CHAPITRE 3. REGIME DE REPARATION DE
PREJUDICES EN CAS DE DOMMAGE.
La « JUSTICE » est un maître mot qui semble
ancré depuis la création des plus anciennes
sociétés jusqu'à nos jours. Ce terme est empreint d'une
signification que le temps et les nouvelles valeurs sociétales semblent
avoir érodé jusqu'à en perdre sa substance. Le terme
« justice » trouve son application notamment dans la
responsabilité juridique.
La responsabilité juridique est l'obligation de
réparer le dommage causé à autrui comme compris à
l'article 258 du code civil des obligations, dont un intérêt
légitime a été injustement lésé par un acte
contraire à l'ordre juridique, soit un acte illicite. L'objectif est de
tenter d'effacer, par une réaction juridique, les conséquences du
fait perturbateur imputable à quelqu'un, ce désordre
créé et qui constitue une injustice. L'auteur du dommage doit
rétablir l'égalité qui a été rompue à
son profit et ainsi apaiser la victime.
D'une manière générale la
responsabilité civile fait naitre une créance qui tend à
réparer un dommage causé par le débiteur. Cette fonction
indemnitaire affecte les caractères même de la créance et
permet d'expliquer certaines spécificités consacrées par
le droit positif. Elle influe également sur la détermination de
l'objet de la créance, la question étant de savoir si la
réparation doit se faire en nature ou par l'allocation de dommages et
intérêts. La spécificité ici sera de
déterminer comment la victime devra se faire indemniser du dommage
qu'elle a subi.
Prenant sa source dans la loi, la créance de
réparation existe dans le patrimoine de la victime avant même le
prononcé du jugement de condamnation. Elle présente un double
caractère légal et patrimonial.
|
2018-2019 (c)Faculté de Droit
|
- 55 -
SECTION 1. CARACTERES DE LA CREANCE
Il sied de rechercher ici à quelle date prend naissance
la créance de la réparation, au moment du dommage ou au moment
où le juge statue. En outre, le jugement est-il constitutif ou
déclaratif en matière de responsabilité
civile107 ?
Si le droit existe au jour où la victime subit le
dommage, le jugement de condamnation aura un caractère simplement
déclaratif c'est-à-dire sans donner lui-même naissance
à la créance, il ne ferait que constater son existence
antérieure au jour du jugement, celui-ci sera, au contraire, constitutif
ou attributif de droit.
Pour répondre à la question posée, il
suffit de constater que le fait dommageable est un fait juridique
générateur d'obligations. La créance de
réparation trouve sa source dans la loi. La responsabilité civile
étant source d'obligation, la créance de réparation nait
dès que les éléments constitutifs de celle-ci sont
réunis, à savoir un fait générateur, un dommage et
un lien de causalité. Même si elle n'est pas encore liquide, la
créance qui nait du fait dommageable constitue un droit subjectif, un
droit subjectif mérite, en tant que tel, protection. En matière
de responsabilité civile, le jugement est nécessairement
déclaratif et non constitutif, pour une analyse nuancée, on peut
estimer que le jugement est déclaratif lorsqu'il constate le principe du
droit à réparation et qu'il devient constitutif dans la mesure
où il fixe le montant de la réparation, cette manière de
voir les choses permet d'expliquer certains arrêts affirmant, à
propos de la question du point de départ des intérêts
moratoires, que jusqu'au jugement la victime n'a ni titre de créance ni
droit reconnu dont elle puisse se prévaloir.108
Le principe du droit à réparation étant
acquis antérieurement au jugement, il en résulte que la loi
applicable est celle en vigueur au jour où le fait dommageable s'est
produit, c'est bien la loi en vigueur au moment des faits qui doit être
appliquée par le juge lorsque sa décision n'est pas un
élément constitutif de la situation juridique.
1. Caractère patrimonial de la créance
Faisant partie du patrimoine de la victime dès la
réalisation du fait dommageable, la créance de réparation
est, a l'instar de tout droit patrimonial, transmissible et saisissable. En
outre comme tout droit subjectif, elle s'éteint par prescription. Enfin,
l'exécution de la créance est affectée d'une garantie :
l'action directe contre l'assureur du responsable, Subrogatoire. Cette action
constitue une garantie de paiement de la créance de réparation,
dans la mesure où elle s'ajoute à l'action dont dispose la
victime contre le responsable, ce dernier pouvant être condamné
in solidum avec son assureur. Cette action est aussi reconnue en droit
congolais en effet, les dispositions des articles 147 à 150 du
décret du 30 juillet 1888 portant code civil congolais d'obligations, il
y est déterminé le champ d'application et la nature de l'action
directe (subrogatoire). Cette action s'est vue conférée par la
jurisprudence une autonomie relative par rapport au contrat d'assurance liant
l'assuré à l'assureur en droit européen. En effet, si
l'action de la victime d'un accident contre l'assureur est subordonnée
à l'existence d'une convention passée entre ce dernier et
l'auteur de l'accident, et ne peut s'exercer que dans ses limites, elle trouve
en vertu de la loi son fondement dans le droit à réparation.
107 Mireille Bacache-Gibeili, op.cit., p 496
108 F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, cité par
Mireille Bacache-Gibeili, op.cit., 497.
2018-2019 (c)Faculté de Droit
- 56 -
|