A- Le contexte historique du sujet
La nécessaire mais délicate conciliation des
prérogatives de l'administration et des contribuables peut être
recherchée par une intervention du législateur notamment en
réorganisant la population fiscale et les centres des impôts, en
fonction des régimes d'imposition.
Soulignons que la mise en place des régimes d'imposition
au Cameroun n'est pas le fruit de l'imagination d'un expert en
fiscalité. Elle découle d'un long processus qui remonte avant
l'indépendance du Cameroun. Tout comme la TVA est fille du
hasard23, le régime d'imposition est le fruit d'un long
tâtonnement.
En 1919, les indigènes gouvernés à
l'époque par Lucien FOURNEAU, connaissaient eux aussi l'impôt sur
le chiffre d'affaires dénommé taxe sur la
consommation.24Elle frappait
20 KAMEUGNE NUADJE (T), op cit, p. 417.
21 KASEREKA MAPENDO (P-O), La fiscalité
congolaise face aux enjeux de la décentralisation, Université
Protestante du Congo, Licence 2007, 102p. p. 29.
22 KAMEUGNE NUADJE (T), op cit, p. 418.
23 NZAKOU (A), Difficultés comptables et
fiscales, tome II, 5e éd, Imprimerie saint Paul,
Yaoundé, p. 67.
24 Arrêté du 28/11/1919 portant
régime de l'impôt sur le chiffre d'affaires.
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sélectivement certains produits : allumettes 15000frs
les 100kgs, arme à feux 500frs la pièce, etc.
A la veille de l'indépendance en 1960, le Cameroun
hérite d'une taxe sur le chiffre d'affaires déjà
appelée TCA. Son taux est de 5%. En 1962 un régime de faveur est
accordé aux entreprises industrielles installées au Cameroun.
Ainsi, coexistent deux (02) régimes : le régime
général (celui de l'ICAI l'Impôt sur le Chiffre d'Affaires
Inférieur) et le régime privilégié (celui de TIP,
Taxe Intérieure à la Production) réservée aux
entreprises industrielles. Le 1er et le 16 de chaque mois, les
entreprises soumises au régime de la taxe intérieure à la
production doivent déposer au bureau des douanes de rattachement, une
déclaration en double exemplaire du modèle U1 (D21), reprenant
les quantités, nature et valeur des produits fabriqués et mis
à la consommation sur le territoire national au cours de la quinzaine
précédente, que ce soit en sortie d'usine.25 Au
lendemain de l'indépendance en 1965, un régime de faveur est
octroyé par l'UDEAC, aux entreprises nationales dont le marché
s'étend à plusieurs Etats de l'Union ; c'est le régime de
la taxe unique (TU). Le système de la taxe unique prévoit que le
bien soit taxé une seule fois sur sa valeur finale, ce qui suppose deux
choses : soit que l'ensemble du système est détaxé
jusqu'à la dernière transaction, soit que la taxation se fait
à chaque transaction sur la valeur ajoutée au produit du vendeur.
C'est d'ailleurs ce système qui s'applique en matière de TVA et
de droits d'accises. Jusqu'en Janvier 1994, subsistaient alors trois
régimes : régime de la TIP, régime de la TU, et
régime de l'ICAI (l'Impôt sur le Chiffre d'Affaires
Inférieur).
La TCA (Taxe sur le Chiffre d'Affaires) est rendue
exécutoire au Cameroun en Janvier 199426 et toutes les taxes
antérieures sur le chiffre d'affaires supprimées (ICAI, TIP,
TU)27.
La loi n° 04/002 du 01 juillet 1994 portant loi de
finances de la République du Cameroun pour l'exercice1994/1995, met sur
pied trois nouveaux régimes d'imposition de la TCA28. Il
s'agit de la TCA selon le régime du réel, elle concerne les
personnes physiques imposables qui réalisent un chiffre d'affaires
annuel supérieur à 20 millions de francs. La TCA selon le
régime du forfait s'applique aux personnes physiques dont le chiffre
d'affaires n'atteint pas la limite sus mentionnée. Elles peuvent
néanmoins opter pour le régime réel, à condition
25 Ordonnance n° 94/002 du 24/01/1994. Voir
aussi la loi n° 04/002 de la 01/07/1994, portant loi de finances de la
République du Cameroun pour l'exercice 1994/1995.
Ordonnance n° 94/002 du 24/01/1994. Voir aussi la loi
n° 04/002 de la 01/07/1994, portant loi de finances de la
République du Cameroun pour l'exercice 1994/1995.
27 Lire l'article 5(1) de la loi n° 04/ 002 du
01 juillet 1994 portant loi de finances de la République du Cameroun
pour l'exercice 1994 / 1995.
28 Voir article 17(nouveau) la loi
précitée.
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qu'elles tiennent une comptabilité
régulière. La TCA libératoire quant à elle s'impose
aux redevables dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7.5
millions.
En 1996, la TCA selon le régime du forfait est
transformé en régime simplifié d'imposition. Relève
de ce régime les producteurs et les prestataires de services dont le
chiffre d'affaires annuel est compris entre (5) cinq millions et trente (30)
millions. Les commerçants dont l'activité principale consiste
à vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées
à emporter ou à consommer sur place et dont le chiffre d'affaires
annuel est compris entre quinze (15) et cent (100) millions. Les exploitants
agricoles, les éleveurs et les pêcheurs dont le chiffre d'affaires
est compris entre 5 et 30 millions les transporteurs interurbains de personnes
par minibus et cars de moins de cinquante (50) places assises. La TCA selon le
régime du réel devient le régime des
bénéfices réels. Ce régime est optionnaire pour les
contribuables capables de satisfaire à certaines exigences
fiscales29. Les contribuables qui souhaitent opter au régime
des bénéfices réels doivent notifier leur choix à
l'inspecteur des Impôts avant le 1er août de
l'année d'imposition. L'option est irrévocable pendant 3 (trois)
ans renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation dans les 3
(trois) derniers mois de la période triennale. Cette option emporte
effet en matière de Taxe sur le chiffre d'affaires (T.C.A). La TCA
libératoire quant à elle se transforme en l'impôt
libératoire. Ce régime appartient aux contribuables
exerçant une activité commerciale ou industrielle ne relevant ni
du régime du bénéfice réel, ni du régime
simplifié d'imposition, sont soumis à un impôt
libératoire exclusif du paiement de la patente, de l'impôt sur le
revenu des personnes physiques et de la taxe sur le chiffre
d'affaires30. L'impôt libératoire est liquidé
par les services des Impôts en application du tarif arrêté
par les collectivités publiques locales bénéficiaires du
produit de cet impôt à l'intérieur d'une fourchette
fixée par catégorie d'activités imposables. Le
1er janvier 1999, la TVA entre en vigueur en remplacement de la
TCA31. Le régime réel simplifié s'ajoute et
ainsi sont imposables selon le régime réel simplifié les
personnes physiques assujetties, dont le chiffre d'affaires annuel est compris
entre 60 et 100 millions de Francs CFA. Elles peuvent néanmoins opter
pour le régime réel, cette option est
irrévocable32. Les modalités pratiques du
régime du réel simplifié sont fixées par
décret. Le mécanisme de calcul dans le régime réel
simplifié se fait exactement comme
29 Selon l'article 45 (nouveau) de la loi n°
96/08 du 01 Juillet 1996 portant loi de finances de la République du
Cameroun pour l'exercice 1996/1997.
30 Article 50 (nouveau) loi précitée.
31 Loi n° 98/001 portant loi de finances pour
l'exercice 1998-1999 en République du Cameroun.
32 Article 8 (1) de la loi n° 98/001 portant
loi de finances pour l'exercice 1998-1999 en République du Cameroun.
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dans le régime du réel : facturation de la TVA
à collecter en aval, récupération de la TVA payée
en amont avec décalage d'un mois. Le régime du réel encore
appelé réel normal et celui du réel simplifié se
distinguaient sur deux aspects principaux au niveau de la
périodicité de la déclaration (mensuelle dans le
régime réel, trimestrielle dans le régime réel
simplifié) ; au niveau des contraintes comptables33. Le
régime du réel simplifié devient plus tard le
régime de base par la loi n° 99/007 du 30 juin 1999 portant loi des
finances de la République du Cameroun pour l'exercice 1999/2000.
La loi de finances de l'exercice 2000 supprime le
régime réel simplifié et adopte le régime de base
par une disposition de l'article 44 nouveau. Elle maintient ainsi à
quatre le nombre le régime d'imposition à savoir : le
régime réel, le régime simplifié, le régime
de base, le régime de l'impôt libératoire.
A la faveur de la loi n° 2011/020 du 14 décembre
2011 portant loi de finances de la République du Cameroun pour
l'exercice 2012, le législateur camerounais a entrepris de
réorganiser les régimes d'imposition des revenus. Les
modifications apportées à la législation fiscale dans le
cadre de cette loi, sont dans leur majorité marquées du sceau de
la réforme. La réforme sur le chapitre de l'élargissement
de l'assiette où les changements intervenus concernent : les
régimes d'imposition, dont le nombre passe de quatre à trois,
avec incidences sur les obligations déclaratives et comptables et sur
l'assujettissement à la TVA. Le chiffre d'affaires devient le
critère dominant pour l'éligibilité aux différents
régimes d'imposition. Jusqu'à la loi de finances de l'exercice
2011, les contribuables étaient rattachés à quatre (04)
régimes d'imposition suivant leur chiffre d'affaires et leur forme
juridique. La loi de finances de l'exercice 2012 vient consacrer la suppression
du régime de base. Elle ramène ainsi à trois, le nombre de
régimes d'imposition, en même temps qu'elle fait du chiffre
d'affaires minimum exigé le principal critère de
l'assujettissement à ces différents régimes. Les
régimes d'imposition issus de cette réforme tendent à
corriger les disparités du système fiscal actuel et à
instituer toutes les mesures de nature à prévenir et supprimer la
fraude et l'évasion fiscale34.
33 NZAKOU (A), système comptable OHADA par
l'exemple : difficultés comptables et fiscales, Tome 1, 4e
éd, Imprimerie saint Paul Yaoundé, 2001, p. 72.
34 Précisons ici avec le Professeur. C.
ROBBLEZ-MASSON que le vocabulaire fiscal utilise parfois indifféremment
les deux expressions de fraude et d'évasion pour désigner une
contravention (lato sensu) à la loi fiscale. Or, cette assimilation
terminologique ne peut être admise car les deux expressions renvoient
à des comportements différents de la part des contribuables face
au phénomène fiscal qu'il ya lieu de distinguer
nécessairement. Sur cette question, voir la Thèse de Professeur.
C. ROBBLEZ-MASSON, La notion d'évasion fiscale en droit interne
français, Paris, LGDJ, 1990.
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Par ailleurs les régimes d'imposition tels qu'ils se
présentent aujourd'hui, reposent alors sur « un système
moderne de type déclaratif, largement comparable sur de nombreux points
à ceux en vigueur dans les pays occidentaux35 ».
Les nouveaux régimes se présentent ainsi qu'il
suit : le régime de l'impôt libératoire, pour les
entreprises individuelles, dont le seuil d'assujettissement a été
ramené à moins de 10 millions de chiffre d'affaires au lieu de 15
millions comme antérieurement ; le régime simplifié, pour
les contribuables réalisant un chiffre d'affaires égal ou
supérieur à 10 millions et inférieur à 50 millions.
Le régime réel, pour les contribuables dont le chiffre d'affaires
est égal ou supérieur à 50 millions.
Fort du constat selon lequel le paysage fiscal camerounais est
en perpétuel mutation, les entreprises ne se contentent plus aujourd'hui
de remplir leurs obligations fiscales par souci de sécurité.
Elles passent d'une gestion passive à une gestion proactive de la charge
fiscale en cherchant à optimiser leur fiscalité au lieu de la
subir. Cette optimisation passe nécessairement par une étude
comparative des différents régimes d'imposition car pour
l'entreprise, le régime d'imposition occupe aussi une place de choix en
raison de son implication dans la quasi-totalité des décisions de
gestion et de son incidence sur la compétitivité.
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