sous-section 3 Lien de causalité
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58 KALOMBO MBIKAYI op.cit. p. 235.
Aux termes de l'article 258, le fait de l'homme l'oblige
à réparer ce qui cause à autrui un dommage. De même,
selon l'article suivent c'est-à-dire 259, « chacun est responsable
du dommage qu'il cause » que ce soit par son imprudence ou sa
négligence. Au-delà du fait personnel, la causalité
s'impose, quel que soit le fait générateur de la
responsabilité, le fait des chose ou le fait d'autrui. L'exigence du
lien de causalité est réaffirmée au premier alinéa
de l'article 260 selon lequel : « On est responsable non seulement du
dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de
celui qui est causé par le fait des personnes dont on
doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. » En effet,
l'exigence d'un lien causalité entre le fait générateur de
responsabilité et le dommage subi par la victime résulte de ces
quelques disposition du code civil. Approuvée par la doctrine qui y
ressort notamment une exigence de la raison, la nécessité d'un
lien de causalité entre la faute qui est le fait
générateur et le dommage, ce qui engendre un des
éléments constitutifs de la responsabilité civile, aux
côtés de ces deux (faute et dommage).
Le lien de causalité présente en outre deux
particularité :
En premier lieu, il constitue le critère distinctif de
la responsabilité civile. Puisque la responsabilité n'est pas la
seule technique de réparation des dommages, d'autres
procédés d'indemnisation issus de méthodes de
socialisation des risques ne ce cessent de se développer en droit
positif. Il en est ainsi de la CNSS (Caisse nationale de la
sécurité sociale). Parmi toutes ces techniques de
réparation des dommages, seule la responsabilité civile
nécessite la preuve du lien de causalité entre le dommage subi
par la victime et le débiteur de la réparation. Ce dernier ne
peut être qualifié juridiquement de responsable s'il n'est pas
lié aux préjudices réparables par un lien de
causalité.
L'exigence d'un lien de causalité permet donc de
distinguer la responsabilité civile des autres techniques de
réparation des dommages. Véritables régimes
d'indemnisation, ces procédés de socialisation des risques
dispensent la victime de rechercher la responsabilité individuelle de la
personne qui est à l'origine de son dommage. Le débiteur a la
réparation n'est plus nécessairement celui qui l'a
causé.
En second lieu, la notion de causalité atteint de bout
en bout le droit de responsabilité civile. En effet, la causalité
intervient dans un premier temps, a l'instar du dommage et du fait
générateur (la faute), comme condition de la
responsabilité civile. Le lien causal doit être établi pour
engager la responsabilité de l'auteur du dommage. Mais la
causalité intervient également dans un deuxième temps,
pour l'appréciation des causes d'exonérations et justificatifs du
responsable. Le lien de causalité peut être écarté
par ce dernier.
La question qui se pose est celle de savoir comment
détermine-t-on l'origine d'un dommage causé a une personne que
telle ou telle faute d'une autre personne est « la cause » du dommage
subi.
A cette question la jurisprudence et doctrine ont
dégagées une réponse : pour qu'une faute constitue la
cause du dommage intervenu, qu'elle soit la condition nécessaire directe
et immédiate du dommage c'est-à-dire qu'elle puisse entrainer le
dommage tel qu'il s'est produit. Faudra-t-il autrement dit que la faute soit
telle que sans elle, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est
produit.58
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1. Application de la notion de causalité
Il est clair que le lien causal n'est certainement pas
établit s'il est constaté que sans le fait reproché
à l'auteur qu'on va appeler ici « défendeur » le
dommage se serait néanmoins produit. En d'autres termes, lorsque
l'évènement analysé n'apparait pas comme une condition
sine qua non du dommage responsabilité est écartée.
A l'inverse, en cas d'incertitude relative à la
question de savoir si le fait reproché au défendeur, le dommage
se serait pas produit, la réponse à la question de la
causalité n'est pas tout aussi simple. En effet, si ce fait peut
être alors analysé comme l'une des causes matérielles du
dommage, la question qui reste est de savoir s'il en est par là
même l'une des causes juridiques, de nature à engager la
responsabilité de son auteur.
Il arrive qu'une faute entraine plusieurs dommages au
même moment. Il en est ainsi lorsque les dommages affectent une victime
immédiate et des victimes par ricochet au préjudice
réfléchi.59 Il en est de même lorsque les
dommages en chaines atteignent une seule et même victime. L'exemple le
plus en vogue est celui donné par Pothier : où, après
avoir acheté une vache malade, un cultivateur se trouve ruiné,
n'ayant pas pu cultiver ses terres suite à la contamination de tous les
autres boeufs de la ferme. Le vendeur de la vache malade peut-il être
déclaré responsable de la ruine du cultivateur ?60 il
est à noter évidemment que la question ne se pose
réellement qu'une fois rapportée la preuve d'une causalité
matérielle, c'est-à-dire, une fois établi que sans la
faute, le dommage final ne se serai pas produit. A défaut d'une telle
preuve, la responsabilité est naturellement écartée. Or,
plus on s'éloigne de la faute, plus la preuve du lien de
causalité sera difficile à rapporter, en raison de l'intervention
d'autres causes éventuelles du dommage. En l'espèce, si le
cultivateur se serait peut-être quand même ruiné sans
l'achat de la vache malade, la preuve du lien de causalité entre la
faute du vendeur et le dommage final ne serait pas rapportée. En
revanche, à supposer que sans la faute du vendeur, le cultivateur eut
échappé à la saisie de ses biens, faut-il pour autant
estimer que cette faute est la cause juridique de ce dommage, obligeant son
auteur a réparation ? c'est ça que la doctrine a qualifiée
de dommage en cascade.
La question de la causalité intéresse depuis
longtemps la doctrine. Pour autant, l'accord ne se fait pas sur le sens exact
qu'il convient de donner à cette notion, face à la
difficulté de dégager une conceptuelle satisfaisantes, certains
auteurs refusent tout effort de définition et adoptent une attitude
pragmatique faisant plus appel au bon sens qu'aux raisonnements
théoriques, il a même été envisagé de ne plus
voir dans le lien de causalité une condition de la responsabilité
mais plutôt de considérer l'absence de la causalité comme
étant une raison pour le juge de prononcer une fin de
non-recevoir.61 Quant à la jurisprudence, elle adopte une
attitude empirique rendant vain tout effort de systématisation. En effet
selon cette jurisprudence a admis que la chose n'est rattachée au
dommage par un lien de causalité suffisant que si elle a joué un
rôle actif dans sa réalisation. La simple intervention
matérielle de la chose ne suffit pas dans la responsabilité
civile pour fait des choses. 62
59 Supra p. 22.
60 Pothier dans traité des obligations n 166,
cité par Mireille Bacache-Gibeili op.cit. p. 410.
61 J. Carbonnier, Droit civil, T. IV, les obligations,
Thémis, paris, p.216.
62 Civ. 2e, 7 avril 2005, RCA 2005, com. N
173, obs. note de Mireille Bacache-Gibeili.
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2. Preuve de la causalité
Il appartient à la victime de rapporter la preuve de
lien de causalité entre la faute de responsabilité et son
dommage. Néanmoins, si le principe selon lequel la charge de la preuve
du lien causal incombe au demandeur est toujours affirmé en
jurisprudence, certaines atténuations ou exceptions en tempèrent
largement les conséquences, dans le souci d'une meilleure protection des
victimes.
Le principe demeure tel que, c'est au demandeur à
l'action, lui qui souffre du dommage causé par la faute de son
débiteur de rapporter la preuve du lien de causalité entre le
fait générateur de la responsabilité et le dommage subi.
Par conséquent, s'il est établi qu'en l'absence du fait
évoqué, le dommage se serait néanmoins produit, on aurait
eu la même ampleur, la responsabilité est écartée
directement. La certitude de l'absence de causalité constitue
incontestablement un obstacle à l'action en responsabilité. Pour
autant cette hypothèse n'est pas fréquente dans la pratique.
Très souvent, un doute subsiste quant au lien de cause à effet
entre le fait du demandeur et le dommage subi. Cette incertitude relative au
lien causale devrait entrainer simplement le rejet de l'action en
responsabilité, au même titre que la certitude de l'absence de
causalité.
En France, le recours à des présomptions de
faits n'est possible qu'en cas d'incertitude affectant le seul lien de
causalité juridique. En revanche, en présence d'une incertitude
causale scientifique l'action en responsabilité doit être
écartée, faute de lien de causalité établi. La
distinction entre la causalité juridique et celle scientifique trouve
à s'illustrer dans le domaine de la responsabilité du fait des
produits de santé, comme en témoigne un arrêt de la
première chambre civile du 23 septembre 2003 relatif au vaccin contre
l'hépatite B. en l'espèce, un mois après avoir reçu
trois injections de vaccin anti-hépatite B, une personne commence
à ressentir des symptômes qui conduisent au diagnostic de la
sclérose en plaques. Elle agit en responsabilité contre le
laboratoire, fabriquant du vaccin, en invoquant la violation, par ce dernier,
de son obligation contractuelle de sécurité. L'arrêt fait
droit à sa demande en estimant notamment possible une association entre
le vaccin et la maladie développée par la victime, eu
égard à un faisceau d'indices graves précis et
concordants, tels que la concomitance de la maladie et du vaccin, le nombre
élevé de victimes ou l'absence d'autres causes de
déclenchement. La cour d'appel avait pourtant constaté au
préalable qu'aucune étude scientifique ne mettait en
évidence l'existence d'un lien certain entre le vaccin et la maladie de
la sclérose de plaque, ni n'excluait de façon aussi certaine la
possibilité d'une telle association. Elle avait de la sorte choisie
d'avoir recours aux présomptions de fait de l'article 1353 du CCF, aux
termes duquel le juge peut en la matière se fonder sur des
présomptions de fait graves précises et concordantes, pour
estimer rapporter la preuve de la causalité juridique, en
présence d'une incertitude scientifique. L'arrêt est cassé,
aux motifs qu'il résultait des contestations de la cour d'appel que le
défaut du vaccin, comme lien de causalité entre la vaccination et
la maladie ne pouvait être établis ». En d'autres termes, le
doute scientifique ne peut être remplacée par une certitude
juridique, au moyen des résomptions. Alors qu'à l'ère
actuel de la science, il n'est pas encore prouvé qu'il existe une
relation certaine de causalité entre le vaccin contre l'hépatite
B et la sclérose en plaque.63 Une telle action doit
être déboutée pour défaut de preuve du lien
causal.
La causalité est présumée lorsque la
victime est dispensée de rapporter la preuve d'un rapport de
nécessité entre le fait reproché au défendeur et le
dommage qu'elle subit. Pour
63 Mireille Bacache-Gibeili, op.cit. p.428 et 429.
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autant, les présomptions de causalité ne
produisent pas toutes le même effet à l'égard du
responsable. Certaines, qualifiées de présomptions simples,
peuvent être renversées par le défendeur, elles permettent
alors au responsable de rapporter la preuve contraire, c'est-à-dire
d'établir que son fait ou le fait dont il répond n'a pas
été l'une des conditions sine qua non du dommage subi par la
victime. D'autres présomptions que l'on qualifie d'irréfragables
sont plus énergiques, insusceptible d'être renversées,
elles n'autorisent pas le responsable à établir que son fait n'a
pas été l'une des conditions nécessaires au dommage. Les
trois conditions de la responsabilité civile, à savoir le fait
générateur qui est la faute, le dommage et le lien de
causalité sont alors toutes définitivement réunies, le
seul moyen qui reste à la disposition du responsable pour
échapper à l'obligation de réparer le dommage causé
consiste alors à invoquer la cause étrangère, à
savoir la force majeure ou la faute de la victime que nous pouvons passer un
mot dessus :
a. Cause étrangère
Le lien causal établi entre le dommage et le fait
générateur peut être écarté par le
responsable invoquant la cause étrangère. Ayant pour effet
d'exonérer le responsable ou d'alléger la charge finale de la
réparation, la cause étrangère invoquée par le
défendeur suppose nécessairement établies, au
préalable, les conditions de la responsabilité civile.
La cause étrangère est tout
évènement extérieur au responsable ayant joué un
rôle causal dans la production du dommage. Les conséquences de la
cause étrangère dépendent précisément de
l'intensité de ce lien causal. Tout d'abord, la cause
étrangère peut avoir joué un tel rôle causal dans la
production du dommage qu'elle évince toutes les autres causes. Elle
alors pour effet de rompre le lien de causalité entre le fait imputable
au défendeur et le dommage, c'est le cas lorsque
l'évènement envisage était pour le défendeur
imprévisible et irrésistible. Ensuite, le rôle causal de la
cause étrangère peut être moins intense et laisser
subsister, a ses cotes, le fait reproché au défendeur. A
défaut d'être rompue par la cause étrangère non
constitutive de force majeure, la causalité est alors partagée.
L'exonération ne peut être dans ce cas que partielle.
Pour constituer une cause étrangère,
l'évènement envisagé doit obéir à une double
condition. Premièrement, il doit s'agir d'un fait qui constitue,
à l'instar de celui imputable au défendeur, une cause juridique
dont souffre la victime. La cause étrangère doit donc être
nécessairement l'une des conditions sine qua non du dommage.
Deuxièmement, il doit s'agir d'un fait causal extérieur au
défendeur. La condition d'extériorité est inhérente
à la nation même de cause étrangère.
b. La force majeure
La force majeure est une variété de cause
étrangère qui a pour effet d'exonérer totalement le
responsable. Le fondement de l'exonération totale réside dans la
rupture du lien de causalité entre le fait imputable au défendeur
et le dommage subi par la victime : la force majeure serait exonératoire
en ce qu'elle établirait la preuve de l'absence de faute du
défendeur. La justification n'est pas pleinement convaincante dans la
mesure ou la faute n'est pas une condition nécessaire à toute
responsabilité, celle-ci peut être objective, contrairement au
lien de causalité qui reste le seul élément
caractéristique de toute responsabilité civile.
L'évènement causal extérieur présentant les
caractères de la force majeure absorbe à lui seul toute la
causalité
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du dommage et prive le fait dont répond le responsable
de tout effet causal. L'importance du rôle causal de la force majeure
rend toutes les autres causes juridiquement insignifiantes, ce qui incite a
présenté la force majeure comme étant « la cause
exclusive » du dommage.
La force majeure est par définition un
évènement extérieur imprévisible et
irrésistible qui a pour effet de rompre le lien de causalité
entre le fait dont répond le défendeur et le dommage. Il en
résulte deux conséquences relatives à
l'appréciation de cette cause d'exonération.
En premier lieu, la force majeure doit être
définie de façon purement objective. En effet, tout
évènement extérieur, imprévisible et
irrésistible peut constituer un cas de force majeure et entrainer par
surcroit l'exonération totale de la responsabilité. Il en est
ainsi du cas fortuit, entendu comme un évènement naturel ou
anonyme, du fait de la victime ou du fait d'un tiers.
En deuxième lieu, aucun évènement,
considéré en lui-même, ne peut constituer un cas de force
majeure. Il n'existe pas de liste préétablie de cas de force
majeure. Le même évènement peut, selon les circonstances de
l'espèce, rompre le lien causal ou le laisser particulièrement
subsister. Seul compte, au-delà de la nature de
l'évènement envisagé, l'intensité de sa
participation causale au dommage. La force majeure s'apprécie de
façon relative, par rapport aux faits de chaque espèce, et non de
façon absolue en fonction de la nature de l'évènement
extérieur.
c. La faute de la victime
La causalité étant partage tout fait de la
victime devrait entrainer une exonération partielle du responsable.
Cependant, la stricte logique de la causalité partielle devrait
être tempérée par des considérations plus objectives
tenant au soucis l'indemnisation de la victime. La prise en compte du fait
causal de la victime constitue en effet un obstacle à la
réparation intégrale de son dommage. C'est en ce sens que s'est
orientée la jurisprudence aussi bien dans la détermination de la
nature du fait causal exonératoire, que dans celle du domaine et de
l'étendue de l'exonération partielle.
Le principe de l'exonération partielle par la faute de
la victime connait en droit positif un domaine très large. Il joue
quelle que soit la nature de la responsabilité encourue et quel que soit
le fait générateur de responsabilité en cause. Bien plus,
la victime peut se voir opposer non seulement sa propre faute mais aussi la
faute des personnes dont elle est responsable. La faute de la victime peut
être opposée à la victime par ricochet pour limiter son
droit à réparation. Le principe de l'exonération partielle
connait néanmoins des exceptions. Il en est en outre fortement
contesté en présence d'une faute commise par une victime
privée de discernement.
La jurisprudence répressive a fait naitre des
exceptions à ce principe d'exonération partielle. Après
avoir tout simplement écarté, puis cantonné aux
infractions involontaires, désormais, l'auteur de l'infraction
pénale, même volontaire, peut sur le plan civil profiter d'un
partage de responsabilité, en présence d'une faute de la victime.
Pour autant, le principe n'est pas absolu, dans la mesure où il ne
s'applique qu'en matière d'infraction contre les personnes. En revanche,
l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens ne peut invoquer la
faute de négligence de la victime pour réduire le montant de
l'indemnisation mise à sa charge64. Cette exception se
justifie en opportunité : afin d'éviter que l'auteur de
64 Crim. 27 mars 1973, RTD civ. 1973, p. 780, obs note
de Mireille Bacache-Gibeili n 434 p. 486.
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l'infraction conserve une partie du bénéfice
qu'il a pu en retirer, la faute de la victime est privée de sa vertu
partiellement exonératoire.
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