2- Le contrôle judiciaire du consentement
En respect des principes gouvernant l'enquête
préliminaire, le policier ou le gendarme doit obtenir l'autorisation du
particulier préalablement à l'exécution de tout acte, en
l'occurrence, les perquisitions et visites domiciliaires, à peine de
nullité de l'acte voire de poursuite pénale contre son
auteur59. A cet effet, une jurisprudence constante oblige le juge
répressif à vérifier que le consentement du particulier,
au-delà de l'apparence est une réalité, en s'attachant
à vérifier in concreto que celui-ci a été
donné par une volonté parfaitement informée de sa
faculté de refuser l'acte proposé60.
Mieux, la juridiction doit s'assurer de la qualité de
l'auteur dudit consentement. En effet, la Cour de cassation française
précise que l'assentiment n'est valable que s'il émane de la
personne qui détient une autorité sur le lieu
concerné61. Ce faisant, le consentement donné est
irrévocable, c'est-à-dire que l'acquiescement préalable
à l'exécution de l'acte a pour effet d'autoriser
55 Crim., 28 janv. 1987, B., 48, D., 1987.258, note
Azibert.
56 Lorsque le délinquant ne sait pas
écrire, le législateur français prend précise
à l'article 76 alinéa 2 de son code de procédure
pénale, qu'il en fait mention au procès-verbal de son
assentiment.
57 BLONDET (M.), « L'enquête
préliminaire dans le nouveau Code de procédure pénale
», JCP 1959, I, 1513.
58 La liberté du consentement ressort de la
formule conseillée par le D. 20 mai 1963 (art. 127) et l'art. C. 137 de
la Circulaire d'application du C.P.P : « sachant que je puis m'opposer
à la visite de mon domicile, je consens expressément à ce
que vous y opérer les perquisitions et saisies que vous jugerez utiles
à l'enquête en cours.»
59 Article 53 in fine du CBPP.
60 Crim., 28 janv. 1987: Bull. crim. N°48.
61 Crim. 24 juin 1987, Bull. crim. n°
267.
18
définitivement l'accomplissement desdits actes sans
possibilité de rétractation ultérieure62.
L'exigence du consentement du délinquant à la
perquisition bien que cardinal peut parfois être contournée au
regard de biens de circonstances.
B) Les limites au consentement aux perquisitions et visites
domiciliaires Comme évoquée en sus, l'exigence du consentement
consacre une solution dégagée par la Cour de cassation pour
différencier les perquisitions faites dans le cadre d'une enquête
préliminaire de celles faites dans le cadre d'une enquête de
flagrance ou dans le cadre d'une instruction. Ainsi, la nature de flagrance de
l'enquête diligentée par la police s'avère être l'un
des obstacles au consentement (1). Toutefois, sans même songer à
une enquête de flagrance, le consentement du délinquant peut
être contourné au cours de l'enquête préliminaire
lorsque celui-ci fait preuve de mauvaise foi dans l'exercice de son droit de
consentir (2).
1- La limitation du consentement par la nature de flagrance de
l'enquête En cas d'infraction flagrante63, il est
nécessaire d'assouplir les règles ordinaires de procédure,
afin de permettre l'arrestation rapide du délinquant, d'effectuer un
constat immédiat, et de recueillir le maximum de preuves avant qu'elles
ne disparaissent. En effet, les preuves matérielles ne se trouvant pas
sur les lieux de l'infraction64, les dispositions du code de
procédure pénale65 donnent aux officiers de police
judiciaire, le droit de perquisitionner et de saisir, au besoin en employant la
force. Toutefois, cette coercition soumise à l'autorisation du procureur
de la République, se trouve enfermer dans des limites de temps et de
lieux, teintées d'un formalisme particulier.
62 V. DENIS (G.), l'enquête
préliminaire, étude théorique et pratique,
édition Police-Revue, 1974, p. 260.
63 Aux termes des dispositions de l'article 47 du
CBPP, il faut entendre par infraction flagrante, le crime ou le délit
qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a crime ou
délit flagrant lorsque, dans un temps voisin de l'action, la personne
soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est
trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices
laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit.
64 L'assassin a pu dissimuler chez lui un
vêtement taché de sang ; le voleur a peut-être
dissimulé chez un tiers les objets dérobés.
65 Articles 50 et suivants.
19
S'agissant des premières, aux termes des dispositions
de l'article 50 du code béninois de procédure pénale,
l'enquêteur ne peut perquisitionner et saisir que dans le domicile des
personnes qui paraissent avoir participé à l'infraction ou qui
paraissent détenir des objets ou pièces relatives aux faits
délictueux.66 Ce faisant, les opérations ne peuvent se
dérouler qu'entre six (06) heures et vingt-et-une (21)
heures67 sauf à achever après vingt-et-une (21) heures
une opération commencée avant l'heure légale. Cette
prohibition motivée par la paix des domiciles privés, disparait,
cependant, s'il y a eu réclamation faite de l'intérieur de la
maison68, ou en cas de constatation d'infractions commises à
l'intérieur de tout hôtel, pension, débit de boisson, club,
cercle, dancing, lieu de spectacle et leurs annexes et en tout autre lieu
ouvert au public ou utilisé par le public, lorsqu'il est établi
que des personnes se livrant à la prostitution, au
proxénétisme, à l'usage, au trafic illicite, à la
fabrication, au transport et à l'entreposage de drogue, de substances ou
plantes vénéneuses, y sont reçues
habituellement69.
Pour ce qui est du formalisme, en dépit de la
coercition autorisée, on retrouve des mesures destinées à
protéger les droits individuels et l'intimité des personnes
visées. Ainsi, l'article 51 du code béninois de procédure
pénale impose, lors des opérations de perquisition et de saisie,
la présence de la personne chez qui l'on agit, ou de son
représentant, ou deux témoins désignés par
l'officier de police judiciaire en dehors des personnes relevant de son
autorité administrative. Cette présence était la rectitude
des recherches et se prouve par la signature apposée par les
intéressés sur le procès-verbal de
l'opération70.
66 Crim., 27 janv. 1987, B., 41, D., 1988. 179, note
Darolle.
67 Article 53 du code béninois de
procédure pénale.
68 Ibidem
69 Article 53 alinéa 2 du CBPP.
L'alinéa 3 du même article dispose « il en est de
même en matière d'enquêtes et de recherche d'informations
relatives aux infractions à caractère économique et
financier, au terrorisme, au trafic de drogue, à l'enrichissement
illicite et à la pédophilie ».
70MERLE (R.)& VITU (A.), op. cit. p. 383.
20
En dehors même de ces exigences nécessaires
à l'évitement du consentement du délinquant dans
l'enquête de flagrance, d'autres peuvent spécifiquement être
mises en oeuvre lorsqu'il est noté la mauvaise foi du suspect, et ce
dans le cadre de l'enquête préliminaire.
2- La limitation du consentement par la mauvaise foi du
délinquant
En cas d'enquête préliminaire, les perquisitions
et visites domiciliaires ne peuvent être effectuées qu'avec
l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a
lieu71. Cette disposition tendant à assurer la protection de
la vie privée pourrait permettre au délinquant de mauvaise foi de
dissimuler dans son domicile des preuves indispensables à la
manifestation de la vérité judiciaire.
Dans de pareilles circonstances, le procureur de la
République informé peut saisir le juge d'instruction lequel peut
user de la force pour s'insérer au domicile du suspect ou donner aux
enquêteurs une commission rogatoire à cette fin72. Ce
mécanisme susceptible de critiques, vient renforcer la thèse
presque connue de tous, selon laquelle, le fait pour un suspect de ne pas
donner son consentement à certaines investigations en vue de la
recherche de preuve le place dans une situation proche de l'aveu par sa
mauvaise volonté73.
Autant que les investigations matérielles, les
investigations corporelles nécessitent pour leur mise en oeuvre le
consentement bien qu'ironique de la personne à l'encontre de laquelle
celles-ci se veulent exécutables.
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