Paragraphe 2 : le consentement du délinquant
à la médiation pénale
La médiation pénale, institution originellement
mise en place par les législations Nord-Américaines pour
désengorger le rôle du tribunal correctionnel112 s'est,
de nos jours, largement répandue en ce qu'elle est adoptée par
nombre de législations contemporaines au titre d'alternative à la
poursuite pénale. Cette expansion semble la résultante du fait
qu'elle procure davantage de satisfaction au justiciable comparativement
à d'autres modes de règlement des conflits pénaux. En
effet, d'après une enquête réalisée par le
ministère français de la justice sur le sentiment de satisfaction
des victimes sur la réponse judiciaire,113 la
médiation pénale est la procédure qui donne le plus de
satisfaction avec 55% de victime déclarant que justice leur a
été rendue, devant le jugement (50% de victimes «
satisfaites ») et les autres alternatives (45%)114. Ce faisant,
l'on pourrait essayer de la définir comme étant une pratique qui
consiste à rechercher, grâce à l'intervention d'un tiers,
une solution librement négociée entre les parties à un
conflit né d'une infraction.115 116 Elle est
appréhendée par
112 BOULOC (B.), Procédure pénale,
Dalloz, 23ème édition, p. 585 ; FAUCHERE (J.),
« Regard sur le droit pénal et les pratiques de
réparation au Canada», Arch. Pol. Crim. 1991 p. 25.
113 Infostat Justice n°98, décembre 2007.
114 MBANZOULOU (P.), La médiation pénale,
l'Harmattan, 2012, p. 11.
115 V. Note d'orientation de 1992, citée par MBANZOULOU
(P.), op. cit. p. 18.
116 Ce faisant, la médiation pénale ne doit
nullement être confondue à la conciliation, car le
médiateur n'a pas le rôle relativement directif du conciliateur
qui intervient essentiellement dans les conflits civils pour aider à
trouver une solution de compromis respectant les intérêts de
chacun. La mission du conciliateur est d'attester le règlement amiable
des conflits qui lui sont soumis ; V. MBANZOULOU (P.), op. cit. pp. 20-21.
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le code de l'enfant béninois comme étant un
mécanisme qui vise à conclure un accord entre l'enfant auteur
d'une infraction ou son représentant légal et la victime ou son
représentant légal ou ses ayants droits117.
Ainsi, la médiation pénale implique l'accord
entre autres du délinquant, dont la portée (A)
et les effets (B) peuvent être sujets à
analyse.
A) La portée de l'accord du délinquant
à la médiation pénale
Telle que prévue par la législation
béninoise, la médiation pénale sur invitation, lorsqu'elle
n'émane pas de la demande de l'auteur des faits doit, cependant,
requérir son consentement qui doit paraitre tout aussi intègre
(2), qu'elle ne parait coupable (1).
1) L'accord coupable du délinquant
Pour une mise en oeuvre efficace de la médiation
pénale, les faits doivent être reconnus et non contestés
par l'auteur de l'infraction puisqu'on voit mal comment un individu pourrait
accepter une médiation tout en contestant la réalité des
faits118. Ainsi, le respect de la présomption d'innocence
conduit à écarter du domaine de la médiation
pénale, tous les cas dans lesquels la réalité des faits
n'est pas claire ou soulève une contestation.
Cependant, il arrive parfois que le mis en cause accepte une
médiation pénale par peur de la prison ou par souci d'apaisement.
En pareille situation, la médiation pénale devient un instrument
supplémentaire de contrôle social en parfaite contradiction avec
l'esprit des textes.
Pour une autre tendance, l'accord préalable de l'auteur
des faits qui tirerait de toute façon avantage de la situation
n'apparait plus comme une nécessité. Une telle analyse bien
qu'erronée peut trouver son fondement dans les dispositions de l'article
243 du code béninois de l'enfant qui disposent « Lorsque les
circonstances l'obligent à prononcer à l'égard d'un mineur
une condamnation pénale, le juge peut inviter les parties à une
médiation pénale pour trouver une
117 Article 240 du Code de l'enfant en vigueur en
République du Bénin.
118 CARIO (R.), (Dir.), La médiation
pénale, entre répression et réparation, l'Harmattan,
1997, p. 40.
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mesure de rechange qui permet d'assurer la
réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au
trouble résultant de l'infraction et de contribuer au reclassement de
l'auteur de l'infraction.» Ainsi, quelles qu'en soient les
circonstances de sa mise en oeuvre, la médiation doit, au
préalable, être acceptée par les parties, en l'occurrence
le délinquant, le mineur en l'espèce ou son
représentant.
Ce faisant, bien qu'étant à la lisière
d'une peine d'emprisonnement, le consentement du délinquant à la
médiation doit être éclairé, intègre, et
constant.
2) L'accord éclairé, intègre et constant
du délinquant
L'accord de l'auteur des faits à la médiation
pénale doit être intègre, et constant, c'est-à-dire
réitéré tout le long de la procédure.
Le consentement des parties, en l'occurrence, du
délinquant doit être donné en toute connaissance de cause.
Ce qui suppose qu'il soit éclairé, sans vice et formulé
par une personne disposant de toutes ses capacités mentales et
juridiques119. Ce faisant, pour suppléer à la carence
de la loi n'ayant pas prévu les formes de constatation du consentement
du délinquant, le magistrat compétent doit informer l'auteur des
faits du cadre juridique de la médiation, de ses modalités et de
la possibilité qui lui est offerte de constituer un avocat120
et ce, afin que ledit consentement soit dépourvu
d'ambigüité. Toutefois, la place de l'avocat bien que
constitué se trouve être subsidiaire puisqu'on considère
que ce dernier ne peut consentir à la place de son client.
Outre son caractère intègre, l'accord du
délinquant se doit également d'être constant, le long de la
procédure de conciliation. En effet, le délinquant animé
de mauvaise foi peut, une fois son accord donné pour la mise en oeuvre
de la médiation cesser de collaborer pour l'atteinte des objectifs
fixés. Cette carence de l'auteur s'apparentant à la
révocation de son consentement peut s'identifier
119 CARIO (R.), op, cit., p. 41.
120 L'ensemble de ces informations devra être
reprécisé par le médiateur en préliminaire de la
médiation.
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le long du déroulement de la procédure, en
l'occurrence lors de l'entretien préalable, au cours de la
procédure et après la signature de l'accord amiable. Ainsi, lors
de l'entretien préalable, l'auteur ayant donné son consentement
pour la médiation peut ne pas se présenter et ne donner aucun
signe de vie voire demeurer introuvable. La victime subit donc de ce fait une
seconde victimisation en ce qu'elle n'est pas reconnue et ses revendications,
interrogations et doléances ne revêtent aucune valeur.
Sous un autre angle, l'auteur est présent et accepte le
dialogue, mais au fur et à mesure de l'évolution de la
procédure, l'auteur met une certaine lenteur et une certaine
réticence à fournir des documents ou pièces
nécessaires à l'élaboration du constat d'accord amiable.
La victime se sent de ce fait trahit, mais n'ayant pas le choix, elle se
réfère à l'adage populaire selon lequel « il vaut
mieux un mauvais accord, qu'un bon procès »
Pis, pris sous un troisième angle, l'auteur,
après la signature de l'accord s'abstient de le respecter. Cette
situation plus critique que toute autre, consacre l'abandon de la victime sauf
qu'en disposant que « La médiation pénale, lorsqu'elle
est constatée par un procès-verbal, s'impose à tous
»,121 le législateur béninois donne la
possibilité à la victime d'exercer tous voies et moyens
légaux pour contraindre le délinquant au respect de sa parole
donnée122. Cela dénote fortement de la
nécessité de constance du consentement du délinquant aux
fins de la mise en oeuvre efficace de la médiation dont les effets
paraissent bénéfiques pour tous.
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