Paragraphe 2 : la valorisation des intérêts de
la victime
Il existe, depuis peu, un véritable « droit
des victimes » formé de règles substantielles ou
procédurales éparses et dont le droit des victimes d'infractions
pénales constitue la branche la plus emblématique199.
Il est le signe du « réalisme » dont a fait preuve la
Vème République, face à ce qu'il convient d'appeler avec
le Doyen Carbonnier « les victimologies »200.
Mieux que sa place dans les procédures classiques, la
victime semble très priser dans les procédures consensuelles
diligentées contre l'auteur de l'infraction, source de son
préjudice. En témoigne l'accroissement de la
199 PIN (X.), « les victimes d'infractions,
définitions et enjeux », p.2,
www.cairn.info.
200 CARBONNIER (J.), Droit et passion du droit sous la Ve
République, Flammarion 1996, p. 146.
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satisfaction tirée par la victime desdites
procédures. En effet, à la mise en oeuvre des procédures
consensuelles, la victime, partie faible au procès, est
dorénavant assurée de la satisfaction tant pécuniaire
(A) que morale (B) de ses
intérêts.
A) La satisfaction pécuniaire des
intérêts de la victime
De manière générale, les
procédures consensuelles, à tous les stades de la
procédure, mettent l'accent sur la réparation indemnitaire du
préjudice subi par la victime de l'infraction. Il suffit pour, s'en
convaincre, de citer, pêle-mêle, des mesures d'indemnisation qui
permettent soit d'éviter une solution répressive, soit d'obtenir
une mesure de faveur. Ces mesures traversent aussi bien la phase de
préparatoire (1) que celle décisoire du
procès pénal (2).
1- Les mécanismes d'indemnisation de
la victime à la phase préparatoire du procès
pénal
On retrouve en droit français, lors de la phase
préparatoire du procès d'efficaces mécanismes
d'indemnisation de la victime tels la médiation
pénale201, la composition pénale202, le
classement sans suite sous condition de réparation203, le
cautionnement pénal avec provision en faveur de la
victime204.
En ce qui est de la médiation, lors de la rencontre de
médiation, après les entretiens individuels préliminaires,
certaines victimes désirent obtenir comme réparation uniquement
une indemnisation financière et ce, pour diverses raisons. En effet, ce
type de réparation favorise pour les petits litiges, une indemnisation
qui aurait pu demeurer impayée, à l'issue d'un procès.
Cette pratique, avec l'accord des deux parties conduit donc à une
réparation
201 Art. 41-1 5° CPPF.
202 Art. 41-2 CPPF. En réalité, la composition
pénale intègre aussi la question de la réparation
financière, puisqu'il est prévu que lorsque la victime est
identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de la
réparation du préjudice commis, le procureur de la
République doit également proposer à ce dernier de
réparer les dommages causés par l'infraction dans un délai
qui ne peut être supérieur à six mois.
203 Art. 41-1 4° CPPF.
204 Art. 142-1 al. 1 CPPF.
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appropriée : paiement fractionnée, versement
approprié à des rentrées
financières205.
Pour ce qui est de la transaction pénale,
orchestrée par les autorités administratives, des personnes
privées peuvent, en dehors de l'Etat, se révéler victimes
des agissements de l'agent pénal et demandent réparation de leurs
préjudices. Cela appelle à s'interroger sur l'opposabilité
aux victimes de la transaction opérée au profit de l'Etat.
Autrement dit, les intérêts particuliers, individuels ou
collectifs, autres que ceux de l'Administration sont-ils sauvegardés
malgré l'accord transactionnel ?
A cette question, la doctrine, confortée par la
jurisprudence206, considère que ces personnes privées
ont un intérêt à se constituer partie civile,
différent de l'intérêt de l'administration, et qu'à
ce titre, la transaction consentie par l'Administration ne leur est pas
opposable207. Or, il est acquis que la transaction
opérée entre le service compétent et le délinquant
n'exclut pas une action en réparation du préjudice subi par la
victime, personne de droit privé. Cette solution qui, toutefois, semble
s'écarter des réalités béninoises, a très
tôt été réhabilitée par la jurisprudence qui
retient en effet que «lorsque l'action publique est éteinte par
la transaction opérée avec une administration, l'action civile
qui survit ne peut plus être exercée devant le tribunal
répressif. »208 Cependant, une exception existerait
à ce principe dans la mesure où l'article 45 de la loi
française n° 73-1193 du 27 décembre 1973 autorise la partie
civile à saisir la juridiction
205 CARIO (R.) (Dir), op. cit. p. 117.
206 CA Pau, 15 novembre 1962, D. 1963, J.
276. Cette décision concerne bien évidemment une transaction
intervenue avant toute poursuite. En revanche, lorsque la transaction est
intervenue au cours des poursuites, la question se règle en faisant
référence à la présence d'un jugement sur le fond.
Ainsi, l'intervention d'une transaction avant tout jugement sur le fond a pour
effet de dessaisir le juge répressif de l'action civile intentée
accessoirement à l'action publique (Cass. Crim., 12 mai 1959, JCP
1959, II, 11216). Cependant, si la transaction sur l'action
publique intervient après un jugement sur le fond, la juridiction
répressive demeure valablement saisie de l'action civile (Cass. Crim.,
18 février 1954, D. 1954, J. 421 ; Cass. Crim. 3 mai
1957, Bull. crim. n° 355).
207 GASSIN (R.), « Transaction », in REP.
PEN., Dalloz, 1969, p. 7, n° 78.
208 Crim. 12 mai 1959, JCP 1959, II, 11216.
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répressive pour statuer sur les intérêts
civils, même après une transaction en matière
économique209.
2- Les mécanismes d'indemnisation de
la victime à la phase décisoire du procès pénal
Au stade du prononcé de la peine, la réparation
peut être envisagée comme condition du sursis avec mise à
l'épreuve210, de l'ajournement du prononcé de la
peine211, voire de sa dispense212.
Mieux, après le prononcé de la peine, les
dispositions compensatrices sont aussi nombreuses : ainsi le pécule des
condamnés est en partie destiné à
l'indemnisation213, et des mesures de faveur peuvent être
octroyées sous condition d'indemnisation, comme la
semi-liberté214, la libération
conditionnelle215, le placement à l'extérieur et la
permission de sortir216, la réduction de peine et bien
d'autres encore favorisant l'indemnisation de la victime217.
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