Le consentement du délinquant en droit béninois de la procédure pénalepar Moyaro Abass Wassy OLAGBADA Université d'Abomey-Calavi - Master en Droit Privé Fondamental 2018 |
Première Partie : la quasi-absence du consentement du délinquant en droit béninois de la procédure pénale13 L'absence s'analyse comme le fait de ne pas être dans un lieu où l'on pourrait, où l'on devrait être38. Dans ce sens, elle s'entend, dans un angle plus aigu, de la situation légale d'une personne qui a cessé de paraitre au lieu de son domicile ou de sa résidence, et dont le manque de nouvelles rend l'existence incertaine39. Ce faisant, l'absence de manière courante, traduit une inexistence, un défaut, un manque et mieux une carence. C'est donc pris dans ce sens que la quasi absence déclinée dans le présent, pourrait s'entendre d'une situation presqu'inexistante. La quasi absence du consentement pénal du délinquant résulte de l'ignorance presque absolue de la volonté de l'infracteur dans le déroulement de la procédure pénale béninoise. Il est demeuré que le législateur béninois s'étant inspiré du modèle procédural de la métropole d'entre temps40, a tôt fait de consacrer des règles procédurales de coercition parfois strictes, en l'occurrence à la phase décisoire du procès pénal (Chapitre II). Cependant, le consentement du délinquant n'est quelquefois pas moins requis pour les besoins de l'information judiciaire, autrement dit, à la phase préparatoire du procès pénal (Chapitre I). 38 REY -DEBOVE (J.) & REY (A.) (Dir), Le Petit Robert, Nouvelle édition millésime 2009, p. 10. 39 Article 18 du Code Béninois des Personnes et de la Famille issu de la loi n°2002-07 du 14 juin 2004. 40 En effet, selon une étude menée par le Professeur AMBROISE-CASTEROT, sur le consentement en droit français de la procédure pénale, « le consentement dispose aujourd'hui d'une place prépondérante dans le procès pénal répressif » ; V. AMBROISE-CASTEROT (C.), « le consentement en procédure pénale », in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire: Mélanges offerts à Jean PRADEL, Paris: éd. Cujas, 2006, pp. 29 - 42 ; PIN (X), Le consentement en matière pénale, LGDJ, Bibliothèque des sciences criminelles, tome 36, 2002 ; EKEU (J-P), Consensualisme et poursuite en droit pénal comparé, (préface de Jean PRADEL), Travaux de l'institut de sciences criminelles de Poitiers, Cujas 1993. 14 CHAPITRE I : La relativité de la quasi-absence du consentement du délinquant à la phase préparatoire du procès pénalEntre la découverte de l'infraction et son jugement, s'écoule un temps plus ou moins long pendant lequel l'affaire doit être mise en état d'être jugée41. Il s'agit de la phase préparatoire du procès pénal qui s'avérant décisive, regroupe les phases d'enquête, de poursuite et d'instruction. Cette phase, en amont du procès pénal, est, par définition, complexe et attentatoire aux droits et libertés fondamentaux de l'individu42. Toutefois, en dépit de son caractère déshumanisant, la phase préparatoire du procès pénal est, tel qu'organisée en République du Bénin, respectueuse du consentement du délinquant. En effet, émaillée d'actes et d'institutions diverses, la phase préparatoire du procès pénal accorde une place de choix au consentement de l'agent pénal tant à l'étape de l'enquête (Section 1) qu'à l'étape de la poursuite (Section 2). Section 1 : La présence du consentement du délinquant à la phase de l'enquêteL'enquête pénale, phase primordiale de la procédure est une attribution classiquement reconnue au juge d'instruction aux fins de manifestation de la vérité. Toutefois, cette attribution est parfois dévolue à la police judicaire, qui, sur instruction du procureur de la République ou d'office peut, après constatation d'une infraction, rechercher tous les renseignements utiles à la manifestation de la vérité43. Ce faisant, la police judiciaire pour les besoins de procédure peut dans l'un ou l'autre des cas, entreprendre des investigations pour faire surgir les preuves qui 41 DELMAS-MARTY (M.), `'La phase préparatoire du procès : Pourquoi et comment reformer ?», Travaux de l'Académie des sciences Morales et Politique, Séance du Lundi 25 mai 2009, www.asmp.fr. 42 SHENIQUE (L.), « La réforme de la phase préparatoire du procès pénal », Thèse de doctorat soutenue le 20 septembre 2013 à Nice dans le cadre de École doctorale Droit et sciences politiques, économiques et de gestion (Nice) , en partenariat avec le centre d'études et de recherches en droit privé (Nice). 43 Article 14 du CBPP : « La police judiciaire est chargée sous la direction effective du procureur de la République et selon les distinctions établies au présent titre, de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte. Lorsqu'une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d'instruction et défère à leurs réquisitions. » 15 ne sont pas encore apparentes, en l'occurrence les papiers, documents et autres objets susceptibles d'avoir un rapport avec l'infraction et d'apporter une certaine lumière sur les circonstances de celle-ci.44 Pour ce faire, et afin d'être en conformité avec certains droits considérés comme fondamentaux dans un Etat de droit, les enquêteurs doivent requérir l'accord de la personne suspectée d'avoir commis une infraction, non seulement dans le cas d'investigations matérielles (Paragraphe 1) mais aussi dans le cas d'investigations corporelles (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : l'intégrité du consentement aux investigations matériellesLors de l'enquête policière, les mesures d'investigations matérielles constituées des actes de perquisition et de visite domiciliaire45 requièrent pour être pratiquées, le consentement de la personne soupçonnée46(A). Toutefois, ledit consentement préalablement exigé peut, eu égard à certaines circonstances, être suspendu dans la pratique des actes d'investigations matérielles (B). A) L'exigence du consentement aux perquisitions et visites domiciliaires Le consentement au vue des nouvelles tendances législatives semble érigé en principe directeur de l'enquête préliminaire47 puisque celle-ci repose sur de simples soupçons48. Ainsi, aucun acte d'enquête préliminaire ne peut être exécuté avec coercition à l'encontre d'une personne sans que celle-ci ne l'ait préalablement accepté. Cette exigence consacre une solution que la Cour de 44 BOULOC (B.), Procédure pénale, Dalloz, 20ème éd. 2006, p. 383. 45 Bien qu'elles soient soumises au même régime juridique, il n'y a pas lieu de confondre la perquisition à la visite domiciliaire en ce qu'elles n'ont pas le même but. En effet, la perquisition tend à la saisie d'objets alors que la visite domiciliaire tend seulement à procéder à des constatations sur les lieux (ex. hauteur de la fenêtre par laquelle un individu prétend s'être échappé, éclairage d'un local) ; V. PRADEL (J.), Procédure pénale, CUJAS, 16ème éd. p. 362. 46 Crim., 30 mai 1980, B., 165 ; 4 janv. 1982, B., 2 ; 24 juin 1987, B., 267. 47 L'enquête préliminaire se définit comme une procédure à caractère policier, diligentée d'office ou sur instruction du parquet par un officier de police judiciaire ou un agent de police judiciaire qualifié. V, MERLE (R.) & VITU (A.), Traité de droit criminel, Procédure pénale, édition CUJAS, 5ème éd. p. 352. 48 Contrairement à l'enquête de flagrance qui démarre par la commission d'une infraction. 16 cassation française avait autrefois dégagée49 dans le souci de marquer la différence avec les perquisitions ou saisies accomplies en cas d'infractions flagrantes ou dans le cours d'une instruction. Ce faisant, s'inscrivant dans la logique de l'intégrité du consentement, celui-ci se doit d'être exempt de vices (1), et susceptible de contrôle par l'autorité judiciaire compétente (2). 1- Le consentement exempt de vicesAucun acte coercitif ne peut être exécuté à l'encontre d'une personne sans que celle-ci n'ait accepté, expressément ou implicitement, par un consentement qui, en toute hypothèse se doit d'être exempt de vices50. C'est-à-dire, l'autorité doit s'assurer que ce consentement n'a pas été surpris ; une jurisprudence rejetant toute idée de présomption de consentement de la part de la personne contrainte51. Ce qui fait donc peser sur le policier ou le gendarme, une obligation d'information complète du particulier sur son droit de refuser les mesures qu'il entend mettre en oeuvre à son encontre. Tel est, en effet, le sens de la formule habituellement employée pour les perquisitions « les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez qui l'opération a lieu»52. Mieux, ce consentement doit être exprès, c'est-à-dire selon le législateur, faire l'objet d'une mention au procès-verbal53. Pour d'autres, le caractère exprès requis du consentement, doit s'entendre en dépit de sa mention au procès-verbal, d'une déclaration écrite de la main même de l'intéressé dans le procès-verbal et signé de lui54. Par ailleurs, la cour de cassation française a également jugé valable l'emploi d'un formulaire imprimé, complété par la mention 49 Crim., 12 mai 1923, D.P. 1924.1.174 ; 2 janv. 1936, D.P. 1936.1.46, note Leloir. 50 GUINCHARD (S.) & BUISSON (J.), Procédure pénale, LexisNexis, Litec, 6ème édition, 2010, p. 664. 51 Crim., 12 mai 1923, D.P. 1924.1.174. 52 Article 77 CBPP. 53 Ibidem 54 Article 76 alinéa 2 du CPPF. 17 manuscrite « lu et approuvé » suivie de la signature de l'intéressé55 56. C'est donc, à juste titre que le conseiller Blondet en essayant de justifier la terminologie du législateur affirme notamment que « l'on donne son assentiment à une chose faite, établie, existant déjà indépendamment de notre voix que nous ajoutons.»57 Ce qui participerait davantage à la promotion de la liberté de l'adhésion donnée.58 Ce faisant, le consentement en dépit de son apparence régulier se doit de faire l'objet de contrôle judiciaire diligenté par l'autorité compétente. |
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