Paragraphe 2 : La mise en oeuvre effective des mesures
alternatives à la détention
provisoire comme garantie des droits fondamentaux des
détenus préventifs
Si la détention provisoire entraîne
inévitablement une perte de liberté, dans la pratique, elle porte
aussi régulièrement atteinte à plusieurs autres droits de
l'homme. C'est pourquoi le système de justice pénale ne devrait
recourir à la détention provisoire que lorsque des mesures
alternatives ne peuvent pas répondre aux préoccupations qui
justifient l'usage de cette détention.
Les décisions concernant les mesures
alternatives à la détention provisoire devraient être
prises aussitôt que possible (A). Lorsque la décision est de
maintenir une personne en détention provisoire, cette dernière
doit pouvoir en faire appel auprès d'une autorité
judiciaire113 (B).
112Source: Penal Reform International, cité
dans Manuel des principes fondamentaux et pratiques prometteuses sur les
alternatives à l'emprisonnement de l'Office contre la drogue et le crime
des Nations Unies, p.11.
113La règle 6.1 des Règles de Tokyo et
l'article 14.3 du PIDCP.
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A. L'efficacité des mesures alternatives
à la détention préventive et du juge des libertés
et de la détention
La détention préventive est une mesure
exceptionnelle114. Cela signifie que la
liberté doit être la règle et la détention
l'exception. En vertu de cette règle, des mesures alternatives à
la détention préventive ont été prévues par
le législateur togolais : le contrôle
judiciaire115 et le cautionnement. Ainsi, le
contrôle judiciaire a été retenu comme mesure alternative
à la détention préventive par le
CPPT116. Ces mesures sont ordonnées par le
juge d'instruction. Elles ont pour but de garantir le paiement des
réparations civiles et des frais de justice ou la représentation
de l'inculpé. Il faut noter que ces deux mesures contribuent
également à limiter les temps de détention
préventive cause de la surpopulation carcérale et mieux assurer
le respect de la présomption d'innocence.
Aux termes des dispositions de l'article 123 du CPPT, «
le cautionnement peut être versé par un tiers pour le compte
de l'inculpé. Il est restitué en cas de non-lieu ou
d'acquittement sous réserve des oppositions régulières
formées par les créanciers de l'inculpé. En cas de
condamnation le cautionnement est affecté au paiement des dommages
intérêts et des frais. Le reliquat éventuel est
restitué au condamné ou au tiers ayant payé pour son
compte ».
Quant au contrôle judiciaire, le juge d'instruction peut
subordonner la mise en liberté provisoire de l'inculpé par des
astreintes telles que l'obligation de résider dans un lieu
déterminé, l'interdiction de fréquenter certains lieux ou
certains établissements, l'exercice d'un travail régulier,
l'obligation de suivre un traitement médical ou une cure de
désintoxication117. A cet effet, le juge
d'instruction peut désigner un délégué pour veiller
spécialement à l'exécution des mesures de contrôle
judiciaire conditionnant la remise en liberté. Il peut également
ordonner une remise de détention préventive en cas de tout
manquement aux obligations particulières fixées par
lui118.
114 Ibid., p.71.
115 une mesure mise à la disposition du magistrat
instructeur, de la chambre d'accusation ou du tribunal correctionnel, avant le
jugement, alternative à la détention provisoire et assortie de
moyens coercitifs importants, visant à maintenir sous-main de justice,
et en milieu libre, des personnes qui, sinon, auraient fait l'objet d'un mandat
de dépôt.
116 Articles 19-24 du CPPT.
117 Article 19 alinéas 2-4 du CPPT.
118 Article 121 du CPPT.
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Cependant au Togo, il existe des écarts entre la
théorie et la pratique des mesures alternatives à la
détention provisoire. Bien que réglementé par le CPPT, le
contrôle judiciaire est presque tombé en désuétude
au profit de la détention préventive. Par fautes de garanties
suffisantes de représentabilité119ou
pour des raisons de sécurité, politiques ou personnelles, le
ministère public privilégie la détention préventive
en lieu et place des mesures non privatives de
liberté120 telles que la médiation
pénale et le règlement amiable. Le
ministère public et le juge d'instruction ont tendance à recourir
à la détention préventive comme un moyen pour satisfaire
les `'intérêts personnels». Cette pratique n'est pas conforme
avec l'article 6.2 de l'ensemble des règles de
Tokyo121. Aussi, il va falloir que les magistrats
perçoivent leur métier comme un élément capital qui
concourt à la cohésion sociale. Ils doivent cesser d'avoir de
telles appréhensions. Pour ce faire, ils doivent privilégier la
liberté provisoire à la détention préventive qui
constitue un risque pour la santé de la personne mise en
détention préventive122.
La recherche d'alternatives à l'incarcération
avant le jugement doit être un des objectifs premiers d'une politique
pénale respectueuse de la présomption d'innocence et de
prévention de la récidive.
Pour la garantie des droits fondamentaux des détenus
préventifs, il est très important que le législateur
togolais institutionnalise le juge des libertés et de la
détention. Le juge des libertés et de la détention
s'occupera désormais des questions relatives à la mise en
liberté provisoire et de la détention préventive. Mais
avant l'institution du juge des libertés et de la détention, la
réforme de l'état civil et l'adressage des villes, communes et
villages s'imposes.
Tout compte fait, le législateur togolais a
prévu des voies de recours en cas de refus de mise en liberté
provisoire du détenu préventif.
119En quoi consiste concrètement la
non-garantie de représentabilité ? Nous pouvons citer entre
autres : un véritable problème d'adressage ; un problème
lié à l'état civil ; l'inculpé Kodjo pouvant
être véritablement Kpatcha alors que le juge ne dispose d'aucun
moyen pour y vérifier. Par ailleurs, le manque de moyen de recherche de
l'inculpé laissé en liberté et non comparant.
120 L'ensemble des Règles des Nations Unies pour
l'élaboration des mesures non préventives (Règles de
Tokyo) adoptées par l'Assemblée générale dans sa
résolution 45/110 du 14 décembre 1990.
121« Aucun prévenu ne doit être
placé en détention provisoire, à moins que les
circonstances ne rendent cette détention strictement nécessaire.
La détention provisoire doit ainsi être considérée
comme une mesure exceptionnelle et ne jamais être obligatoire ni
utilisée à des fins punitives. »
122 Ibid., p.72.
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