Section 2 : La présence du consentement du
délinquant à la phase de poursuite
Suite à la commission de l'acte infractionnel, la
responsabilité du l'agent pénal80 est mise en jeu par
le biais d'une poursuite diligentée au profit de la
société par le ministère public81,
représenté par le procureur de la République82.
A cet effet, l'action publique83, qui, en elle-même constitue
l'objet de la poursuite peut, du fait de la loi mais encore de la
volonté des parties en l'occurrence du délinquant,
s'éteindre. Il s'agit là de la transaction pénale
(Paragraphe 1). Par ailleurs, la volonté du
délinquant, sans prétendre éteindre l'action publique peut
toutefois favoriser l'évitement du procès par l'option d'un
règlement alternatif, dont l'efficacité semble ne plus être
à démontrer. Il s'agit ici de la médiation pénale
(Paragraphe 2)
80 Il peut s'agir ici du suspect ou de
l'inculpé.
En effet, souffrant d'un handicap juridique important, la
qualité de suspect n'est ni défini par la loi interne, ni la
jurisprudence et pas davantage les instruments juridiques les plus importants
en France. Toutefois, deux méthodes sont retenues pour désigner
le suspect. D'une part, le suspect est directement mentionné par une
expression ou un mot signalant la suspicion, à l'exemple de la personne
soupçonnée. D'autre part, par référence aux preuves
recueillies à l'encontre du suspect, une expression ou une
périphrase plus ou moins complexe, à chaque fois
différente selon le stade de la procédure est employée
pour le désigner, telle »la personne à l'encontre de
laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner un
agissement illicite» ; V. DEFFERARD (F.), le suspect dans le
procès pénal, L.G.D.J, 2005, p. 14.
Quant à l'inculpé, il s'agit d'un individu ayant
fait l'objet d'une inculpation. Autrement dit, il s'agit d'une personne mise en
examen ; V. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri
Capitant, Quadrige, 9ème édition mise à jour,
2011, p. 533.
81 Article 1er al. 2 CBPP : « le
ministère public est l'ensemble des magistrats de carrière qui
sont chargés, devant certaines juridictions, de requérir
l'application de la loi et de veiller aux intérêts
généraux de la société ».
82 Encore appelé « Magistrature debout
» ou « parquet » comparativement à son collègue du
siège qui est toujours assis alors que lui reste debout pour prononcer
sa réquisition.
83 Article 1er du CPP : « L'action
publique est une prérogative appartenant à la
société, délégué au ministère public
afin de déclarer la culpabilité et sanctionner une personne
physique ou morale, auteur d'une infraction à la loi pénale. Elle
est mise en mouvement et exercée par les représentants du
ministère public ».
24
Paragraphe 1 : le consentement du délinquant
à la transaction pénale
La transaction pénale, terrain fertile du consentement
du délinquant, s'entend d'un accord entre une personne susceptible de
faire l'objet d'une poursuite et une autorité légalement investie
du droit d'engager celle-ci, aux termes duquel l'acceptation et la
réalisation des mesures proposées par la seconde à la
première éteint l'action publique84. Il s'ensuit que
la transaction consiste donc à rechercher un accord amiable avec
l'auteur de l'infraction85. Cela s'inscrit sans doute dans un
mouvement général manifeste de « contractualisation du
droit pénal » et de recherche de procédures de nature
à désengorger les juridictions pénales86. De ce
fait, le consentement du délinquant est requis à tous les stades
de la négociation que ce soit pour déclencher le processus
alternatif, pour valider les mesures proposées ou pour exécuter
les sanctions. En ce sens, la transaction pénale peut-elle être
qualifiée d'alternative consensuelle.
Ainsi, requérant pour sa validité l'accord de
l'auteur des faits, la transaction pénale dont la nature87
oscille entre une institution et une convention (A), est
toutefois d'un régime juridique bien déterminé
(B).
84 DESPORTES (F.) & LAZERGES-COUSQUER (L.),
Traité de procédure pénale, Economica,
3ème édition, 2013, p. 731.
85 La transaction est définie par à
l'article 391 du code des douanes du Bénin, telle « La transaction
est l'acte par lequel l'administration des douanes d'une part, une personne
poursuivie d'autre part, mettent fin à un litige selon les
modalités convenues entre elles conformément à la loi.
».
86 ALT-MAES (F.), « La contractualisation du
procès pénal, mythe ou réalité », Revue de
Science Criminelle, 2002, p. 501.
87 En France, l'autre débat sur la nature de
transaction consistait à se demander si elle constituait une sanction de
droit privé ou si elle relevait du droit public.
Selon MERLE & VITU, lorsque la transaction intervient
après la condamnation, comme cela est possible en
matière fiscale ou forestière, elle s'applique seulement aux
peines pécuniaires, mais pas aux peines corporelles ; elle s'apparente
alors à une transaction de droit privé, puisqu'elle porte sur des
sanctions dont le caractère patrimonial est particulièrement
accusé. Intervenant avant le jugement, son effet est plus puissant,
puisqu'elle éteint l'action publique même en ce qui concerne les
peines corporelles. La transaction s'analyse alors en un moyen administratif
unilatéral d'extinction des poursuites, qui n'a plus qu'une lointaine
ressemblance avec la transaction civile. V. MERLE (R.) & VITU (A.), op.
cit. p. 84.
25
A) La transaction pénale : entre convention et
institution
La transaction paraissant simple à première vue
semble en réalité ne pas l'être du fait de sa nature peu
difficile à cerner. En effet, la transaction pénale est d'une
double nature juridique et ce, du fait qu'elle s'apparente tant à une
institution (2) qu'à une convention (1).
1) La nature conventionnelle de la transaction
Bien qu'encadrée par des textes, la validité de
la transaction pénale est tributaire du consentement des parties, en
l'occurrence du délinquant, tant sur la mise en oeuvre de la
procédure que sur la nature et le quantum de la mesure proposée
par l'autorité compétente.
En effet, sans être explicitement
détaillée par les législations béninoises, la mise
en oeuvre de la transaction pénale implique une offre88 faite
par l'autorité compétente au délinquant environnemental.
C'est à ce propos que les dispositions conjointes des articles 85 de la
loi portant régime des forêts en république du
Bénin, et 149 de la loi portant régime de la faune en
République du Bénin, subordonnent la transaction à une
proposition dument faite au délinquant par le Directeur des forêts
et ressources naturelles, le responsable de l'administration chargée de
la faune ou leurs représentants.
Toutefois, sans faire l'objet d'autres précisions,
cette offre de transaction se doit de rencontrer l'acceptation de son
destinataire, l'agent pénal en l'espèce. Ce faisant, la question
demeure de savoir si la mesure à laquelle le délinquant est
invité à adhérer procède de sa faute ou participe
de sa répression89. En effet, le consentement de l'auteur des
faits ne saurait être apprécié selon les critères
applicables au citoyen ordinaire90. Ainsi, bien que le consentement
de
88 Au sens courant, on entend par offre toute
proposition de contracter. Au sens juridique, l'offre encore appelée
pollicitation est la proposition ferme de conclure, à des conditions
déterminées, un contrat de tel sorte que son acceptation suffit
à la formation de celui-ci. V. TERRE (F.), SIMLER (Ph.) & LEQUETTE
(Y.), Droit civil, Les obligations, Dalloz, 10ème
édition, 2009, p.121.
89 PIN (X.), le consentement en matière
pénale, LGDJ, Paris, 2002, p. 724.
90 Ibidem
26
l'intéressé n'a pas à respecter les
mêmes exigences que le consentement contractuel, on remarque pourtant
qu'en matière de procédures négociées,
l'acceptation de manière semblable à la matière civile,
doit être pure et simple, c'est-à-dire manifester une
adhésion aux conditions fixées par l'offrant91.
De ce fait, il est loisible de relever que pour la
majorité des modalités du processus de négociation,
l'acceptation du mis en cause se révèle, en
réalité, être une adhésion pure et simple à
l'offre émise par la poursuite92. Toutefois, il sied de
souligner qu'elle doit être libre et éclairée, au besoin,
par l'office d'un avocat.
2) La nature institutionnelle de la transaction
Prévue par le code de procédure
pénale93, la transaction est une vieille institution
civile94 encadrée par des lois spécifiques, ayant pour
effet d'éteindre l'action publique pour l'application de la
peine95. A cet effet, la transaction autrefois demeurée
cantonnée au domaine des infractions impliquant les
intérêts patrimoniaux de l'Etat est récemment apparue dans
le domaine de l'environnement par le truchement de l'administration des eaux,
forêts et chasses avant de s'étendre à d'autres
secteurs96.
Ainsi, la transaction est organisée en
République du Bénin par nombres de législations dont la
loi-cadre sur l'environnement97, la loi portant régime des
forêts en République du Bénin98, la loi portant
régime de la faune en République
91 FLOUR (J.), AUBERT (J-L.), SAVAUX
(E.), Droit civil, Les obligations, L'acte juridique, 15e
éd., Sirey, 2012, p.126.
92 PRADEL (J.), « Le consensualisme en
droit pénal compare », in Mélanges E. CORREIA,
Boletim da facultade du direito de Coimbra, 1988, p. 330.
93 Issue de la loi n°2012-2012-15 du 17
décembre 2012 en vigueur en République du Bénin, Cf.
Article 7 al. 2.
94 Article 2044 du Code civil applicable au
Bénin, en sa version de 1958 qui dispose : « La transaction est le
contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou
préviennent une contestation à naître. »
95 Article 7 al. 2 du CBPP.
96 TCHOCA FANIKOUA (F.), La contribution du
droit pénal de l'environnement à la répression des
atteintes à l'environnement au Bénin, Thèse, UAC,
2012, p.129.
97 Article 108 : « lorsque le cas est
prévu par la loi et les règlements, les délits et
infractions en matière d'environnement peuvent faire l'objet de
transaction avant ou pendant le jugement. »
98 Articles 85 et 86 de la loi portant régime des
forêts en République du Bénin :
« Les poursuites relatives aux infractions à
la réglementation forestière peuvent être
arrêtées moyennant l'acceptation et le règlement par le
délinquant d'une transaction dûment proposée par le
Directeur des Forêts et des Ressources Naturelles ou l'un de ses
représentants délégués.
Les délinquants récidivistes ne peuvent
bénéficier de cette transaction. »
27
du Bénin99. On y découvre plusieurs
dispositions relatives tant aux acteurs de la transaction qu'aux modes
d'exécution du règlement transactionnel voire aux limites de la
transaction.
S'agissant des acteurs de la transaction, la mise en oeuvre de
ladite mesure relève du pouvoir du responsable de l'administration
chargée de la protection de l'aspect de l'environnement touché
par le délinquant. Toutefois, cette prérogative revenant de droit
aux Directeurs Généraux100 des administrations de
protection de l'environnement peut être déléguée
à un représentant, en l'occurrence, à un fonctionnaire du
secteur appréhendé. Dans la pratique au Bénin, les termes
de la transaction sont généralement proposés par l'agent
verbalisateur assermenté et soumis au Directeur des Eaux Forêts et
Chasses, ou son représentant qui, après étude et
certification, renvoie l'offre de transaction à l'agent pour
exécution et ce, sans consultation préalable du procureur de la
République101.
Quant aux modalités de mise en oeuvre du
règlement transactionnel, elles sont constituées dans un
délai imparti soit du paiement d'une somme d'argent, soit
« Le montant des
transactions consenties doit être acquitté ou les travaux
forestiers tenant lieu de transaction doivent être effectués dans
les délais fixés par l'acte de transaction. Faute de quoi, il
sera procédé aux poursuites judiciaires »
99 Articles 149 et 150 de la loi portant régime
de la faune en République du Bénin :
« Les poursuites relatives aux infractions à
la présente loi et à ses textes d'application peuvent être
arrêtées moyennant l'acceptation et le règlement par le
délinquant d'une transaction dûment proposée par le
responsable de l'administration chargée de la faune ou de l'un de ses
représentants délégués. Les modalités des
transactions sont fixées par un règlement d'application.
Les délinquants récidivistes ne peuvent
bénéficier de transactions.»
« Le montant des transactions consenties doit
être acquitté ou les travaux tenant lieu de transaction doivent
être effectués dans les délais fixés par l'acte de
transaction, faute de quoi il sera procédé aux poursuites
judiciaires. La transaction suspend les poursuites judiciaires, lesquelles ne
sont abandonnées qu'après paiement en espèces du montant
de la transaction ou exécution complète des travaux tenant lieu
de transaction dans les délais fixés. »
100 Contrairement au Bénin, le droit de transiger est
en France reconnu au défenseur des droits, qui en tant
qu'autorité constitutionnelle indépendante, est chargé
selon l'article 77-1 de la constitution française créant la Ve
République, de veiller « au respect des droits et
libertés par les administrations de l'Etat, les collectivités
territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme
investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la
loi organique lui attribue des compétences ».
101 TCHOCA FANIKOUA (F.), op. cit. p. 131.
28
de l'exécution d'une prestation en nature au profit de
l'administration de protection du secteur de l'environnement impacté.
S'agissant des limites de la transaction, elle se veut
d'être une mesure alternative strictement réservée aux
délinquants primaires. De ce fait, il ressort des législations
régissant les domaines visés que les délinquants
récidivistes ne peuvent bénéficier de la
transaction102.
Mais en dépit de ces contours fixés par la loi,
la transaction ne demeure pas moins une mesure conventionnelle en ce qu'elle
implique un accord de volontés.
Ce faisant, nonobstant l'ambiguïté de sa nature
juridique, la transaction pénale fait l'objet d'un régime
juridique stable.
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