CHAPITRE I :
L'URGENCE DE LA MOBILISATION DE L'ETAT TOGOLAIS EN
FAVEUR DE LA PROTECTION DES DROITS DES DETENUS PREVENTIFS
« Tous les droits humains sont universels,
indissociables, interdépendants et intimement liés. La
communauté internationale doit traiter des droits humains globalement,
de manière équitable et équilibrée, sur un pied
d'égalité et en leur accordant la même
importance107. » Ce passage
invite tous les Etats à ne négliger aucun aspect des droits de
l'homme car tous les droits de l'homme même les droits fondamentaux des
détenus se valent. Pour l'ancien Secrétaire général
des Nations Unies Kofi Annan, les droits humains ne sont étrangers
à aucune culture, ils appartiennent à tous les pays, ils sont
universels108. L'universalité de ces droits
recommande que chaque Etat prenne des mesures urgentes afin de faire cesser les
cas de violation des droits de l'homme sur son territoire.
Ainsi, une meilleure protection des droits de l'homme
à l'épreuve de la détention provisoire au Togo implique
l'accélération des réformes juridiques et
institutionnelles entreprises par l'Etat togolais (Section I), mais aussi la
responsabilisation des acteurs intervenants dans ce domaine (Section
II).
Section 1 : L'effectivité des mécanismes
de protection des droits de l'homme dans
la phase procédurale de la détention
préventive
Dans le souci d'assainir l'environnement juridique, judiciaire
et carcéral en matière de la protection des droits de l'homme,
l'Etat togolais a entrepris depuis 2005 de vastes programmes de modernisation
de l'appareil judiciaire. Cependant onze (11) ans après la mise en
oeuvre de ces programmes, le constat est le même : ratio croissance de la
population et croissance de la délinquance, mauvaises conditions de
détention avec pour conséquences pertes en vies humaines, impacts
socio-économiques, etc.
107Déclaration et Programme d'Action de Vienne,
1993.
108 Allocution prononcée à l'Université de
Téhéran, en décembre 1997.
61
Si le Togo veut soigner son image, il serait urgent de
concrétiser les reformes juridiques et institutionnelles (Paragraphe 1)
et d'instaurer un contrôle judiciaire des décisions de placement
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La concrétisation attendue des
reformes législatives et
institutionnelles en matière de la détention
provisoire
Une telle concrétisation passe
nécessairement par l'accélération de l'adoption du Nouveau
Code de procédure pénale, de textes réglementaires
régissant l'organisation, le fonctionnement des établissements
pénitentiaires et l'effectivité de l'aide juridictionnelle (A)
ainsi que la modernisation des institutions de placement (B).
A. La nécessité d'accélérer
la révision du code de procédure pénale togolais et des
textes réglementaires
Le régime de la détention préventive
prévu par le Code de procédure pénale de 1983 n'a pas
connu de réformes visant à le réajuster ou le conformer
aux exigences de respect des droits de l'homme. En effet, la détention
préventive, dans sa mise en oeuvre, constitue l'un des
éléments les plus fréquents d'atteinte aux droits de
l'homme. Il est urgent de doter l'appareil judiciaire togolais d'un Nouveau
Code de Procédure Pénale du Togo (NCPP) conforme au NCPT et aux
standards internationaux.
Pour le juge togolais Fiawonou109,
le NCPP prendra en compte les principes et droits constitutionnels garantissant
la protection des personnes mises en cause pénalement tels que la
présomption d'innocence entre autres.
Ainsi, le législateur togolais devrait insérer
dans le NCPP, un nouveau régime de la détention préventive
et une durée de détention préventive courte et des
délais de déroulement de l'information.
Le placement en détention préventive abusive qui
est une atteinte directe au principe de la présomption d'innocence
résulte aussi bien du mandat d'arrêt que du mandat de
dépôt.
109 Marc Yaovi FIAWONOU, Avocat Général
près la Cour Suprême du Togo « la présomption
d'innocence et ses implications dans les différentes étapes de la
procédure judiciaire pénale », thème
développé au cours des ateliers régionaux de renforcement
des capacités des Magistrats et OPJ en matière de la protection
des droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale au Togo
; op. Cité. p.66.
62
Ce mandat de dépôt, en effet, ne mentionne pas
les motifs qui fondent le maintien en détention de l'inculpé.
Dans la pratique les juges font appel à leur intime
conviction et décident en toute souveraineté de la
détention provisoire. De plus, ces mandats ne sont pas pour autant
susceptibles d'appel de la part de l'inculpé.
Dans le souci de lutter contre les détentions
préventives trop longues et pour permettre à l'inculpé de
contester la décision du juge, il est opportun que ce soit une
ordonnance du juge d'instruction qui prescrive la détention
préventive. Cette ordonnance doit être suffisamment motivée
et ne saurait être prise qu'après l'interrogatoire de
l'inculpé. L'ordonnance doit donc être préalable au mandat
de dépôt, lequel n'en est que le titre d'exécution. Tel est
en réalité le souhait de certains auteurs comme Faustin Helie,
lorsque définissant la nature de la délivrance du mandat
d'arrêt, il dit : « c'est un jugement provisoire que rend le
juge, et ce jugement doit être fondé sur des présomptions
sérieuses, puisqu'il place le prévenu en état de
détention. » Il renchérit en déclarant par
ailleurs que : « jamais la loi ne doit garder le silence sur les
motifs de la détention préventive. Ce serait là une lacune
grave et dangereuse. »
L'ordonnance de placement en détention
préventive est en effet une décision susceptible d'appel. En
conséquence, tout moyen de placement en détention contraire
à la loi comme par exemple la note de service devrait disparaître.
Bien qu'elle soit très pratique, elle constitue une véritable
menace pour les droits de l'homme.
En ce qui concerne la durée de la détention
provisoire et les délais pour le déroulement de l'information,
souvent qualifiés de trop longs, le NCPP devrait instaurer de nouveaux
délais plus courts. C'est dans cette optique que l'Avocat
général, Marc Yaovi Fiawonou soutient que : « le code
actuel ne prévoit aucun délai, autre que ceux qui
résultent des textes sur la détention provisoire, quant à
la durée des procédures de mise en état des affaires
pénales. La lenteur des procédures et l'incertitude sur leur
durée font partie des reproches traditionnels adressés à
la justice et nuisent tant à son image qu'à son efficacité
sociale et aussi à la présomption d'innocence.»
L'analyse de ce passage qui concorde avec les résultats
de cette présente recherche a permis de suggérer qu'il serait
indispensable que le NCPP mette en exergue à travers les dispositions
bien précises le principe de la présomption d'innocence, le droit
d'assistance à un avocat ainsi que les modalités de sa pratique.
Il devrait également prévoir le droit à l'indemnisation
pour erreur judiciaire et le fonctionnement anormal de la justice avec les
modalités pratiques pour son application.
63
Enfin, il est urgent que les autorités
compétentes prennent des textes législatifs ou
réglementaires conformes aux règles minima afin de mieux
régir l'organisation et le fonctionnement des établissements
pénitentiaires. Il est également primordial de prendre, sans
délai, le décret et l'arrêté relatifs à
l'opérationnalisation du Conseil National de l'Aide Juridictionnelle et
des Bureaux d'Aide Juridictionnelle auprès des juridictions et de doter
ces mécanismes de moyens adéquats pour leur fonctionnement
effectif110.
L'accélération de la révision du cadre
juridique ne suffit pas à elle seule pour garantir l'effectivité
des droits fondamentaux des détenus préventifs, il faut
également reformer rapidement la chaine pénale.
|