sous-section 2 La faute
La faute n'a pas été définie par la loi
elle-même. Elle donne lieu en doctrine et en jurisprudence a de
nombreuses tentatives de définition théorique que le cadre
général et limité de notre droit ne permet pas de passer
en revue facilement.
Traditionnellement la faute suppose un manquement volontaire
ou involontaire aux dispositions légales qui interdissent l'application
de certains actes. 41
Dans la conception traditionnelle, la faute comportait deux
éléments, un élément objectif consistant dans la
violation d'une obligation ou un devoir préexistant, elle peut portait
sur la violation des textes pénaux, d'ordre administratif (comme des
règlements environnemental ou d'hygiène par exemple), d'ordre
privé (empiéter le terrain d'autrui ou violer la
mitoyenneté d'un voisin). Mais la plupart du temps, elle vise plus la
violation des textes répressifs, c'est dans cette hypothèse qu'on
distingue la faute civile de celle pénale. En principe toute infraction
pénale constitue une faute au point de vue civil, mais ce n'est pas pour
autant qu'elle donne lieu à réparation car, il faut pour ce faire
qu'elle ait entraînée un dommage a une personne. Ainsi les
tentatives punissables en droit pénal n'entrainent pas de dommage
réparable en droit civil. En revanche, beaucoup de fautes ne constituent
pas de délits pénaux suivant le principe du droit pénal
« nullum crimen, nulla poena sine lege ». C'est par exemple
la violation des textes administratifs, la faute elle-même n'est pas
sanctionnée seule la faute civile entrainant un dommage est
sanctionnée, la seule règle probable au civil est « aucune
réparation sans dommage » ou « aucune réparation sans
faute dommageable »42. Et un élément subjectif,
tenant dans l'aptitude psychologique de l'auteur à comprendre la
portée de ses actes et à en discerner les conséquences. La
loi et la jurisprudence ont retenus que le premier élément et le
deuxième a été progressivement écarté par
celles-ci.
La faute supposait la faculté de l'auteur de discerner
les conséquences dommageables de ses actes cet élément
subjectif vu sur un aspect psychologique, permettait à la faute de
moraliser les comportements humains, dans la mesure ou seules entaient
sanctionnées les personnes aptes à comprendre la portée de
leurs actes et donc à les éviter. Cette approche traditionnelle
de la faute, faisait obstacle à la reconnaissance de la
responsabilité personnelle des personnes privées de discernement,
à savoir les personnes atteintes d'un trouble mental d'une part et des
enfants en très bas âges d'autre part. s'agissant des incapables
en trouble mental, la jurisprudence a reconnu leur responsabilité
lorsqu'une faute antérieure était à la base de ce
trouble43 ou alors la faute a été commise dans un
intervalle de lucidité. Quant au enfant en très bas âge, la
jurisprudence n'a pas hésité à assouplir les conditions de
la responsabilité parentale.44
41 KAKUDJI YUMBA Pascal, De l'exercice des
droits des patients dans les établissements de santé de
Lubumbashi, thèse, UNILU, 2014, p. 89.
42 KALONGO MBIKAYI op.cit. p. 224.
43 Civ. 2e, 15 décembre 1965, D.
1966, p. 397, obs. R. Rodière.
44 Civ. 2e, 16 juillet 1969, B II n255,
RTD civ. 1970, p. 575, obs. G Durry, dans le CCC des obligations le
décret-loi du 30 juillet 1888 avait déjà fait mention a
cette alternative à l'art. 260 al. 2 que : « Le père, et la
mère après le décès du mari, sont responsables du
dommage causé par leurs enfants, habitant avec eux. » cet article
fait peser la responsabilité du dommage qu'aurait causé un enfant
au père s'il est vivant mais s'il est décédé c'est
la mère qui doit en répondre à réparation. Mais si,
le père ou la mère prouve qu'ils ont pu empêcher le fait
qui a donné lieu au dommage ceci peut constituer un moyen
d'exonération a cette responsabilité. C'est ce qui ressort de
l'alinéa 4 du même article.
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1.L'élément objectif de la faute
Le code civil ne donne pas de définition de la faute
a-t-on dit mais il fait mention de cette notion à l'article 258 «
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer. » le législateur donne une illustration à
l'article 259 aux termes duquel les fautes intentionnelles d'imprudence et de
négligence sont sources de responsabilité. C'est donc la doctrine
qui s'est donnée la tâche d'en donner la signification, la plus
célèbre, dégagée par Planiol, consiste à
définir la faute comme « le manquement à une obligation
préexistante ».45 cette définition n'a pas pour
autant manqué d'être critiquée. Partant du constat que les
obligations préexistantes ne se réduisent pas à celles qui
ont pour origine une disposition légale ou règlementaire
spécifique, mais s'étendent aux devoirs généraux
consacrés par la jurisprudence.
Il convient à la victime de rapporter la preuve des
faits susceptibles de constituer une faute d'autant plus que, s'agissant d'un
fait juridique, la preuve de la faute peut être rapportée par tous
moyens, le défendeur loin d'être passif s'emploie souvent à
rapporter la preuve des faits de manière à écarter sa
faute, étant donné que, le doute profite à ce dernier,
conformément au principe selon lequel la charge de la preuve incombe
à la victime ; il revient au juge d'apprécier sur la base de ces
éléments, l'existence de celle-ci. A cette fin, le juge, pourrait
choisir entre deux méthodes, celle de l'appréciation in
abstracto et celle de l'appréciation in concreto. La
première consiste à se référer à un
modèle de conduite abstrait prédéterminé, celui
d'un bon père de famille. La deuxième consiste à prendre
en compte les particularités affectant la personnalité de
l'agent, tant physiques telle que l'âge ou l'état de santé,
que psychologiques, culturelles et sociales. Autrement dit, la conduite serait
appréciée par rapport à ce qu'un autre aurait fait
à sa place.
La loi a opté pour par principe la méthode
d'appréciation in abstracto. Cette position est justifiée au
regard de l'impératif de la sécurité juridique que nous
avons déjà fait mention dans la présentation de notre
sujet de recherche.
En dépit du principe de l'appréciation in
abstracto, les cours et tribunaux n'hésitent pas parfois à
faire une concession d'appréciation in concreto, en prenant en compte
certains facteurs personnels d'ordre physique, afin d'évaluer le
comportement de l'agent. Notamment, la cour de cassation française a eu
l'occasion d'affirmer que l'âge de l'enfant devrait être pris en
considération pour apprécier sa faute46
c'est-à-dire, le comportement d'un enfant est comparé à
celui qu'aurait eu, non pas un adulte, mais un autre enfant placé dans
les mêmes circonstances.
2.Les faits justificatifs de la faute
Les faits justificatifs sont des faits de nature à
supprimer le caractère fautif d'un acte ou d'une omission. Ils doivent
être nettement distingues des causes exonératoires, qui elles
supposent en un premier temps, toutes les conditions de la
responsabilité civile et qui ont pour effet, deuxièmement, de
limiter ou d'écarter la responsabilité de l'auteur du dommage,
c'est le cas de la force majeur qui exonère totalement l'auteur de la
responsabilité et de la faute de la victime qui elle, fait
exonérer partiellement le responsable par qui le dommage est survenu.
Contrairement aux causes exonératoires, les faits justificatifs agissent
préalablement, en
45 M. Planiol, traité élémentaire
de droit civil, cité par Mireille Bacache-Gibeili, op.cit. p. 129.
46 Civ. 1er, 7 mars 1989, JPC 1990. II.
21403, note Mireille Bacache-Gibeili, op.cit. p.139.
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supprimant l'une des conditions de la responsabilité
civile en l'occurrence, la faute. Si la distinction entre la cause
d'exonération et le fait justificatif est théoriquement
établit facilement, il en n'est pas de même en pratique plus
délicat de se prononcer. Le code civil congolais ne comporte de
dispositions relatives aux faits justificatif, l'essentiel d'entre eux
résulte d'un emprunt a la responsabilité pénale. Il s'agit
de l'ordre ou de la permission de la loi. Du commandement de l'autorité
légitime et de la légitime défense. L'ordre et la
permission de la loi résulte de l'article... du code pénal livre
premier (...) le nouveau code pénal tel que modifié47
a proscrit très vite ces faits justificatifs pour certaines infractions
limitativement. C'est l'article 23 quater qui dispose que :
« Le fait qu'une des infractions visées par le
titre IX relatif aux crimes contre la paix et la sécurité de
l'humanité a été commise sur ordre d'un gouvernement ou
d'un supérieur, militaire ou civil, n'exonère pas son auteur de
sa responsabilité pénale. »
Il ressort de cet article que la liste des infractions soumis
à ce régime est exhaustive et donc tous les restes des
infractions s'appliquent à la règle de faits justificatifs. Si
l'ordre de la loi constitue une cause d'irresponsabilité pénale
sur fondement de ce texte, ils mettent également obstacle à la
responsabilité civile de l'auteur d'un dommage en supprimant le
caractère fautif de son acte ou de son omission. Ce fait justificatif a
été expressément repris en matière civile en France
par la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait
des produits défectueux au terme duquel, le producteur n'est pas
responsable lorsqu'il prouve que le défaut est dû à la
conformité du produit avec des règles impératives d'ordre
législatif ou règlementaire.48pour autant, l'ordre ou
la permission de la loi ou règlement ne dispense pas l'agent de
respecter le devoir général de prudence et de diligence.
Le commandement donné par l'autorité
légitime peut être légale ou illégale,
il y aura impunité de l'agent qui commet l'infraction
du fait du commandement s'il est légal. Justification de l'ordre ou
commandement par la loi, car le commandement s'appuie sur la loi.
Par exemple, un policer qui agissant sur une commission
rogatoire, du juge d'instruction (ordre, instruction) effectue une
perquisition. La perquisition, est une violation du droit de la personne, mais
justifier car elle est double : commandement de l'autorité
légitime, mais il y a aussi l'ordre de la loi (c'est le code de
procédure pénale qui le prévoit, et la perquisition
elle-même) la véritable justification, c'est l'ordre de la loi (la
loi permet au juge d'instruction de faire une perquisition). Chaque fois
l'autorité prend sa source dans la loi, on a les deux circonstances,
c'est au final la loi qui justifie l'ordre. Le commandement de
l'autorité légitime n'a pas trop d'intérêt.
Quant à la légitime défense, n'est pas
pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte
injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit dans le
même temps un acte commandé par la nécessité de la
légitime défense, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de
la défense employée et la gravité de l'atteinte. Et aussi,
n'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre
l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un
acte de défense autre qu'un homicide volontaire lorsque cet acte est
strictement nécessaire au but poursuivi, dès lors que les moyens
employés sont proportionnés à la gravité de
l'infraction.49
47 Loi n° 15/022 du 31 décembre 2015
modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code
pénal
48 Mireille Bacache-Gibeili, op.cit. p. 148
49 Art. 122-5, 122-6 code pénal
français.
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Le fait justificatif civil ne peut rester le reflet
fidèle des solutions applicables en matière pénale, les
deux responsabilités ne poursuivent pas les mêmes objectifs comme
nous l'avons d'ores et déjà démontré dans
l'étude de la distinction entre la responsabilité civile et la
responsabilité pénale.50 Cette notion a par ailleurs
emprunté au droit pénal une certaine autonomie en matière
civil, soit en soumettant le fait justificatif a un régime particulier
soit en consacrant de nouveaux faits justificatifs pour renforcer cette
autonomie. Il en est ainsi de l'état de nécessité et du
consentement de la victime.
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