Section 2 : Le traitement quantitatif des litiges
pénaux
Le recours au consentement serait pour le législateur
porteur d'espoirs innombrables parmi lesquels figure la gestion des flux
pénaux. Il s'agit alors de trouver une issue à l'asphyxie de la
justice pénale, et en ce sens, la donnée consensuelle
représente la réponse tant attendue au traitement quantitatif du
contentieux pénal. A ce titre, la justice pénale consensuelle
semble une réponse
219 DESDEVISES (M. Cl.), « Les fondements de la
médiation pénale », in Mélanges en l'honneur de
H. Blaise, Paris, Economica, 1995, p. 184.
67
adéquate au contentieux pénal de masse
(Paragraphe 1), encore qu'elle concourt à la
réduction du taux de criminalité (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La justice pénale consensuelle : une
réponse au contentieux pénal de masse
Le consentement se voit assigner une double mission. La
première consiste à diminuer le taux élevé de
classement sans suite et par répercussion, à renforcer le taux de
réponses pénales. La seconde mission intéresse
l'engorgement des tribunaux, et les procédures consensuelles auraient
alors pour fonction de décharger l'audiencement dans le domaine
correctionnel. Ce faisant, les procédures alternatives, renforcent la
capacité des juridictions à traiter nombres de litiges
pénaux, en l'occurrence, ceux paraissant de moindre importance
(A). Ce qui d'un point de vue pratique en arrive à
l'évitement de certains phénomènes sociaux, jugés
cruciaux, tels la vindicte populaire (B).
A- La prise en compte des infractions de moindres
importances
Dans la majorité des cas, le parquet faisant usage de
son pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites, a
souvent tendance à classer sans suite un nombre important de faits,
générateurs d'insécurité et d'inconfort social.
C'est pour y remédier que le législateur français a
semblé faire la promotion des procédures alternatives de
règlement des conflits d'ordre pénal, en l'occurrence de la
médiation pénale, qui le plus souvent fait recours aux maisons de
justice220. En effet, le traitement des litiges en maison de justice
est généralement présenté comme une réponse
spécifique apportée à la petite
220 Les maisons de justice sont des lieux de justice
créés dans des communes ou quartiers éloignés des
Palais de Justice. Ces structures de proximité sont ouvertes à
tous les habitants et voient intervenir de nombreux justiciers. Ainsi, ces
professionnels répondent-ils de manière plus adaptée
à la petite délinquance quotidienne, aux petits litiges civils et
aux demandes d'informations juridiques. y. à ce propos, MARY (Ph.),
« De la justice de proximité aux maisons de justice »,
Rev. DP et crim. 1998, p. 294 ; BEAUCHARD (J.), « La justice
judiciaire de proximité », Justices, 1995 n° 2, p. 38
; WYVEKENS (A.), « Justice de proximité et proximité de la
justice. Les maisons de justice et du droit », Droit et
Société, n° 33, 1996, pp. 366 et s.
68
délinquance génératrice de sentiment
d'insécurité dans certains quartiers spécifiques, cette
réponse fondée sur la médiation tenterait de restaurer le
lien social dans cette délinquance. Ainsi,
interrogés221 sur les faits délictueux qu'ils
choisissent d'envoyer en maison de justice, les magistrats du
parquet énoncent des critères de sélection qualificatifs
assez convergents :
- des auteurs : « Primaires »
- des infractions « de faibles gravités »,
(violences, dégradations, petits vols dont bon nombres seraient des
affaires de voisinage mais également le contentieux pénal
familial.
Selon Anne Wyvekens222, parmi les dossiers
examinés, 28% concernent des infractions contre les
personnes223, 34% des infractions contre les biens224.
Mieux, pour lutter contre l'engorgement des tribunaux, une
nouvelle procédure consensuelle a été instituée :
il s'agit de la comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité qui se veut compétente pour connaitre de la
majorité du contentieux évoqué devant le tribunal
correctionnel pour les majeurs. Ainsi au titre de cette procédure, la
Chancellerie espère un avantage immédiat en termes de gestion des
flux, car elle devrait désengorger les audiences correctionnelles,
notamment les comparutions immédiates.
Toutefois, la composition pénale se voit aussi assigner
cette fonction225, ceci étant d'autant plus vrai depuis les
modifications apportées à la procédure par la loi du 9
mars 2004. Ainsi, avec l'élargissement du domaine d'application de la
221 Au cours d'une enquête sur l'activité dans un
mois des quatre maisons de justice françaises.
222 Anne Wyvekens, `'Les maisons de justice : sous la
médiation, quelle troisième voie ? » in `'La
médiation pénale : entre répression et
réparation'', sous la direction de Robert Cario, Logique juridique,
l'Harmattan, 1997, p. 65.
223 Il s'agit le plus souvent de violences légères
et moyennes ou voies de fait.
224 Vols à l'étalage, vols à la roulette,
dégradations, vols divers, infractions sur chèque ou abus e
confiance.
225 FAUCHON (P.), Alternatives aux poursuites, renfort de
l'efficacité de la procédure pénale et
délégation aux greffiers des attributions dévolues par la
loi aux greffiers en chef, Rapport n° 486, 1997-98, Sénat.
L'auteur souligne que « la compensation judiciaire (terme initial pour
désigner l'actuelle composition pénale) permettra d'apporter une
réponse à nombre d'infractions qui font aujourd'hui l'objet de
classements sans suite et de soulager l'audience de certaines affaires ni
graves ni complexes ». Précisons également que la
médiation pénale visait à l'origine cet objectif mais la
réalité de son application nous permet de nuancer son impact sur
le désengorgement des tribunaux.
69
composition pénale, le législateur affiche son
intention de fournir au parquet la possibilité de préférer
cette voie à la voie correctionnelle traditionnelle.
Enfin, il nous faut évoquer la situation de la
procédure d'ordonnance pénale à cet égard. Le
domaine d'application de cette procédure aux délits routiers va
inévitablement contribuer à désengorger les tribunaux dans
cette matière qui connaît un contentieux
exponentiel226.
Ces procédures, n'ont pas manqué d'impacter
positivement sur le système judiciaire français comme l'a
relevé le rapport du ministère français de la
justice227. En effet, de manière générale,
qu'il s'agisse des alternatives de médiation ou de la composition, ces
procédures se sont rapidement développées. En 1997, sur un
total de 1 160 906 affaires poursuivables, 140 000 dossiers faisaient l'objet
d'une alternative aux poursuites, alors qu'en 2003, elles représentaient
330 196 dossiers sur un total de 1 386 500 affaires poursuivables. En valeur
relative, elles représentaient, en 2003, 23,8% des affaires
poursuivables contre 12% en 1997. En ce qui concerne la composition
pénale, en 2001 cette procédure assurait 0,1% des affaires
poursuivables contre 1,1 % en 2003. A côté de cette
évolution, on peut noter une hausse du taux de réponse
pénale et corrélativement une baisse du taux de classement sans
suite. En 1997, le taux de réponse pénale s'élève
à 64% (36% de classement sans suite) alors qu'en 2003, il atteint 72,1%
(27,9% de classement sans suite), soit une augmentation de huit points.
Ce faisant, l'augmentation de la capacité de
réponse de la justice contribue corrélativement à la
réduction des actes de justice privée, en l'occurrence la
vindicte populaire.
226 Sans doute serait-il judicieux, comme le proposent certains
praticiens, d'étendre l'application de l'ordonnance pénale pour
tous les délits punis d'une simple peine d'amende.
227 DIRECTION DE L'ADMINISTRATION GENERALE ET DE L'EQUIPEMENT,
L'activité judiciaire en 2003 : Vue d'ensemble, Paris,
Ministère de la Justice, Août 2003, pp. 40 et 41.
70
B- La réduction du taux de justice privée
: la vindicte populaire
La vindicte populaire, phénomène crucial, dit de
justice privée, de justice populaire, de masse228, aurait
pour cause majeure le discrédit de la justice étatique. En effet,
la vindicte populaire est l'acte par lequel un groupe de personnes fait subir
à une ou plusieurs personnes, des châtiments indiscriminés
pour des faits que ces dernières ont commis ou sont supposés
avoir commis229. Ainsi, la vindicte populaire tel que
pratiqué au Bénin apparait comme un acte de foule où par
solidarité, le désir de se protéger des traumatismes
conduit à la vengeance des offenses en procédant par des moyens
violent à la correction de l'offenseur.
Ce désir de vengeance du peuple trouve dans la plupart
du temps son origine dans l'inefficacité des forces de l'ordre à
lutter contre l'insécurité et dans le manque de
crédibilité de la justice.
Dans le premier cas, les populations reprochent le plus
souvent aux forces de l'ordre d'être laxistes et inefficaces dans
l'exercice de leurs fonctions. Elles sont, en effet, accusés
d'être en complicité avec les bandits et de manquer de
dévouement dans leur tâche. A ces maux s'ajoutent la
malhonnêteté des forces de l'ordre, leur déloyauté
et leur manque de probité230. C'est donc à juste titre
que BODEA Gilbert affirmait : « les mots qui minent la police ont pour
noms : corruption et laxisme»231.
Quant à la discrédité de la justice, elle
prend sa source de la prestation judiciaire décevante des justiciers
qui, par ricochet, crée une crise de confiance entre le
228 Pour d'autres encore, la vindicte populaire serait `'la
justice 225 FCFA», 200 f d'essence et 25 f d'allumette.
229 AMAH (A.), la présomption d'innocence, mémoire
de maitrise, FASJESP/UNB, 2001-2002, p.42.
230 N'DONOUSSE(E.), « le phénomène de
la vindicte populaire au Bénin : dénonciation de la justice
publique ou renonciation aux devoirs civique ? », Mémoire de
maitrise ès sciences juridique, FDSP/ UP, 2006-2007, p.11.
231 BODEA (G.), « le phénomène de la
vindicte populaire au bénin : étude de cas »,
mémoire de maitrise à la faculté de sociologie, UNB, 1999,
p.83.
71
personnel judiciaire et le justiciable. En effet, cette
impression de la justice faite par le peuple découle, en
réalité, de l'incapacité des juridictions à
gérer efficacement le flux, sans cesse, croissant des contentieux
pénaux. Celles-ci ne disposant point d'alternative efficace se trouvent
dans l'obligation de classer sans suite, nombre de plaintes, voire relaxer
nombre de prévenus au grand mécontentement des victimes et de la
population. Cet état de chose se trouverait donc réduit et la
vindicte populaire combattu avec l'institutionnalisation de nombre important de
mécanismes conventionnels de règlement des litiges
pénaux.
Cela participera sans doute à la réduction du
taux de criminalité qui, ces dernières années ne cesse de
s'accroitre.
|