B) Le consentement du délinquant à la
procédure de comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité
Reprenant la logique de l'aveu existant en matière de
composition pénale, le législateur français, au terme de
la loi du 9 mars 2004299, a introduit la comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité, que brevitatis
causa300, on appelle le plaider coupable, dans le but
d'alléger les audiences correctionnelles des affaires simples et de
conduire au prononcé de peines plus efficaces car «
acceptées » par l'auteur de l'infraction. Cette
procédure dont le procureur de la République se trouve être
la chenille ouvrière est d'un champ d'application peu étendu (1)
et d'un fonctionnement relativement simple et efficace (2).
1- Le champ d'application de la CRPC
La procédure de comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité ne peut être mise en oeuvre que
lorsque certaines conditions liées à l'auteur des faits et
à la nature de l'infraction en cause sont réunies.
S'agissant de son champ d'application personnel, la CRPC, aux
termes des dispositions de l'article 495-16 du CPPF, peut être mise en
oeuvre à l'encontre de toute personne physique à condition
qu'elle soit majeure et qu'elle reconnaisse les faits qui lui sont
reprochés301. En effet, la reconnaissance de
culpabilité constitue la condition préalable de mise en oeuvre de
la CRPC et doit être observé que du côté du
prévenu. Ce faisant, celui-ci renonce à certaines garanties
traditionnelles entourant la décision juridictionnelle, notamment son
droit fondamental de ne pas s'auto-incriminé. Cela étant, il est
logique que la
299 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la
justice aux évolutions de la criminalité.
300 « Dit brièvement ».
301 Art. 496-7 CPPF.
91
CRPC soit exclue à l'égard des mineurs,
poursuivis selon des procédures spécifiques. En revanche, aucune
disposition légale n'exclut le recours à cette procédure
à l'encontre des personnes morales responsables de la commission
d'infractions302.
Par ailleurs, pour ce qui est de son champ d'application
matériel, la comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité telle qu'instituée par la loi de 2004, ne
s'appliquait qu'aux infractions dont la peine ne pouvait excéder cinq
(05) ans d'emprisonnement. A cet effet, la CRPC pouvait régir les
délits d'atteintes volontaires ou involontaires à
l'intégrité des personnes et d'agressions sexuelles303
lorsqu'ils sont punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée
inférieure ou égale à 5 ans. Sont donc exclus du champ
d'application de la CRPC les délits d'homicide involontaires, les
délits de presse, les délits politiques et les délits dont
la procédure de poursuite est prévue par une loi
spéciale304.
Toutefois, le champ de la CRPC s'est vu étendu par le
législateur français qui, par une loi en date du 13
décembre 2011, ouvre désormais son application aux infractions
passibles d'une peine correctionnelle et ce, de façon quasi
inaperçue. Ainsi, si depuis 2004 l'article 495-7 du Code de
procédure pénale réservait la procédure de CRPC aux
délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'une
peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale
à cinq ans, il résulte désormais des dispositions de la
loi de 2011 que la CRPC est applicable à l'ensemble des délits et
notamment à de nouvelles infractions en matière économique
et financière.
Il s'agit, en effet, des délits de corruption passive
et de trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction
publique305, et surtout de la corruption active ou passive par ou
à l'égard de personnes dépositaires de l'autorité
publique dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation
internationale
302 DESPORTES (F.) & LAZERGES-COUSQUER (L.), op. cit. p.
835.
303 Art. 222-9 à 222-31-2 du CPPF.
304 Art. 495-16 du CPPF.
305 Art. 432-11 du CPPF.
92
publique306, ces infractions faisant l'objet d'une
attention accrue de la part des gouvernements. Ce sont donc les délits
les plus graves et notamment lies à la corruption
internationale307, qui peuvent désormais faire l'objet d'un
accord négocié. Cette modification marque la volonté du
législateur de doter non seulement le parquet, mais également
désormais le juge d'instruction308, d'instruments
négociés fondés sur des concessions réciproques en
matière de lutte contre la délinquance financière.
2- Le fonctionnement de la CRPC
Le fonctionnement de la CRPC, tel qu'organisé par la
législation en vigueur s'analyse au regard de son déroulement et
de ses effets. Pour ce qui est de la procédure du CRPC, elle ne peut
être mise en oeuvre qu'à l'initiative du procureur de la
République309 ou avec son accord et ce, à l'issue
d'une enquête préliminaire ou de flagrance. A la suite de la
proposition de peine faite par le procureur de la République, la loi
offre au délinquant une kyrielle de choix. Il peut en premier lieu
accepter la peine sans aucune autre formalité et alors la
procédure se poursuit devant une autorité judiciaire
représentée par le président du tribunal de grande
instance, saisi au préalable par le procureur d'une requête en
homologation. Ce faisant, le juge saisi doit au préalable
vérifier « la réalité des faits et leur
qualification juridique ». Mieux, cette vérification doit
également porter sur l'intégrité du consentement du
délinquant tant à la culpabilité de l'infraction
qu'à la peine proposée par le ministère public. C'est en
effet ce qui ressort de la décision du Conseil Constitutionnel
français en date du 2 mars 2004 qui dispose en effet que « le
juge doit vérifier la réalité du consentement mais
également sa sincérité »310.
306 Art. 435-1 et 435-3 du CPPF.
307 De manière non exhaustive : infractions
d'escroquerie et d'abus de confiance commises avec la circonstance aggravante
de bande organisée, Art. 313-2 et 313-4 CPF.
308 Art. 180-1 C. CPPF.
309 En effet, la procédure de CRPC suppose
obligatoirement une comparution devant un procureur de la République ou
l'un de ses substituts. Ainsi, contrairement à ce qui est prévu
pour la composition pénale, le procureur de la République ne peut
pas déléguer à un officier de police judiciaire la
proposition de la peine.
310 Const. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004.
93
Toutefois, le délinquant peut également en
second lieu, refuser la peine proposée, et ce refus marque alors la fin
de la procédure de CRPC.
Cependant, le consentement du délinquant bien
qu'opérationnel est davantage protégé, en ce que, lorsque
l'auteur refuse la peine proposée par le procureur, l'aveu qu'il aura
donné au préalable sur sa culpabilité et tout ce qui se
sera dit lors de la procédure disparait. C'est ce qui ressort de
l'article 495-14 du Code français de procédure pénale qui
dispose « Lorsque la personne n'a pas accepté la ou les peines
proposées ou lorsque le président du tribunal de grande instance
ou le juge délégué par lui n'a pas homologue la
proposition du procureur de la République, le procès-verbal ne
peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement,
et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état
devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis
au cours de la procédure ». Ainsi, une juridiction de jugement
ne peut motiver une décision de condamnation en se fondant sur les
procès-verbaux de comparution devant le procureur de la
République ou le juge homologateur ainsi que sur une lettre par laquelle
la personne poursuivie ou son avocat a sollicité la mise en oeuvre d'une
procédure de CRPC311.
S'agissant de ses effets, lorsqu'elle est réussie,
l'ordonnance d'homologation de la CRPC produit un effet identique à
celui d'un jugement et est immédiatement exécutoire. Toutefois,
cette ordonnance peut faire l'objet de recours, en l'occurrence d'appel de la
part du condamné dans les dix (10) jours, à compter du jour
où l'ordonnance a été rendue. L'appel interjeté ne
fait cependant pas obstacle à l'exécution à
l'exécution de l'ordonnance, celle-ci ayant les effets d'un jugement
immédiatement exécutoire.
Mieux, lorsque la victime n'a pu se constituer partie civile
lors de l'audience d'homologation, elle peut encore demander au procureur de la
République de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal
correctionnel statuant à juge
311 Crim. 17 sept. 2008, B. n°192 ; V. aussi, Art. 495-14
CPPF.
94
unique, qui débattra des seuls intérêts
civils, au vu du dossier de la procédure versé aux
débats312.
Ces mécanismes à efficacité
avérée en ce que favorables au délinquant, sont d'avantage
renforcée par nombre d'autres mesures idéales à la
réinsertion des condamnés.
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