2. Un dommage légitime
Ce n'est donc pas un intérêt quelconque qui est
protégé. Il s'agit d'un intérêt digne d'être
pris en considération par la loi, un intérêt qui n'est pas
contraire aux lois qui, cependant, est protégé par la loi.
La notion de dommage légitime est parfois
utilisée par la jurisprudence pour rejeter la demande de
réparation de certaines victimes qu'elle n'estime pas dignes de
protection ou dont les intérêts seraient manifestement illicites
ou immoraux. La victime doit se prévaloir d'un intérêt
légitime ou un intérêt juridiquement protégé
pour obtenir réparation du préjudice qu'elle subit. La
responsabilité civile ne peut en aucun cas protéger les
intérêts qui seraient contraires à la loi, à l'ordre
public ainsi qu'aux bonnes moeurs.
La notion du dommage légitime a intérêt
juridique légitimement protégé fut d'abord
évoqué à l'encontre des concubins, victimes
d'accident32.
La question posée consiste à savoir si la
situation illicite dans laquelle se trouve la victime suffit à rendre
son préjudice illégitime et à écarter toute
indemnisation. En effet, on constate que l'irrégularité de la
situation de la victime ne suffit pas toujours à lui refuser un droit
à indemnisation. C'est le cas à la suite du
proxénétisme, qui est, en droit pénal congolais
constitutif d'une infraction pour autant que la simple prostitution n'est pas
légalisée, qu'une prostituée demande réparation de
son dommage a son proxénète.
La jurisprudence n'a pas renoncé à l'exigence de
légitimité du dommage. Elle accepte de tenir quelque fois compte
de la situation illicite de la victime, pour écarter la demande en
réparation a un dommage résultant de la perte de profits
liés à une activité illicite,
irrégulièrement exercée par exemple.
De même, une concubine qui perd un amant dans un
accident, ne peut agir en dommages intérêts contre l'auteur de
l'accident car son dommage ne constitue pas la violation d'un
intérêt juridiquement protégé, la loi ne
protège que les relations de mariage. En France, depuis l'arrêt de
la chambre mixte du 27 février 1970,33 la jurisprudence a
évolué. La tendance est d'exiger « un intérêt
socialement protégé » cette tendance, fut d'abord
invoquée pour écarter la réparation des dommages subis par
ricochet, le principe avait été clairement pose par la
30 Mireille Bacache-Gibeili, op.cit. p. 346
31 Cité par Mireille Bacache-Gibeili, op.cit.
p. 347
32 Mireille Bacache-Gibeili, op.cit. p. 355
33 KALONGO MBIKAYI, op.cit. p. 221
2018-2019 (c)Faculté de Droit
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2018-2019 (c)Faculté de Droit
34 Mireille Bacache-Gibeili, op.cit. p. 356
chambre civile dans l'arrêt du 27 juillet 1937. Selon la
cour, les relations de concubinage « ne peuvent en raison de leur
irrégularité même, présenter la valeur
d'intérêts légitimes juridiquement protégés
». Cette position a par la suite été progressivement
abandonnée, en raison de l'évolution des mentalités face
à ce mode de vie en couple sans doute. En effet, la chambre criminelle a
adopté une position opposée à celle de la chambre civile,
dans l'hypothèse d'un concubinage stable et non
adultérin34, c'est le conflit entre les chambres qui a
amené la chambre mixte du 27 février 1970 à prendre
position en faveur de la chambre criminelle.
En revanche, un certain pouvoir est laissé à
l'équité du juge pour apprécier la
légitimité d'un intérêt.
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