3. Sortes de fautes
La notion de la faute, entendue comme toute violation d'une
obligation préexistante comprend deux distinctions, l'une relative
à l'objet de l'obligation violée, l'autre de la gravité de
la violation.
? Faute de commission et faute
d'abstention
La distinction entre la faute de commission et la faute
d'abstention découle de la doctrine. La faute de commission consiste
pour l'auteur à faire ce qu'il n'aurait pas dû faire. En revanche
la faute d'abstention consiste à ne pas avoir fait ce qu'il aurait
dû faire. Si la première résulte d'actes interdits, la
deuxième traduit l'absence d'actes imposés. Autrement dit, la
faute de commission consiste à la violation d'une obligation de ne pas
faire tandis qu'une obligation de faire est à l'origine de la faute
d'abstention. C'est là la distinction relative à l'objet de
l'obligation violée, mais cette distinction s'avère amener une
incidence sur le régime juridique de la faute. En effet une partie de la
doctrine a soutenu que l'obligation de faire dont la violation constitue la
faute d'abstention ne pouvait qu'être que d'origine légale ou
règlementaire, c'est-à-dire seul le législateur pouvait
déterminer ce qui devrait être fait ou pas. La jurisprudence
n'aurait pas le pouvoir de créer des obligations d'agir en dehors de
celles établies par un texte de loi. Etant libre de ne pas agir,
l'auteur ne pourrait se voir reproché de n'avoir rien fait pour
éviter le dommage. Pour autant, la rigueur de ces propositions se trouve
être nuancée à deux niveau, à savoir
premièrement, elles ne joueraient qu'en présence d'une abstention
pure et simple. Par contre, une abstention dans l'action devrait être
soumise au même régime que la faute de commission en raison de la
difficulté qu'il y'aurait à distinguer ces deux notions
enchevêtrées dans la même activité d'ensemble.
Deuxièmement, la faute d'abstention pourrait exister au-delà d'un
texte légal ou réglementaire lorsqu'elle serait intentionnelle.
La gravité de la faute aurait ainsi pour effet de rétablir le
pouvoir créateur de la jurisprudence.
A l'inverse, l'autre partie de la doctrine soutient qu'il est
certain d'abord que la violation d'un texte imposant une action
déterminée constitue une faute d'abstention source de
responsabilité civile. Il en est ainsi de l'infraction en droit
pénal de ne pas porter secours aux personnes en danger, lorsque
l'assistance est sous risques pour soi-même et pour les tiers. Mais
l'obligation de ne pas faire est parfois de nature professionnelle elle peut
aussi être consacrée par la jurisprudence au-delà du
contexte strict de l'exercice d'une profession, c'est le cas pour un
prêtre catholique, de ne pas divulguer le secret qui pourrait être
dommageable qu'un fidèle de l'église lui a fait part lors de la
confession, ou encore d'un médecin de garder son silence sur un
diagnostic en vertu du secret professionnel au quel il est lié. A cet
égard, il convient de noter que toute omission dommageable n'est pas
fautive de même que toute action n'engage pas toujours la
responsabilité de son auteur lorsqu'elle cause un dommage. La faute
suppose en amont la reconnaissance par un juge d'un devoir ou d'une obligation
préexistante de faire ou
50 Supra, p. 16
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de ne pas faire51 a la charge de l'auteur. Par
conséquent, il suffit que le principe même de la faute d'omission
soit admis par la jurisprudence pour nier toute différence entre les
actions et les abstentions, parce qu'il est plus difficile de délimiter
les devoirs d'agir que les obligations de ne pas faire. La
référence est plus aisée à cerner lorsqu'elle
correspond à l'homme inactif. De même que les obligations de
surveillance, d'information et de mise en garde, issues du devoir
général de prudence et de diligence, imposent à chacune
des actions positives, l'obligation de sécurité, rattachée
aux mêmes devoirs, peut aussi bien être de faire que de ne pas
faire.
? Faute simple et faute
qualifiée
Depuis le code civil, une faute quelconque d'imprudence ou de
négligence52 suffit en droit congolais pour engager une
responsabilité civile de son auteur. Toute faute est source de
responsabilité, quelle que soit sa gravite, par conséquent, la
gravite de la faute n'a aucune incidence sur l'existence de la
responsabilité.
La faute qualifiée : son régime
peut être particulier a deux égards. En premier lieu,
contrairement au principe de l'unité des fautes, une faute
qualifiée est parfois nécessaire pour engager la
responsabilité de son auteur. Le principe selon lequel toute faute est
source de responsabilité n'est pas intangible en droit positif, la
notion de la faute qualifiée y ressort une exception. En second lieu,
sans être indispensable à l'existence même de la
responsabilité, la faute qualifiée peut dans certain cas, en
affecter le régime.
Si la faute qualifiée n'affecte en principe que les
effets de la responsabilité civile, elle devient, de façon
exceptionnelle, une condition de celle-ci.
Au terme du code du travail congolais, l'employeur engage sa
responsabilité personnelle vis-à-vis de la victime d'un accident
du travail ou d'une maladie professionnelle lorsqu'il a commis une faute
intentionnelle ou inexcusable. Privant l'employeur de son immunité, la
faute qualifiée, intentionnelle ou inexcusable, est une condition
importante à l'existence de la responsabilité personnelle de
l'employeur a l'égard des victimes d'accidents du travail et de maladies
professionnelles.53 Si la faute dolosive ou intentionnelle habilite
la victime a réclamé à l'employeur la réparation de
l'intégralité de son dommage, sur le fondement du droit de la
responsabilité civile, la faute inexcusable de l'employeur produit deux
séries de conséquences aux effets limités. Elle permet
d'abord au travailleur, victime, de prétendre à une majoration de
la rente due par la sécurité sociale en cas d'incapacité
permanente, calculé dans le code de sécurité sociale
français, en fonction du taux réel d'incapacité et du
salaire effectif, conformément à l'article 452-2 CSS. Elle permet
aussi et surtout, la mise à la charge de l'employeur un
complément d'indemnisation, correspondant à la réparation
de certains chefs de préjudices moraux, tels que la souffrance physique
et morale endurée ou le préjudice résultant de la perte ou
de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.
Signalons que deux sortes de fautes qualifiée causent
des conséquences en matière extracontractuelle, il s'agit de la
faute intentionnelle et de la faute inexcusable.
a) La faute intentionnelle
La distinction de la faute intentionnelle et de la faute
simple correspond à celle du délit et du quasi-délit. En
effet, la faute intentionnelle s'entend traditionnellement de la faute
51 Art. 40 à 43 du décret-loi du 30
juillet 1888 portant code civil des obligations.
52 Art. 259 code civil des obligations «
chacun est responsable du dommage qu'il a causé. Non seulement par son
fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. »
53 Art. 104 105, 106 et 107 de la loi n 16/010 du 15
juillet 2016 portant code du travail.
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commise avec la volonté de causer un dommage. La
volonté de l'auteur doit porter non seulement sur l'acte illicite mais
également sur ses conséquences dommageables. La faute dolosive
suppose par conséquent non seulement un acte illicite, mais encore la
preuve concrète d'une intention dommageable en la personne de l'auteur.
Cela explique la raison pour laquelle il appartient aux juges du fond de
constater souverainement les faits d'où ils déduisent l'existence
de la faute délictuelle ou quasi-délictuelle, et la qualification
juridique de la faute relève du contrôle de la cour de
cassation54
b) La faute inexcusable
La notion de la faute inexcusable a fait son apparition dans
la doctrine française en droit du travail. En l'absence de la
définition légale, la jurisprudence s'est fixée sur le
sens qu'il convenait de donner à cette nation dans son arrêt les
chambres réunies du 15 juillet 1941, selon cet arrêt, « la
faute inexcusable s'entend d'une faute d'une gravité exceptionnelle,
dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du
danger que devait en avoir son auteur et de l'absence de toute cause
justificative. » la même définition a été
retenue par la cour de cassation le 20 juillet 1987, concernant la faute
inexcusable de la victime d'un accident de circulation. Selon la cour,
constitue une faute inexcusable « la faute volontaire d'une exceptionnelle
gravité exposant sans raison valable son auteur a un danger dont il
aurait dû avoir conscience. »55 il résulte de
cette définition que la faute inexcusable rassemble à la fois des
éléments objectifs et subjectifs. Nous y trouvons
l'exceptionnelle gravité de la faute ainsi que l'absence de causes
justificatives au comportement de l'auteur. Nous y trouvons également la
faute volontaire et la conscience du danger. La volonté à
laquelle se réfère la Cour porte sur l'acte ou l'abstention
illicite et non sur ses conséquences dommageables.
L'élément volontaire traduit non pas l'existence d'une faute
intentionnelle mais simplement celle de la faculté de discernement. Par
conséquent une personne qui agit en état d'inconscience ne
pourrait commettre une faute inexcusable.56
Cependant, l'unité de la notion de la faute inexcusable
n'a pas tarder à voler en éclat en raison de la diversité
des effets juridiques qui y sont attachés. En effet, si la faute
inexcusable de l'employeur et du transporteur a pour effet d'écarter au
bénéfice des victimes l'irresponsabilité des auteurs du
dommage ainsi que les plafonds légaux d'indemnisation, en revanche, la
faute inexcusable de la victime d'un accident de circulation la prive de son
droit à réparation. Oriente vers l'indemnisation des dommages, le
droit de la responsabilité civile ne pouvait se contenter d'une
définition de la faute inexcusable commune au responsable et à la
victime.
En fin, il est important de souligner qu'en droit
français, l'évolution du droit du travail quant à la
définition de la faute inexcusable ne concerner que la faute commise par
l'employeur, nécessaire à engager la responsabilité de ce
dernier a l'égard de son salarie. Par contre la jurisprudence est
restée elle, fidèle à la définition traditionnelle
de la faute inexcusable en vertu de l'article L.453-1 du CSS.57
54 Cass.fr.civ. 2e, 16.7.1953, J.C.P.
1953. II. 7792, note R. Rodière ; 24.11.1956. D. 163 cité par
KATUALA KABA KASHALA, Code civil zaïrois annoté I, éd.
Batena Ntambua, Kinshasa, 1995, p. 152 n 1
55 Civ. 2e, 20 juillet 1987, (11
arrêts), B II, n 160 note Mireille Bacache-Gibeili op.cit. p. 162
56 Selon l'arrêt de la deuxième
chambre civile du 7 juin 1989 peut commettre une faute inexcusable la personne
placée sous curatelle. Quant à la faute inexcusable d'un enfant
très moins âgé, enfens, elle ne présente pas
d'intérêt, dans la mesure ou un enfant privé de
discernement ne peut être ni employeur ni transporteur.
57 Code de sécurité sociale art.
L-453-1
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