SIGLES & ABREVIATIONS
Al. : Alinéa
Arch. Pol. Crim : Archives de politique
criminelle
Art: article
Av. J.-C. : Avant la naissance de
Jésus-Christ
Bull. Crim : Bulletin des arrêts de la
chambre criminelle de la cour de cassation
française
CPP : Code de Procédure Pénale
en vigueur en République du Bénin
CEDH : Cour Européenne des Droits de
l'Homme
Chron. : Chronique
Coll. : Collection
Com. : Chambre commerciale de la cour de
cassation française
CPF : Code Pénal Français
Crim. : Chambre criminelle de la cour de
cassation française
CRPC : Comparution sur Reconnaissance
Préalable de Culpabilité
CPPF : Code de Procédure Pénale
Français
DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies
Ed. : Edition
FADESP : Faculté de Droit et de
Science Politique
Gaz. Pal : La Gazette du Palais
Ibidem : Au même endroit
vi
JCP : Juris-Classeur Périodique
JORB : Journal Officiel de la
République du Bénin
JORF : Journal Officiel de la
République Française
L.G.D.J : Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence
N°: Numéro
OIT : Organisation Internationale du
Travail
Op. cit : Opere citato
P.: Page
PP : Pages
PUF : Presse Universitaire de France
RSC : Revue de Science Criminelle
S. : Suivant
TIG : Travail d'Intérêt
Général
U.N.B : Université Nationale du
Bénin
U.P : Université de Parakou
V. : Voir
1
« La volonté ne consent au mal que par crainte de
tomber dans un mal plus grand »
DANTE ALIGHIERI
Introduction
« Mauvais arrangement mieux vaut que bon
procès »1. Ce proverbe populaire, relevé par
Balzac semble traduire l'idéal de justice que devrait rechercher toute
organisation humaine. Cet idéal dont l'atteinte pourrait paraitre peu
difficile tend à consacrer l'abandon progressif d'un modèle de
justice transcendantale pour une justice dite consensuelle fondée sur
l'émergence du pouvoir des parties privées, en l'occurrence le
délinquant dont le consentement pourrait désormais influencer la
nature de la réponse pénale subséquente à sa faute.
En effet, sans pour autant compromettre les droits et garanties des parties, le
système de procédure pénale contemporain des Etats
développés est fort ampliateur du consentement du
délinquant et ce, dans une perspective de remède aux maux qui
jalonnent et inhibent l'efficacité du système classique de la
procédure pénale. Mais au demeurant, que peut-on entendre par
consentement du délinquant ? En réalité, la notion n'est
pas aussi récente que l'on pourrait le prétendre. Elle est
consubstantielle à l'idée de contractualisation de la
procédure2 et partant du droit.
Et pourtant, le terme consentement n'est pas une notion
difficile d'accès. Pour le profane, c'est le fait de se prononcer en
faveur de l'accomplissement d'un projet ou d'un acte. Selon le vocabulaire
Capitant du doyen CORNU, le concept
1 BALZAC de (H.), Les illusions perdues,
Paris, Ed. Garnier-Frères, 1963, p. 1054.
2 CADIET (L.), « Dernière
évolution de la contractualisation de la justice et du procès :
les protocoles de procédures », Revue Béninoise des Sciences
Juridiques et Administratives spécial, Année 2014, Leçons
béninoises de théorie générale du procès, p.
106.
2
consentement vient du latin « consentire »
; c'est-à-dire, être d'accord. Ainsi, le consentement serait un
accord de volonté3 en vue de créer des effets de
droit4. Toutefois, cette définition du consentement plus ou
moins générale a été reprise et parfaite par les
tenanciers de la thèse civiliste du consentement. Ainsi, ceux-ci le
définissent comme étant la manifestation de volonté de
chacune des parties et mieux, l'acquiescement qu'elle donne aux conditions du
contrat projeté5. Cependant, pris dans le contexte de la
présente étude, il faut établir les démarcations
essentielles entre le consentement pénal et celui civil, et mieux le
consentement du délinquant de celui de la victime.
Le consentement en matière pénale ne s'identifie
pas au consentement en matière civile. En effet, sans être
défini par la loi, encore moins par la doctrine, le consentement en
matière pénale sans autres considérations
particulières pourrait au prime abord s'entendre de la volonté
individuelle des parties privées dans la commission ou dans la poursuite
d'une infraction à la loi. Cette définition, en
réalité laconique pourrait varier selon le domaine pénal
considéré. Ainsi, s'agissant du droit pénal
général, discipline régissant la constitution de
l'infraction, le champ d'étude du consentement pénal implique de
manière générale l'analyse de l'élément
moral de l'infraction6, et plus spécifiquement le
degré de participation des auteurs en cas de
pluralité7. Il pourrait donc être défini en ce
sens comme la ferme volonté du délinquant dans la commission de
l'infraction.
3 CARBONNIER (J.), Droit civil, les biens,
les obligations, Quadrige, puf, 1ere édition, 2004, p. 1973.
4 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri
Capitant, 8ème Ed. PUF, Paris, 2009, p. 217.
5 TERRE (F.), SIMLER (P.) & LEQUETTE (Y.), Droit
civil, Les obligations, Dalloz, 7ème édition, 1999,
p.96.
6 PIN (X.), Le consentement en matière
pénale, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, Faculté de
droit, Université de Grenoble, Ed. L.G.D.J. 1999, n° 3. L'auteur
propose une analyse précise du consentement du délinquant (V.
Titre II). A cet effet, La doctrine s'accorde à considérer
l'intention comme « la volonté de l'agent de commettre le
délit tel qu'il est déterminé par la loi ; c'est la
conscience chez le coupable d'enfreindre les prescriptions légales
».
7 Dans ce sens, le consentement du
délinquant serait attaché aux modes de participation à
l'infraction. Présentant ainsi la complicité, la coaction et
l'association de malfaiteurs, certains auteurs soulèvent l'idée
de la prise en compte par le droit pénal de la notion «
d'infraction consensuelle.» V. PIN (X), op. cit. (et
particulièrement Titre II, pp. 235 et s.).
3
Toutefois, appliqué à la procédure
pénale, le consentement pourrait s'entendre de l'acquiescement,
l'assentiment et donc l'accord de volonté entre les parties
privées au procès pénal et ceux publics, chargées
de la poursuite et mieux du jugement. Cette définition met en relief une
entente décelée entre justiciables et acteurs de la justice
pénale dans le cadre de la répression d'une infraction.
Le consentement en matière pénale s'isole donc
de celui en vigueur en droit civil d'une part en raison des parties en cause et
d'autre part en considération de l'objet du consentement. Relativement
à la première, le consentement pénal va au-delà des
parties privées, c'est-à-dire l'auteur des faits et la victime,
en impliquant également les organes de poursuite8 et ceux de
jugement des infractions pénales. Quant à son objet, le
consentement pénal porte sur la constitution de l'infraction ou mieux
sur les modalités de sa répression. Ce qui en effet, parait
hostile à toute volonté individuelle car relevant de
règles d'ordre public sur lesquelles la volonté
particulière ne devrait avoir la moindre
conséquence9.
Le délinquant quant à lui s'entend, non de
l'auteur d'un délit comme pourrait le véhiculer le concept pris
au sens restreint, mais plutôt de toute personne présumée
auteur d'une infraction10, qu'il s'agisse d'un crime, d'un
délit ou d'une contravention. Mieux, le délinquant outre
l'indifférence de la gravité de son acte, sera
appréhendé tout le long de la procédure pénale.
Ainsi, il s'agira d'analyser
8 Il s'agit en effet du ministère public et
de certaines administrations légalement investies du pouvoir de mettre
en mouvement l'action publique, à l'exemple de l'administration des eaux
et forêts et de la douane en République du Bénin.
9 SALVAGE (P.), « Le consentement en droit
pénal », RSC, 1991, p. 699.
10 L'infraction peut être définie
comme un comportement actif ou passif (action ou omission) prohibé par
la loi et passible selon sa gravité d'une peine principale, soit
criminelle, soit correctionnelle, soit de police, éventuellement
assortie de peines complémentaires ou accessoires ou de mesures de
sureté. V. CORNU (G.), op. cit. p. 490.
4
le consentement du suspect11, de
l'inculpé12, du prévenu13 voire du
condamné dans le cadre de l'exécution de sa peine. Ce qui exclut
du champ de la présente, la situation de la victime14, qui
pendant longtemps a semblé susciter l'admiration de la
doctrine15 au détriment du délinquant laissé
pour compte.
S'agissant de la procédure pénale, elle
est l'étude du procès pénal16 ; le
procès pénal étant lui-même défini comme une
suite plus ou moins longue d'actes divers accomplis par des autorités
publiques et visant à tirer d'une infraction toutes les
conséquences qu'elle comporte17. A cet effet, la
procédure pénale retrace le cheminement à suivre pour la
répression d'une infraction. Autrement dit, elle précise les
modalités selon lesquelles s'exercera la réaction sociale en cas
de violation alléguée de la loi pénale18. Ce
faisant, elle est constituée de l'ensemble des règles
d'organisation judiciaire et de conduite d'une instance, aboutissant à
partir de l'élaboration d'un dossier de procédure, à un
jugement définitif dont il faut apprécier l'autorité et
les effets. C'est alors qu'il sied de la distinguer du droit pénal
général, qui à l'instar du droit pénal
spécial, est un
11 Le suspect est une personne au sujet de laquelle
le Procureur a des motifs raisonnables de croire qu'elle aurait commis une
infraction relevant de la compétence du Tribunal. V. DEFFERARD (F.), Le
suspect dans le procès pénal, L.G.D.J, 2005, pp. 13-18.
12 L'inculpé est une personne mise en examen
qui fait l'objet d'une procédure devant la juridiction d'instruction.
13 Le prévenu s'entend de la qualité
d'une personne citée devant une juridiction correctionnelle pour
répondre d'une infraction.
14En droit, la victime est une personne
lésée. Plus exactement, dans le vocabulaire juridique
courant, la victime est celui ou celle qui subit personnellement un
préjudice par opposition à celui ou celle qui le cause. V.
PIN (X.), les victimes d'infractions, définitions et enjeux,
www.cairn.info.
15 V. notamment : SUBRA (P.), De l'influence du
consentement de la victime sur l'existence d'un délit et la
responsabilité de l'auteur, Thèse, Doctorat d'Etat en droit,
Fac. de droit, Toulouse, 1906 ; FAHMY ABDOU (A.), Le consentement de la
victime, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, Paris, L.G.D.J, 1971 ;
FLEURY (R.), Du consentement de la victime dans les infractions,
Thèse, Doctorat d'Etat en droit, Lille, 1911 ; AZIZ BADR (M. A.),
L'influence du consentement de la victime sur la responsabilité
pénale, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, L.G.D.J, 1928 ;
KABBAJ (N.), Le consentement de la victime, Thèse, Doctorat
d'Etat en droit, Montpellier 1, 1981 ; SALVAGE (P.), « Le consentement en
droit pénal », Rev. Sc. crim. 1991, p. 699. Cités
par EXPOSITO (W.), La justice pénale et les interférences
consensuelles, Thèse présentée et soutenue
publiquement devant la Faculté de Droit pour l'obtention du grade de
Docteur en droit, le 9 décembre 2005, Université Jean Moulin-Lyon
III, p. 30.
16 PRADEL (J.), Procédure
pénale, Ed. CUJAS, 14 éd. 2008/2009, p.11.
17 PRADEL (J.), Procédure
pénale, Ed. CUJAS, Paris 2006, p. 19.
18 DESPORTES (F.) & LAZERGES-COUSQUER (L.),
Traité de procédure pénale, Ed. Economica, 2009, p. 1.
5
ensemble de règles de fond mis en application par la
procédure pénale, elle composée de règles de
forme19.
Suivant ces distinctions, le consentement du délinquant
en procédure pénale peut alors être saisi comme
l'expression de l'accord du délinquant dans la mise en oeuvre de
certaines mesures du procès pénal20. Pour certains
auteurs, le consentement du délinquant revêt deux
formes21. Il s'agit d'une part, d'un «
consentement-renonciation » par lequel, le délinquant
renonce à la protection que le législateur avait instauré
contre une éventuelle atteinte à ses droits et libertés
fondamentaux dans la mise en oeuvre de la procédure pénale et
d'autre part, d'un « consentement-participation » par
lequel, le législateur fait participer le délinquant à la
réponse pénale qui lui est appliquée.
Au terme de ces clarifications, on tentera dans la
présente étude, de relier le concept de « consentement
du délinquant » aux règles béninoises de
procédure pénale aux fins d'y jauger le rapport de
compatibilité.
Ce concept, bien qu'insuffisamment révélé
en droit béninois de la procédure pénale, n'en est pas
moins familier aux législations étrangères,
françaises en l'occurrence car servant d'inspiration au droit
béninois.
Au plan historique, trois périodes résument
l'étude du sujet de recherche. Il s'agit de l'époque
antique22, celle du moyen-âge23 et ensuite celle
marquée par
la révolution française de 1789.
19 PRADEL (J.), op. cit. pp. 11-12.
20 PIN (X.), op. cit. n°98.
21 ANTOINE (V.), Le consentement en
procédure pénale, Thèse, Université de
MONTPELLIER 1, 25 novembre 2011, p. 90.
22 L'antiquité est une période de
l'histoire. Elle désigne la période des civilisations de
l'écriture autour de la mer Méditerranée, après la
Préhistoire et avant le Moyen Age. La majorité des historiens
estiment que l'antiquité y commence au IVème millénaire
av. J.-C. (3500 av. J.-C., 3000 av. J.-C.) avec l'invention de
l'écriture en Mésopotamie et en Egypte, et voit sa fin durant les
grandes invasions eurasiennes autour du Vème siècle (300 à
600).
23 Le Moyen-âge est une période de
l'histoire de l'Europe, s'étendant du Vème au XVème, qui
débuta avec le déclin de l'empire romain d'Occident et se termina
par la Renaissance et les grandes découvertes.
6
Dès l'antiquité, aux IIIème et
IIème millénaires avant notre ère, on trouve trace dans
différentes législations de Mésopotamie24 d'un
régime pénal reposant sur le principe de la composition
pécuniaire. Ainsi, les Codes sumérien d'Ur-Nammu
et d'Esnunna prévoyaient-ils que le coupable était
tenu envers la victime ou ses ayants droits d'une indemnité dont le
montant, fixé par le législateur, variait selon la gravité
de l'infraction et la qualité de la victime25. Le paiement
honoré conduisait à une juste compensation, éteignant le
litige.
Mieux, des manifestations de consentement sont
également répertoriées à l'époque de la
Grèce antique dans le récit du procès de Socrate où
l'on voit que l'accusé est amené à proposer une peine :
« Lorsque le vote en faveur de la culpabilité fut acquis
à une faible majorité, l'accusateur demanda contre lui la peine
de mort. L'accusé fut alors invité à formuler une
contre-proposition. Les amis de Socrate le pressaient de demander contre
lui-même une peine pécuniaire. Après des
difficultés, il consentit à demander une condamnation de trente
mines d'argent, mais au terme d'un discours noble et hautain qui
exaspéra les juges. Aussi, la peine capitale fut prononcée par
une majorité considérablement accrue »26.
A l'évolution du cours de l'histoire, des
préceptes de consentement conciliés à la justice
pénale n'ont pas moins été remarqués au
moyen-âge. En effet, déjà à l'époque
franque27, âge du déclin de l'Etat par excellence, la
loi salique reconnaissait les compositions pécuniaires. A la
période Mérovingienne28 il était
24 La Mésopotamie est une région
historique du Moyen-Orient située dans le Croissant fertile, entre le
Tigre et l'Euphrate. Elle correspond pour sa plus grande part à l'Irak
actuel.
25 La période sumérienne
s'étendrait de la fin du IIIème millénaire au début
du IIème millénaire. Ur-Nammu fut le roi de summer et d'Akkad de
2124 à 2107 avant notre ère. Le Code sumérien a
été découvert en partie non loin du centre de l'empire
d'Ur, au Nord du Tigre, non loin de l'actuelle Bagdad.
26 LAINGUI (A.), Histoire du droit
pénal, Paris, Ed. Cujas, 1993, p. 18.
27 L'époque franque s'étend de la chute
de l'Empire d'Occident (an 476 après J.-C.) jusqu'l'établissement
en France du régime féodal au Xème siècle.
28 Les Mérovingiens sont la dynastie qui
régna sur une très grande partie de la France et de la Belgique
actuelles, ainsi que sur une partie de l'Allemagne, de la Suisse et des
Pays-Bas, du Vème jusqu'au milieu du VIIIème siècle.
L'histoire des Mérovingiens est marquée par l'émergence
d'une forte culture chrétienne parmi l'aristocratie, l'implantation
progressiste de l'église dans leur territoire et une certaine reprise
économique survenant après l'effondrement de l'empire romain.
7
possible de renoncer à la faida (vengeance
privée) et de préférer l'indemnisation. Ainsi, en cas
d'homicide, la compensation, appelée Wergeld, représentait alors
le prix de l'homme. La médiation apparaît à cette
période comme un véritable lieu de résolution amiable des
litiges, s'établissant comme une troisième voie à
côté de la vengeance et du tribunal de droit commun.
Quant à la période carolingienne29,
elle n'a pas occulté la résolution consensuelle, malgré
une organisation plus précise du système judiciaire. Il suffit
pour s'en convaincre de relire le capitulaire de 802 : Et nous
défendons formellement que les parents du tué se livrent à
quelques violences que ce soit, ajoutant ainsi un autre mal à celui qui
a déjà été commis, et qu'ils refusent de faire la
paix, mais (nous voulons) au contraire qu'ils fassent la paix en acceptant la
composition convenable et que le coupable paie la composition sans
retard30.
Enfin, la justice moderne, issue de la révolution
française de 1789, va rompre avec les fondements de l'ancien
régime par une grande loi d'organisation judiciaire adoptée les
16-24 Août 1790. En effet, celle-ci s'appuie sur une distinction
précise entre la justice civile et pénale, et sur une
spécialisation des organes, ce qui n'est pas sans conséquences
pour les pratiques consensuelles qui s'avèrent désormais
restreintes au domaine du droit civil. Ainsi, ce système qui consacre
l'emprise du ministère public sur la procédure pénale
prévoit toutefois quelques fenêtres de consensus en la
matière. En effet, nonobstant le monopole du ministère public
dans la mise en oeuvre des poursuites, certaines administrations disposent de
la faculté de transiger avec le délinquant dans des domaines
techniques dont elles ont la charge. A cet effet, l'article 23 du décret
du 5 germinal an XII, renouvelé avec quelques modifications, par les
ordonnances du 2 janvier 1817 et celle du 3 janvier 1821, autorise
l'administration des contributions indirectes à transiger sur les
amendes et les
29 Les carolingiens forment une dynastie de rois
francs qui régnèrent sur l'Europe occidentale de 751 jusqu'au
Xème siècle.
30 CARBASSE (J.-M.), Introduction historique au
droit pénal, Paris, Ed. P.U.F, Coll. Droit fondamental, 1990, p.
69.
8
confiscations résultant des contraventions
constatées par ses employés. Mieux, en ce qui concerne
l'octroi31, l'article 83 de l'ordonnance du 9 décembre
1814
permettait au maire de transiger. Ainsi, était-il le
seul à être autorisé, sauf approbation du préfet,
à ne pas intenter de poursuites, ou à faire une remise partielle
ou totale des condamnations prononcées.
Cette néo-conception de la répression du
délinquant basée sur son consentement n'est pas construite en
marge des nouvelles tendances politiques. En effet, l'étude du
consentement en procédure pénale met en exergue la tendance de la
politique criminelle actuelle qui semble s'orienter ostensiblement vers un
modèle participatif rejetant l'idéologie traditionnelle
d'exclusion et de rejet32. Ainsi, la politique criminelle à
orientation participative favorise la réinsertion, la prévention
et la promotion des mesures de substitution. Celle-ci requiert de ce fait la
présence du consentement aussi bien au stade des poursuites que de la
sanction et ce suivant l'idée d'associer le prévenu ou le
condamné à la réponse pénale. Ce qui semble
d'ailleurs correspondre aux idéologies de l'école de
pensée dite néo-classique33 et celles de la
Défense sociale nouvelle34, qui prônent la
défense des libertés.
Mieux, cette intrusion grandissante du consentement en
procédure pénale est davantage justifiée par d'autres
écoles de pensée partagées entre l'approbation et
l'improbation de la mesure.
En effet, une première école d'inspiration
libérale et individualiste propose un modèle appelé «
contractualiste » ou encore libertarium qui a pour but
de se
31 L'octroi était une contribution indirecte
que les communes étaient autorisées à établir sur
des objets et marchandises destinés à la consommation locale et
qui était perçue à l'entrée de la commune. V. CORNU
(G.), Vocabulaire juridique, op. cit. V°
Octroi.
32 ROJARE (S.), "Une politique criminelle
participative: l'exemple de la participation des associations à la
variante de médiation", APC, 2004, Pédone, n°11, p. 105
et s.
33 Selon cette école de pensée, la
sanction détient une fonction utilitaire. Cette idéologie est
résumée dans le Traité des délits et des peines
de Beccaria et dans la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen.
34 Ce mouvement est défendu notamment par
Marc ANCEL à travers son ouvrage "La défense sociale
nouvelle".
9
libérer des contraintes du droit afin de laisser aux
seules parties la maîtrise du règlement de la
difficulté.
Quant à la deuxième école, dite de
pensée « communautarien », elle recherche au sein de
la communauté les ressources nécessaires pour régler les
litiges entre ses membres. L'accord ainsi conclu permet d'éviter les
circuits traditionnels de sorte à rendre plus efficace la justice
pénale dont la lenteur n'est pas exempte de critiques.
Toutefois, une troisième école d'opinion
divergente semble méconnaitre les mérites de l'immixtion du
consentement dans les règles procédurales et ce, en
dénonçant la protection accrue des intérêts
individuels et collectifs au détriment de l'intérêt
général ainsi qu'un recul du rôle répressif de
l'Etat35.
A l'examen des lois béninoises de procédure
pénale, on s'aperçoit que le consentement du délinquant,
s'avère presqu'inexistant, en dépit des tendances actuelles. En
effet, eu égard aux différentes évolutions
législatives françaises, source d'inspiration des normes
béninoises, il n'y a lieu d'affirmer une quelconque présence
d'une justice pénale consensuelle, pourtant nécessaire et
efficace à la lutte contre la criminalité tant classique que
moderne. L'on pourra ainsi affirmer sans risque de se tromper que la
procédure pénale béninoise est en marge de
l'émergence des pouvoirs des particuliers, en l'occurrence du
délinquant dans le déroulement du procès. On pourrait donc
se demander si l'agent pénal peut influencer la réponse
pénale en phase d'être appliquée à son comportement.
Précisément : Quel est l'état de la volonté du
délinquant dans la mise en oeuvre des règles de procédure
pénale en République du Bénin ?
L'étude de ce sujet de recherche présente bien
d'intérêts en théorie comme en pratique. Au plan
théorique, elle permettrait d'évaluer le taux de souplesse et
35 PIN (X.), « La privatisation du
procès pénal », RSC, 2002, chron. p 245 et s. « Cette
privatisation conduirait à un brouillage des finalités du
procès pénal et au recul du caractère impératif de
ses règles (...). Ce mouvement a entraîné une
transformation de la nature du procès pénal, marquée par
l'affaiblissement du rôle autoritaire et répressif de l'Etat (...)
».
10
d'humanisation des normes béninoises de
procédure pénale. On parviendrait de ce fait à pointer du
doigt le déclin des règles classiques de procédure qui, au
fil des ans se sont révélées dépassées et
incompatibles aux réalités contemporaines, auxquelles semblent le
mieux répondre les normes consensuelles de justice pénale tel que
l'a soutenu Courtalon lorsqu'il affirma que « l'exercice contractuel
de la justice pénale permettrait une justice moins violente, moins
traumatisante »36. Au plan pratique, la période
semble propice d'autant plus que les normes de procédure pénale
du Bénin faisaient l'objet de vives critiques. La recherche permettra,
de ce fait, d'aider les acteurs de la justice pénale dans le processus
de décongestion des centres pénitentiaires, pleins du fait de
l'absolutisme remarquable des normes de procédure pénale. Ce
faisant, elle contribuera certainement à l'élévation du
degré de confiance des justiciables, en pleine procédure de
divorce avec la justice pénale37.
Pour tenter de résoudre la problématique que
porte le sujet, il a été procédé à une
recherche documentaire approfondie. La doctrine et la jurisprudence en la
matière au Bénin sont peu nombreuses. Les réflexions
antérieures et extérieures existent tant de façon
spéciale que générale. Ainsi, la prise en compte du droit
comparé a permis de proposer des pistes de solutions aux craintes
relevées.
Plusieurs démarches sont possibles dans l'analyse de la
problématique. Néanmoins, celle choisie consistera à
d'abord exposer les constations afin de parvenir ensuite aux orientations
prospectives. Cela amènera sans doute à la jauge de la
procédure pénale béninoise dans le sens de la prise en
compte de la volonté des parties privées, en l'occurrence le
délinquant.
36 COURTALON (V.), « La contractualisation :
évolution ou mutation du droit pénal »,
Conférence donnée le 25 novembre 2005, sous la direction
de LAMY (B.).
37 Cela se remarque sans doute par la recrudescence de
la justice privée, en l'occurrence le phénomène de
vindicte populaire.
11
C'est fort de cet objectif, que l'approche choisie qui semble
receler des gages de pertinences serait fondée à apprécier
le seuil du consentement du délinquant le long de la procédure
pénale béninoise, dont les règles demeurent
éparses. A priori, le consentement du délinquant, bien que requis
pour l'accomplissement de certains actes voire la mise en oeuvre de certaines
procédures, s'avère toutefois quasi insignifiant au regard de
l'évolution de la criminalité. Ce qui toutefois, ne manquera
d'appeler à une rénovation des règles de procédure
pénale dont la nécessité semble tout aussi
justifiée que varier.
Il conviendrait donc d'examiner d'une part, la quasi absence
du consentement du délinquant en droit béninois de la
procédure pénale (première partie) et
d'autre part, de la nécessité d'appréhension de ladite
notion par le droit béninois de la procédure pénale
(seconde partie).
12
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