CHAPITREI. LES CRITERES D'ELIGIBILITE AUX REGIMES
D'IMPOSITION
Dans le contexte historique marqué par une crise
économique poignante et un accroissement météorique des
besoins sociaux, il fallait trouver un moyen efficace et stable de mobiliser le
maximum de recettes consistantes et permanentes. La refonte des régimes
d'imposition se trouve assurément être la panacée pour deux
raisons : simultanéité absolue du prélèvement
fiscal et de la distribution du revenu qui renforce par ailleurs la
possibilité d'utiliser l'impôt comme outil de politique
économique conjoncturelle57; l'étalement du payement
de l'impôt sur l'année en autant d'échéances qu'il y
a de transactions taxables, renforce de ce fait la capacité permanente
de l'administration à faire face aux besoins
exprimés58.La fiscalité camerounaise est un domaine en
perpétuelle réforme. Ainsi, à chaque loi de finances, des
nouveautés sont introduites, dans une logique d'incitation
économique nouvelle ou pour répondre au souci de tel ou tel
secteur économique, ou telle catégorie sociale. A la longue, le
système a perdu en lisibilité et a très largement
renforcé la doctrine administrative, qui, via les circulaires de la
Direction Générale des Impôts ou ses autres publications,
fixe la manière dont la loi doit être
interprétée59. Cet état de faits est
constaté lors des révisions fiscales où l'écart
d'interprétation des textes entre l'administration et les agents
économiques, même les plus transparents, peuvent
représenter plusieurs années de résultat. Il en
découle un sentiment d'aléa fiscal très largement
répandu auprès des entreprises comme des particuliers. Le
régime d'imposition de l'entreprise est celui qui permet de
déterminer si le contribuable est imposé selon le régime
réel ou celui du simplifié. Pour y parvenir, il convient
d'analyser les critères d'éligibilité des nouveaux
contribuables (Section I) ensuite les critères
d'éligibilité des anciens contribuables (Section II).
57 Inspiré par le rapport de l'inspection
générale des finances françaises rédigé en
1970 par Pierre BILGER et Jacques DELMAS portant sur une critique du
système de recouvrement en France et les propositions de
réforme.
58 Le déséquilibre né de la
répartition disproportionnée dans le temps des ressources de
l'état pose généralement le problème de
rationalité des interventions : gaspillage en période de
surliquidité les gestionnaires de crédits étant pour
l'essentiel portés vers l'exécution des dépenses peu
opportunes.
59 MIMO NALWANGO (M), Analyse de la performance
financière d'une entreprise hôtelière. Cas de l'hôtel
"VIP Palace", Rapport de stage, Licence en comptabilité, Institut
Supérieur de Commerce de Goma, année 2009, 116p. p. 53.
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Section I. Les critères
d'éligibilité des nouveaux contribuables
Jusqu'au 31 décembre 2011, trois variables permettaient
de classer les contribuables dans un régime d'imposition :
critère fondé sur la forme juridique ; le critère
fondé sur l'activité particulière ; le critère
fondé sur le montant du chiffre d'affaires hors taxes. Les modifications
apportées à la législation fiscale dans le cadre de la loi
de finances pour l'exercice 2012 sont dans leur majorité,
marquées du sceau de la réforme. La réforme porte d'abord
sur le chapitre de l'élargissement de l'assiette où les
changements intervenus concernent les régimes d'imposition, dont le
nombre passe de quatre à trois, avec des incidences sur les obligations
déclaratives et comptables et sur l'assujettissement à la TVA. En
droit fiscal camerounais, les critères d'éligibilité des
nouveaux contribuables, notamment ceux du régime simplifié
(Sous-section1) varient en fonction de la nature d'activité et du
chiffre d'affaires prévisionnel, par contre au régime réel
(Sous-section2), l'on tient uniquement compte du chiffre d'affaires
réalisé et de l'accroissement des investissements.
Sous-section 1. Les contribuables du
régime simplifié
L'admission des nouveaux contribuables au régime
simplifié est conditionnée par l'exercice de certaines
professions et du chiffre d'affaires prévisionnel. Ce qui permet de
distinguer d'une part l'éligibilité par régime automatique
(A) et l'éligibilité optionnelle (B).
A. L'éligibilité par régime
automatique
Le régime automatique est le régime auquel
appartient le contribuable compte non tenu de son chiffre d'affaires annuel
réalisé, de sa forme juridique et de son secteur
d'activité. Ainsi on peut classer les régimes automatiques en
deux grandes catégories : le régime automatique des professions
libérales (1) et le régime automatique des exploitants forestiers
(2).
1. Le régime des professions
libérales
Le régime automatique concerne uniquement les
contribuables du régime simplifié nouvellement
immatriculés. Relèvent au moins du régime
simplifié, les professions libérales nouvellement
immatriculées et donc le chiffre d'affaires est encore inexistant. Il en
est de même des anciens contribuables des professions libérales
qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à dix (10)
millions. Le régime automatique est un régime
prédestiné qui ne tient pas compte de la taille de l'entreprise,
de son chiffre d'affaires et de son secteur d'activité.
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Ce sont les régimes octroyés d'office. C'est le
régime minimal catégoriel des professions libérales.
Autrement dit, les personnes physiques ou morales, exerçant nouvellement
l'activité des professions libérales sont d'office
classées au moins au régime simplifié, cela suppose deux
choses : d'abord qu'elles ne peuvent jamais être admises au régime
de l'impôt libératoire même avec un chiffre d'affaires de
zéro franc CFA, ensuite qu'elles sont assujetties de plein droit
à la contribution des droits de patente. Le chiffre d'affaires n'est pas
un critère de classification des professions libérales à
ce régime d'imposition. En pratique l'activité des professions
libérales se confond aisément avec celle des professions
règlementées. Il convient cependant de délimiter la notion
de professions libérales (a) avant de la confronter à celle de
professions règlementées (b).
a. La délimitation de la notion de professions
libérales
L'absence d'une définition légale,
précise, des professions libérales s'explique par la
diversité des activités classées dans la catégorie
des bénéfices des professions non commerciales surtout que cette
catégorie est considérée comme une catégorie «
fourre tout »60 et par l'existence de deux catégories de
professions libérales :celles qui sont organisées dans un ordre
professionnel ou réglementé :les experts-comptables, les conseils
fiscaux, les avocats, les médecins, les architectes, les chirurgiens,
les dentistes, les huissiers, les notaires, etc. ; celles qui ne sont pas
organisées dans un ordre professionnel ni réglementées :
conseils juridiques, bureaux d'études, etc.
C'est pourquoi, on doit chercher en priorité les
critères distinctifs des professions libérales. Le Grand Larousse
définit la profession libérale comme celle qui a pour objet un
travail intellectuel effectué sans lien de subordination entre celui qui
l'effectue et celui pour le compte de qui il est effectué, et dont la
rémunération ne revêt aucun caractère commercial ou
spéculatif. Le Professeur Habib AYADI définit les professions
libérales en ces termes : « il s'agit de professions dans
lesquelles l'activité intellectuelle joue le principal rôle et qui
consistent en la pratique personnelle, et à titre indépendant,
des activités suivantes : médecins, chirurgiens, avocats,
experts-comptables, conseils-fiscaux et juridiques, géomètres,
vétérinaires, dentistes, sages femmes, infirmiers et
assimilés, architectes, artistes-peintres, sculpteurs,
ingénieurs-conseils, huissiers notaires etc....
».61
Selon Jean SAVATIER, les professions libérales sont :
« des professions où l'activité intellectuelle joue le
principal rôle et qui consistent en la pratique personnelle d'une
science
60 Habib AYADI, Droit fiscal : l'impôt sur le
revenu des personnes physiques et impôt sur les sociétés
CERP 1996, Tunis 1996, 126p. p. 87 et s.
61 Ibidem, p. 141.
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ou d'un art. Leurs titulaires exercent leur
activité en toute indépendance ce qui les distingue des
salariés et leurs biens et actes sont en principe régis par le
droit civil, ce qui les distingue des commerçants
».62L'administration fiscale tunisienne retient la
définition suivante : « on entend par professions
libérales, celles où l'activité intellectuelle joue le
rôle principal et qui consiste en la pratique personnelle d'un art ou
d'une science que l'intéressé exerce en toute indépendance
».63
L'Administration Fiscale camerounaise la définit comme
toute profession exercée sur la base de qualifications
appropriées, à titre personnel, sous sa propre
responsabilité et de façon professionnellement
indépendante, en offrant des services dans l'intérêt d'un
client64.
A partir de ces définitions, on peut constater les
principales caractéristiques des professions libérales à
savoir : la prépondérance de l'activité intellectuelle,
l'indépendance, la pratique personnelle.
b. Les professions règlementées
Contrairement aux professions libérales, toutes les
professions règlementées ne sont pas libérales. De plus,
nombres de professions règlementées n'ont pas une admission
automatique à un régime d'imposition. Selon le législateur
camerounais, la profession règlementée, désigne, de
manière précise, toute profession encadrée par des lois ou
des règlements et soumise à une régulation ou à un
encadrement des pouvoirs publics65. Une activité
réglementée est une activité dont l'exercice
nécessite de posséder un diplôme ou une qualification
spécifique. L'exercice de ces activités est subordonné au
respect de critères d'accès ou à des conditions d'exercice
qui font l'objet d'un encadrement réglementaire imposé par
l'État. Les professions réglementées font l'objet d'une
liste qui ne peut être exhaustive compte tenu du fait que ces
activités touchent un très grand nombre de secteurs
d'activités.
Au Cameroun, il existe treize (13) professions
règlementées66. Contrairement aux professions
libérales, l'exercice d'une activité réglementée
suppose d'obtenir une autorisation préalable, un agrément ou une
habilitation qui diffère selon la nature de l'activité
exercée. Certaines professions réglementées
nécessitent d'obtenir un agrément. Cet agrément est
délivré par l'autorité concernée qui valide la
conformité des conditions d'exercice de la profession. C'est
62 SAVATIER (J), « La profession
libérale », Thèse, Paris 1947, rapporté par Hajer
GARBAA dans « l'imposition des revenus des professions libérales
» Mémoire de DEA, année 1996/1997, 299p, p. 107.
63 GARBAA (H), L'imposition des revenus des
professions libérales, Mémoire de DEA, Université du Sud,
Ecole Supérieure de Commerce de Fsax, année 1996/1997, 212p, p.
150.
64 Circulaire précisant les modalités
d'application des dispositions fiscales de la loi n° 2011/020 du 14
décembre 2011 portant loi de finances de la République du
Cameroun pour l'exercice 2012.
65 Ibidem.
66 Voir loi de finances de l'exercice 2012.
le cas notamment des pharmaciens qui doivent justifier d'un
diplôme et d'une autorisation administrative. D'autres professions
réglementées, comme les auto-écoles, ne peuvent être
exercées qu'après avoir reçu une habilitation par
l'État. Certaines activités impliquent que soient
respectés les critères d'accès d'un ordre c'est le cas des
experts-comptables, des architectes, des avocats ou encore des notaires.
2. Le régime des exploitants
forestiers
Au regard de la mobilisation d'importants moyens financiers et
logistiques que nécessite une entreprise d'exploitation
forestière, le législateur camerounais a jugé bon de
classer cette catégorie de contribuables à un régime
minimal à savoir le régime simplifié. Ainsi, sont
classés de plein droit au régime simplifié, les
exploitants forestiers qui ne justifient pas d'un chiffre d'affaires minimum
requis pour le régime réel. Rappelons que l'activité
forestière dont il est question ici est celle qui s'exerce en
conformité avec la loi fiscale. Ce qui exclut les exploitants
clandestins des forêts. Toute personne physique ou morale désirant
exercer une activité forestière doit être
agréée suivant des modalités fixées par
décret. Les titres d'exploitation forestière ne peuvent
être accordés qu'aux personnes physiques résidant au
Cameroun ou aux sociétés ayant leur siège et dont la
composition du capital social est connue de l'Administration chargée des
forêts67. Sont considérées comme forêts,
les terrains comportant une couverture végétale dans laquelle
prédominent les arbres, arbustes et autres espèces susceptibles
de fournir des produits autres qu'agricoles. Les entreprises forestières
considérées dans ce cas sont celles qui exploitent les
forêts selon la règlementation en vigueur. Au fur et à
mesure que le chiffre d'affaires s'accroît, l'entreprise est
amenée à changer de régime. Ainsi, elle quittera le
régime simplifié pour être classé au régime
réel.
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