Le statut du parlement sous la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée.par Dieumerci KIMFUTA KINZAMBI Université Kongo - Graduat en droit public 2016 |
§ 3. La fonction de contrôleAvec la Constitution du 18 Février 2006 telle que révisée à nos jours, la fonction de contrôle fait son entrée dans les préoccupations du Parlement et de la communauté nationale. En effet, l'article 100 de la Constitution du 18 février 2006 révisée à nos jours met en évidence les deux fonctions à savoir la fonction de législation et la fonction de contrôle. Singulièrement, l'alinéa 2 de cet article susvisé dispose que « Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, le Parlement vote les lois. Il contrôle le Gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et les services publics. » Cette disposition montre sans moins doute que la fonction parlementaire de contrôle est bel et bien une affaire constitution. En d'autres termes, cette disposition constitue le fondement juridique du contrôle parlementaire. Commentant l'articlede la Constitution cité ci-haut dans son alinéa 2, D. Wathum Jacam, B. Tabalo Maakabi et A. Lugoma Lumbu notent : « La mission de contrôle est une des prérogatives constitutionnelles reconnue à chacune des chambres parlementaires (...) en vue de s'assurer de la bonne application des dispositions constitutionnelles, légales et réglementaires, de manière à promouvoir la bonne gouvernance et lutter contre l'impunité.»30(*) Le contrôle parlementaire constitue un instrument de bonne gouvernance dans la mesure où le contrôle reste une des fonctions capitales du management public car il s'exerce au sein de services publics et de chaque institution et le contrôle est la courroie de transmission de bonne gouvernance, puisqu'il garantit le respect d'un certain nombre de valeurs démocratiques et républicaines. Parmi ces valeurs nous avons : - L'Etat de droit, c'est-à-dire le fait que nul ne peut se mettre au -dessus de la loi et que tout manager public ou privé doit gérer, agir et se comporter conformément aux lois et aux règles établies ; - La responsabilité, qui est l'obligation de rendre compte devant l'autorité attitrée, de se justifier et de prouver qu'on a agi en bon père de famille dans la gestion des affaires dont on la charge. Ainsi, le Président de la République et les parlements rendent compte devant le peuple souverain, tandis que le Gouvernement rend ses comptes devant le Chef de l'Etat et les Assemblées parlementaires ; - La bonne gestion des ressources disponibles pour le grand bien du propriétaire original, en l'occurrence les populations, source de légitimité des autorités publiques. Ceci implique qu'il faille éviter de confondre le bien public du bien privé. Et ils renchérissent cette idée en ces termes : « l'objectif du contrôle est de promouvoir l'efficience et l'efficacité dans la gestion des affaires publiques, de limiter le gaspillage des ressources publiques, de réunir des éléments pour toute sanction éventuelle, de produire un impact sur le développement économique et humain et, par voie de conséquence, de contribuer au bien-être de la population. »31(*)La fonction de contrôle apparait ainsi comme corollaire indispensable de la bonne gouvernance. Le contrôle que le Parlement Congolais a la compétence s'exerce de la manière suivante : Primo, le contrôle parlementaire dans le cadre des relations inter- institutionnelles. Il est bel et bien question de contrôle que l'institution législative entretient avec les autres institutions. Pour ce contrôle, il sied, de prime abord, de retenir que les deux chambres du Parlement entretiennent officiellement des relations entre elles, dans le cadre : 1. De la navette parlementaire, dans la mesure où tout projet ou toute proposition de loi est examiné par les deux Chambres en vue de l'adoption d'un texte identique en vertu de l'article 135 de la Constitution sous examen. 2. Du congrès, c'est-à-dire les deux Chambres se réunissent en vue de la procédure de révision constitutionnelle, l'autorisation de la proclamation de l'état d'urgence ou de l'état de siège et de la déclaration de la guerre, l'audition du discours du Président de la République sur l'état de la Nation, la désignation de trois membres de la cour constitutionnelle sur pied de l'article 119 de la même Constitution. Par-là, il nous revient sans ambages d'affirmer que « le contrôle se présente comme un moyen par lequel le Parlement national vérifie le bon comportement du gouvernement ainsi investi, la bonne application du programme d'actions approuvé, la bonne application des lois, règlements et le budgets du secteur public.»32(*) En ce qui concerne les relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Il n'est pas moins important de rappeler un principe contenu dans la Constitution dans son article 149 alinéa 1en ces termes, le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Néanmoins, le Parlement exerce un brin d'influence vis-à-vis du pouvoir judiciaire pour autant que «c'est le pouvoir législatif qui trace le cadre à l'intérieur duquel se limite l'action de chaque pouvoir public et vote le budget.» Cela revient à dire que « c'est par la loi, que le Parlement définit le statut des magistrats et crée les organes du pouvoir judiciaire tels que le Conseil supérieur de la magistrature, la Cour de cassation, la Cour constitutionnelle, le Conseil d'Etat, ainsi que les juridictions spécialisées (art 149, Alinéa 6 de la Constitution). C'est aussi par le mécanisme qu'est examiné et voté le budget des Cours et des garde-fous contre les excès de pouvoir éventuels des Cours et tribunaux.» L'intervention du Parlement vis-à-vis du pouvoir judiciaire s'avère indispensable pour le redressement de ce gros appareil public. Et les experts en Parlement nous enseignent cependant qu'au nom de l'indépendance de la magistrature, le Parlement ne contrôle pas l'action du pouvoir judiciaire, surtout pas l'action consistant à dire le droit. A contrario, les cours et tribunaux ont développé, en leur sein, des mécanismes d'auto-contrôle, entre autres, le principe d'appel ou de double degré de juridiction, ainsi que les mesures disciplinaires édictées par le Conseil supérieur de la magistrature. Dans le même ordre d'idée, nous pouvons souligner que le Parlement national a le pouvoir de traduire, devant les Cours et tribunaux, tout celui qui se serait compromis dans l'exercice de ses fonctions publiques ou qui aurait été impliquée dans la mégestion des ressources nationales. Le Parlement national a pleine compétence de contrôler l'exercice des fonctions des hautes personnalités de la République tels que le Président de la République, le Premier ministre, les ministres et leurs vices, les directeurs généraux des entreprises, etc. le cas échéant, de les traduire devant les juridictions compétentes. Secundo, l'auto-contrôle au sein du Parlement. L'existence des mécanismes au sein du Parlement n'a pas objectif que de prêcher par l'exemple en tant qu'autorité de contrôle et surtout de ne pas faire croire en apparence de se mettre au sommet de la loi. Cette logique découle d'un principe général de droit « Tu legem patere quam fecisti : Tu dois subir la loi que tu as posée ». L'auteur d'une loi, norme est tenu de la respecter. A vrai dire, le Bureau est responsable de sa gestion devant la plénière dont il tire sa légitimité. Selon le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, il(Bureau) fait rapport de sa gestion au début de chaque session ordinaire. A son tour, l'assemblée plénière constitue, en son sein, une commission spéciale de comptabilité et de contrôle des ressources, qui exerce son contrôle sur les six derniers mois précédent la création. Sur base du rapport de cette commission, la plénière peut décider d'engager des poursuites judiciaires à l'endroit d'un ou de plusieurs membres de Bureau et décider de leur faire perdre leurs fonctions audit bureau. Le Bureau de l'Assemblée nationale est inféodé à la fonction de contrôle du Parlement, mais cela est limité uniquement aux matières des finances et des ressources. Tertio, le contrôle de l'exécution du budget. La problématique budgétaire occupe une position à part dans la gestion des affaires de l'Etat. Effectivement, la gestion des ressources publiques attire d'innombrables intérêts en même temps qu'elle peut entraîner à tant de faits répréhensibles. En conséquence, le contrôle de la gestion de budget de l'Etat mérite qu'on s'y arrête. En plus, notons que les outils de contrôle qui seront développés ici-bas sont utilisables en matière de budget. En effet, la loi de reddition des comptes ou la loi de règlement représente sans moindre hésitation un « contrôle parlementaire à postériori.» De toute évidence, « la loi de règlement constate les résultats et les prévisions de la loi de finances de l'année complétée, le cas échéant, par ses lois rectificatives.» A partir de cette loi, le Parlement peut se rendre compte de la manière dont le budget de l'année écoulée a été exécuté. Et l'article 193 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ajoute à cet effet que la commission économique et financière recueille trimestriellement les documents et renseignements relatifs à l'exécution du budgétaire en vue de permettre un contrôle efficace du budget de l'Etat. La commission économique et financière élabore un calendrier trimestriel de contrôle de l'exécution budgétaire qu'elle soumet pour approbation à l'Assemblée plénière.» Tout ce qui précède nous pousse à nous interroger sur les outils ou les moyens de contrôle dont dispose le Parlement pour exercer efficacement cette fonction. Cette préoccupation est résolue par l'article 138 de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée qui dispose : Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, les moyens d'information et de contrôle de l'Assemblée nationale ou du Sénat, sur le Gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics sont : -la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote ; -la question d'actualité ; -l'interpellation ; -la commission d'enquête ; -l'audition par les Commissions. Ces moyens de contrôle s'exercent dans les conditions déterminées par le Règlement intérieur de chacune des Chambres et donnent lieu, le cas échéant, à la motion de défiance ou de censure, conformément aux articles 146 et147 de la présente Constitution. S'agissant de la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivie de vote, comme les soulignent les experts du parlement, elle « est adressée à un membre du Gouvernement ou à tout gestionnaire public afin de l'amener à s'expliquer, sur un problème relevant de sa compétence et, ce, oralement au cours d'une séance plénière d'une des chambres parlementaires ou plutôt par lettre missive.» La question orale ou écrite permet aux parlementaires de s'imprégner ou de s'informer sur les desseins du Gouvernement à une question donnée ou décision, sur les motivations du Gouvernement à une décision prise et aussi sur la responsabilité d'un membre du Gouvernement à la suite d'une incidence ou d'un accident dans lequel le Gouvernement d'une manière ou d'une autre aurait pris une certaine part. Les exemples plus éclairants à ce sujet sont les suivants : les exactions commises par les éléments des forces armées, les calamités naturelles, le licenciement massif et ou illégal des travailleurs, le détournement des deniers publics, etc. En ce qui concerne la question d'actualité, elle est dite ainsi lorsque son initiateur pense qu'elle focalise largement l'opinion du moment et, dans ce cas, la question et la réponse de l'autorité concernée sont données de manière solennelle, de préférence au cours d'une séance publique radio-télévisée. Parlant de la commission d'enquête, les mêmes experts en Parlement affirment qu' « elle implique une descente sur terrain et a pour objet de recueillir les éléments d'informations les plus complets sur des faits déterminés dont l'Assemblée nationale et le sénat ne sont pas ou sont insuffisamment éclairés et de soumettre ses conclusions à la plénière. Elle peut aussi être chargée d'examiner la gestion administrative, financière et technique d'une entreprise publique, d'un établissement ou service public ». La commission d'enquête permet au Parlement d'avoir la maitrise des informations sur la politique du gouvernement et la gestion des entreprises et établissements publics. Et l'article 189 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale explicite cette mission de la commission d'enquête en disposant que « en sus de leurs attributions législatives, commissions permanentes assurent, dans les limites de leurs spécialités respectives, l'information de l'Assemblée nationale aux fins de l'exercice de son contrôle sur la politique du Gouvernement et la gestion des entreprises publiques, des établissements et des services publics, par l'audition des membres du Gouvernement et des gestionnaires de ces entreprises, établissements et services. » Sur la question de la fonction de contrôle, il n'est pas superflu de noter que le Parlement congolais dispose de grandes sanctions contre le gouvernement et le membre du gouvernement et les hautes personnalités des entreprises publiques. Parmi ces sanctions nous avons : · La mise en accusation des membres du Gouvernement ; · Le vote d'une motion de censure du Gouvernement, avec conséquence, la démission de l'ensemble de l'équipe exécutive ; · Le vote d'une motion de défiance impliquant la démission d'un membre du Gouvernement (article 146 de la Constitution). La décision de poursuite même que la mise en accusation des membres du Gouvernement sont votées par l'Assemblée nationale à la majorité absolue des membres en conformité à la procédure prévue par le règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Conformément à l'article 166, alinéas 2 et 3 de la Constitution, les membres du Gouvernement mis en cause présentent leur démission. Par cette notion, nous pouvons aborder la problématique du parlement face au gouvernement. * 30 Wathum Jacam D., Tabalo Maakabi B., et Lugoma Lumbu A., Le député et sa fonction de contrôle, in Mandat, Rôles et Fonctions des pouvoirs constitués dans le nouveau système politique de la République DémocratiqueduCongo, Kinshasa, Pnud, 2007, p. 158. * 31Idem. * 32 Ibid. |
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