B) les limites de l'appréciation selon l'intime
conviction du juge
Comme indiquée en sus, l'intime conviction du juge bien
que paraissant logique ne doit se confondre à l'arbitraire. En effet,
aux termes des dispositions du code béninois de procédure
pénale159, le juge peut, dans certaines circonstances,
être tenu de statuer selon la vraisemblance des preuves produites par les
parties. En réalité, plusieurs facteurs tendent à limiter
le pouvoir discrétionnaire du juge dans l'appréciation des
preuves. Celles-ci peuvent, sans risque de se tromper être
classifiées selon qu'elles se rapportent au délinquant (1) ou au
domaine de la preuve (2).
1) Les limites dues à la personne du
délinquant
Bien que le délinquant ne puisse impacter sur
l'appréciation des preuves, l'intime conviction instituée au
profit du juge ne doit tendre à lui causer un tort injustifié. En
effet, le juge dans la mise en oeuvre de son intime conviction est contraint
à certaines obligations. Il s'agit d'une part, pour celui-ci de
s'abstenir de tirer des conséquences défavorables du silence
opposé par l'accusé lors de la phase préparatoire et lors
de l'audience de jugement160. Dans ce même sillage, il a
été jugé par la cour de cassation française que les
preuves susceptibles de fonder l'intime conviction du juge pénal doivent
avoir été
157 Crim., 6 avr. 1994, Bull.n°136.
158 Crim., 21 fév. 1973, Gaz. Pal. 1973, 2, somm. p. 233 ;
Crim., 19 déc. 1973, Bull. n°480.
159 Article 447 alinéa 1er .
160 Même si en pratique, le silence face à des
charges très importantes peut inciter le juge à la condamnation ;
V. C.E.D.H, 8 fév. 1996, John Murray c/ Royaume-Uni.
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recueillies en application du respect des droits de la
défense.161 Toutefois, l'espèce a souvent
révélé que les juges ne peuvent rejeter un moyen de preuve
produit par les parties au motif qu'il aurait été obtenu
illicitement ou déloyalement. Ceux-ci doivent seulement en
apprécier la valeur probante162.
2) Les limites dues au domaine de la
preuve
En dehors de l'hypothèse des
présomptions légales163, le législateur a
écarté le pouvoir d'appréciation du juge en ce qui
concerne certains procès-verbaux et rapports, à propos
d'infractions particulières, qui se déroulent le plus souvent
clandestinement ou qui risquent de laisser les témoins éventuels
indifférents. Pour mesurer l'intérêt de cette
atténuation, il faut rappeler que contrairement à une idée
souvent reçue dans les prétoires, les procès-verbaux de
police et les rapports ne valent en principe, qu'à titre de simple
renseignement, sauf dans le cas où la loi en dispose
autrement164. Toutefois, le législateur a estimé que
les procès-verbaux de constat de certaines infractions devaient avoir
une force probante particulière. Ainsi, les dispositions croisées
des articles 451 à 453 du code de procédure pénale
béninois laissent découvrir que les procès-verbaux
dotés de forces spéciales peuvent faire l'objet de
vérité jusqu'à preuve contraire et parfois jusqu'à
inscription de faux.
S'agissant de la première, certains
procès-verbaux de constat opérés personnellement par les
agents compétents valent jusqu'à preuve contraire. Il en va ainsi
de ceux qui constatent les contraventions165, ou de certains
délits prévus par des lois spéciaux, à l'exemple
des infractions environnementales dont les procès-verbaux de
constatation font foi jusqu'à preuve contraire166. Ce
faisant, la preuve contraire, celle de l'inexactitude des faits
constatés ne peuvent
161 Crim., 19 juin 1989, B.C., n°261.
162 Crim., 15 juin 1999, D., 1994.614, note Marsalat ; 6 avril
1994, B.C., n°136.
163 Les présomptions légales s'attachent,
lorsque la preuve parait difficile voire impossible, à tenir pour
établie la culpabilité d'une personne ou pour patents les
éléments matériel ou moral de telle infraction.
164 Article 450 du CBPP.
165 Article 452 alinéa 1er du CBPP.
166 Article 107 de la loi cadre sur l'environnement en
République du Bénin qui dispose « les infractions en
matière d'environnement sont constatées par
procès-verbaux. Ceux-ci font foi jusqu'à preuve de contraire. Ils
sont adressés au Ministre ».
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être rapportées que par, écrit ou par
témoins167, jamais par simple
dénégation168.
Pour ce qui est de la seconde, mieux que la
précédente hypothèse, certains procès-verbaux
limitent de manière absolue le pouvoir souverain d'appréciation
du juge pénal. Ainsi, valent jusqu'à inscription de faux les
procès-verbaux rédigés par des agents habilités qui
constatent personnellement certains délits prévus par des lois
spéciales, dont l'exemple du code des douanes semble approprié.
En effet, aux termes des dispositions de l'article 373 du code des douanes,
« les procès-verbaux de douane rédigés par au
moins deux agents de douane ou de toute autre administration habilités
à cet effet font foi jusqu'à inscription de faux des constations
matérielles qu'ils relatent.». Ce faisant, la preuve
renfermée par de pareils documents ne peut donc être
anéantie que par la démonstration que ceux-ci constituent un
faux, laquelle exige une procédure spécifique169
engagée devant les juridictions de jugement170.
Toutefois, le délinquant bien qu'impuissant à la
phase décisoire n'en est pas pour autant absent. Sa présence peut
se faire remarquer lors du verdict, en l'occurrence lorsqu'il s'agit pour le
juge de le condamner à une peine alternative à l'emprisonnement,
qui en l'état actuel de la législation béninoise, ne peut
qu'être le travail d'intérêt général.
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