le risque de gaspillage, voire
d'une aide qui pourrait encourager la corruption. Bien qu'ici nous ne
souhaitons approfondir
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cette argumentation, mais il est certain que le
phénomène de la corruption est très présente dans
les pays en développement et compromet pur un large part le
développement de ces derniers.
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