Conclusion du Troisième chapitre
Le système fiscal camerounais a connu depuis la loi da
finances de l'exercice 2012, plusieurs grandes réformes fondamentales,
ces réformes se rapportent d'une part à la refonte des
régimes d'imposition marquée par la suppression du régime
de base et la consécration du chiffre d'affaires comme critère
dominant à l'éligibilité d'un régime d'imposition.
En tout état de cause, en dépit de ces forces, les obligations
fiscales des contribuables du régime simplifié et du
régime du réel, bien que constituant un critère objectif
de comparaison desdits régimes, souffrent d'un rapprochement entre
objectifs de transparence visés et d'équité fiscale
ajoutons à cela l'ampleur de la fraude fiscale. Dans ce chapitre, il
était question de mettre en exergue les critères de comparaison
du régime simplifié d'imposition et du régime réel
pour ce qui est des obligations de déclaration et de paiement.
76
CHAPITRE IV. LES OBLIGATION COMPTABLES.
La comptabilité est un élément essentiel
du système d'information des entités188. L'histoire de
la comptabilité, l'évolution de sa technique, et ses objectifs
sont liés au développement du commerce et de l'industrie.
Dès que les hommes ont échangé des biens, ils ont
cherché à conserver des traces de leurs transactions et de leurs
résultats. Les archéologues ont trouvé dans les
civilisations égyptiennes et romaines, des formes d'enregistrement
comptable, une comptabilité simple s'est formée enregistrant
uniquement les dépenses et les recettes et fournissant le solde
possédé en monnaie.189L'utilisation de la monnaie
après la phase de l'économie de troc, a été
importante pour le développement de la comptabilité.
Après le Moyen Age, l'apparition de la notion «
capital productif », selon laquelle le commerce doit permettre de
créer un capital complémentaire qui peut être
réemployé, ainsi que l'apparition des premières banques et
le développement du crédit ont fourni les bases
nécessaires à l'élaboration d'un système comptable.
La nécessité de tenir « des comptes de personnes » (les
créances et les dettes des correspondants) est apparue la
première, et ensuite, on a pensé à tenir un compte pour
l'ensemble des biens possédés et enfin un compte retraçant
les gains et les pertes monétaires. Cet ensemble de comptes a conduit
à l'élaboration du système dit de « la partie double
».
Les historiens estiment que la comptabilité à
partie double est apparue vers 1340 à Gênes (Italie), mais elle ne
s'est développée qu'à partir du 14ème
siècle en Italie du nord et ce n'est qu'en 1494 qu'en est publié
le premier ouvrage du mathématicien italien Luca POCIOLI sous le titre
« Summa de arithmetica, geométria, proportioni et
proportionalita », et qui peut être considéré
comme l'acte de naissance de la comptabilité moderne.
L'Acte Uniforme relatif au droit comptable tel que
préconisé par le traité de l'OHADA s'est fixé entre
autres objectifs de faire de la comptabilité un outil de gestion des
entreprises190. Sont astreintes à la mise en place d'une
comptabilité dite comptabilité générale, les
188 Une entité est définie comme un ensemble
organisé d'une ou plusieurs personnes physiques ou morales et
d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une
activité économique qui poursuit un objectif propre. Par
activité économique, il faut entendre toute activité
(civile ou commerciale) produisant des biens ou des services marchands ou non
marchands exercée dans un but lucratif ou non. L'Assemblée
plénière de la Commission de Normalisation comptable de l'OHADA a
conclu que le terme « entité » répond mieux au champ
d'application de l'Acte Uniforme qui regroupe plusieurs organisations
nommées différemment dans leurs dispositions juridiques
spécifiques.
189 BOUKSSESSA SOUHILA (K), Mise en place d'un système
de comptabilité analytique dans une entreprise algérienne : cas
de l'algérienne des fonderies d'Oran-ALFON, Mémoire de Magister
en Sciences Commerciales, option Management/audit, Comptabilité et
Contrôle, Université d'Oran, année 2009/2010. 190p. P.33 et
s.
190 ALAKA ALAKA (P) et MBADIFFO KOUAMO (R), Fiscalité
et comptabilité le principe d'évaluation des impôts et
taxes leur comptabilisation selon le système OHADA,
1ère édition B et Co Conseils, février 2002,
305p. p. 79.
77
entreprises soumises aux dispositions du droit commercial, les
entités à capitaux publiques, parapubliques, d'économies
mixtes, les coopératives et plus généralement, les
entités produisant des biens et des services marchands ou non marchands,
dans la mesure où elles exercent, dans un but lucratif ou non, des
activités économiques à titre principal ou accessoire qui
se fondent sur des actes répétitifs, à l'exception de
celles soumises aux règles de la comptabilité
publique.191 La comptabilité doit satisfaire, dans le respect
de la règle de prudence, aux obligations de régularité, de
sincérité et de transparence inhérentes à la tenue,
au contrôle, à la présentation et à la communication
des informations qu'elle a traitées.
L'entité doit satisfaire aux exigences de
régularité et de sécurité pour assurer
l'authenticité des écritures de façon à ce que la
comptabilité puisse servir à la fois d'instrument de mesure des
droits et obligations des partenaires de l'entité, d'instrument de
preuve, d'information des
tiers et de gestion.
La comptabilité est une branche de la science
économique, qui s'occupe de la collecte, du traitement, et de l'analyse
des données chiffrées au sein de l'entité192.
Elle permet de décrire toute activité de l'entreprise au cours
d'une période annuelle appelée « exercice comptable ».
Selon ROSSIGNOL « c'est une technique destinée à fournir
des renseignements chiffrés d'ordre juridique et économique sur
l'entreprise ».
La comptabilité est une technique de mesure qui
consiste, à enregistrer et mémoriser l'activité d'un agent
économique, privé ou public ou de la Nation. Elle est
destinée à servir d'instrument d'information à l'agent
lui-même, ou au public, en vue soit de répondre à
l'obligation légale et fiscale, soit de l'analyse de la gestion et de la
prévision. La comptabilité désigne aussi l'ensemble de
livres et documents comptables d'une entité ou d'un
particulier193.
En tant qu'outil de centralisation, de synthèse et
d'assiette fiscale, la comptabilité constitue la principale base du
contrôle fiscal et par conséquent, de la découverte de
défaillances fiscales. Elle incarne aussi les choix fiscaux de la
direction tels que les dégrèvements physiques ou financiers, les
modes d'amortissements, etc.194
Des procédures efficaces de saisies et d'imputation
d'analyse et de justifications comptables et rapprochements
comptabilité-fiscalité sont de nature à réduire les
risques fiscaux d'origine
191 Article 2 de l'Acte Uniforme portant organisation et
harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les
Etats-parties du traité relatif à l'harmonisation du droit des
affaires en Afrique.
192 Par entité, le droit comptable regroupe les acteurs
suivants inclus dans son champ d'application : les entreprises, les
sociétés, les groupes, les groupements d'intérêt
économique, les compagnies, les associations, les coopératives,
les projets de développement et tous autres acteurs qui exercent une
activité économique.
193 SILEM (A) et ALBERTINI (J-M.), Lexique d'économie,
Dalloz, 1999, p. 239.
194 BEN HADJ SAAD (M.), L'audit fiscal dans les PME :
proposition d'une démarche pour l'Expert-comptable, Mémoire pour
l'obtention d'un Diplôme d'Expert-comptable, Université de Sfax,
janvier 2009, 188p. p. 97.
78
comptable195. La tenue de la comptabilité
doit satisfaire au respect des principes édictés par l'Acte
Uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des
entités. Toutefois, force est de constater « qu'un rapprochement
des principes comptables permet par ailleurs de bien marquer cette
volonté d'arrimage du droit comptable de l'OHADA aux normes
internationales196». On distingue trois branches de la
comptabilité :
-la comptabilité générale, elle a pour
principal rôle l'enregistrement chronologique des opérations de
l'entité. Elle permet de déterminer le résultat global de
l'entité et l'établissement des états financiers.
-la comptabilité analytique d'exploitation, elle a pour
but la détermination du résultat de l'entité par secteur
d'activité et la prise de décision.
-la comptabilité budgétaire, elle permet
l'établissement du budget, la détermination et l'analyse des
écarts.
Rappelons qu'il n'existe pas une branche de la
comptabilité dite comptabilité des entités. De
manière générale, le vocable comptabilité des
entités regroupe un ensemble d'opérations à
caractères spécifiques par rapport à celles relevant du
domaine de la comptabilité financière ou générale.
La comptabilité des entités intègre dans sa mise en oeuvre
des principes déjà fondamentaux du point de vue de la
comptabilité financière : le principe de la partie double, le
principe de quantité, le principe de prudence. Il existe cependant une
démarcation entre la comptabilité financière et la
comptabilité des entités notamment au niveau des ressources
donnant lieu aux écritures comptables, on sait de manière
traditionnelle que la comptabilité financière s'inspire
essentiellement des documents décrivant les flux courants, (factures,
chèques, bon de caisse, effet de commerce).
La comptabilité des entités n'échappe pas
totalement à cette logique, toutefois, si dans le cadre de la
comptabilité financière l'analyse porte sur les opérations
affectant la situation de l'entité au jour le jour (on dit d'ailleurs
que c'est une comptabilité des opérations courantes). Une
particularité de la comptabilité des entités est qu'elle
s'inspire exclusivement des dispositions statutaires, il s'agira ainsi dans le
cadre de cette comptabilité spéciale de voir comment transcrire
en langage comptable les opérations relatives à la
création des entités , ou de voir comment matérialiser du
point de vue comptable les opérations d'affectation du
195 YAICH (R), L'impôt sur les sociétés
2007: maîtrise des risqué fiscaux, les éditions Raouf
Yaich, 2007, 149p. p. 19.
196 NGANTCHOU (A), Recentrage du cadre comptable, durcissement
de l'environnement fiscal et persistance de la gestion des données
comptables : étude du comportement des petites et moyennes entreprises
camerounaises, mai 2008 France, 41p. p. 19.
79
80
81
bénéficie, ou encore comment rendre compte
coupablement des évènements touchant au changement de la
structure sociale (variation du capital social, restructuration,
dissolution)197. En tout état de cause, les liens entre la
comptabilité et la fiscalité sont tels qu'il en résulte
une interdépendance, entre les deux disciplines. De ce fait, la
fiscalité influence fortement la présentation du système
comptable (section II) au point qu'il est impossible de se prononcer sur la
régularité des états financiers de l'entité sans
envisager simultanément la régularité au plan fiscal du
système de comptabilité applicable (section I).
SECTION I. Le système de
compatibilité.
L'organisation comptable mise en place dans l'entité
doit satisfaire aux exigences de régularité et de
sécurité pour assurer l'authenticité des écritures
de façon à ce que la comptabilité puisse servir à
la fois d'instrument de mesure des droits et obligations des partenaires de
l'entité, d'instrument de preuve, d'information des tiers et de gestion.
Pour réaliser à bien cette mission, le législateur a
scindé la comptabilité en deux grands systèmes de
comptabilité : la comptabilité d'engagement (Sous-section 1)
réservée aux entités de grande taille notamment celles
relevant du régime réel et la comptabilité de
trésorerie (sous-section 2) applicable aux entités de petite
taille et relevant du régime simplifié.
Sous-section 1. La comptabilité d'engagement
appliquée au régime réel
La comptabilité d'engagement ou comptabilité
dite « en partie double », est une comptabilité de
prévisions qui a pour but de fournir à tout moment une
évaluation approchée des dépenses imputables à
l'année financière en cours, pour ce qui concerne les
autorisations de programme de la période.
L'organisation comptable doit assurer : un enregistrement
exhaustif, au jour le jour, et sans retard des informations de base ; le
traitement en temps opportun des données enregistrées ; la mise
à la disposition des utilisateurs des documents requis dans les
délais légaux fixés pour leur
délivrance198.
C'est une comptabilité qui porte sur toutes sortes de
propositions d'engagements et qui a pour objectif de s'assurer que la dite
proposition est faite sur un crédit disponible (disponibilité
de
197 TCHAMEGNE (R-M.), KENNE BOB (E), Fiscalité des
entreprises et comptabilité des sociétés, comprendre les
principes généraux de l'imposition et la comptabilité des
sociétés, édition 2011, 61p. p. 46.
198 Article 15 de l'Acte Uniforme relatif au droit Comptable et a
l'Information Financière.
crédit) et qu'elle a une nature conforme à la
rubrique budgétaire sur laquelle il est proposé de l'imputer
(exacte imputation budgétaire)199.
La comptabilité d'engagement, également
appelée comptabilité sur les débits ou comptabilité
créances et dettes, représente une méthode
particulière d'enregistrement des opérations comptables et
obligatoires pour certaines formes d'entités (Société,
entreprise, association, etc.).
Pour garantir la fiabilité, la compréhension et
la comparabilité des informations, la comptabilité de chaque
entité implique : le respect d'une terminologie et de principes
directeurs communs à l'ensemble des entités concernées des
États parties au Traité relatif à l'harmonisation du droit
des affaires en Afrique ; la mise en oeuvre de postulats, de conventions, de
méthodes et de procédures normalisées et
éventuellement par secteur professionnels.
Une organisation répondant à tout moment aux
exigences de collecte, de tenue, de contrôle, de présentation et
de communication des informations comptables se rapportant aux
opérations de l'entité visées à l'article
premier
La définition de la notion de comptabilité
d'engagement permettra d'identifier les personnes astreintes à la tenue
de cette comptabilité (A) et de relever les avantages et les
inconvénients liés à ce système de
comptabilité (B).
A. La définition et l'identification des personnes
astreintes
La comptabilité d'engagement est une méthode
d'enregistrement comptable par laquelle les recettes et les dépenses
sont comptabilisées lorsqu'elles sont acquises (recettes) ou
engagées (dettes) même si elles se rapportent à des
opérations qui ne sont pas dénouées sur le plan financier
(payées)200. Elle s'oppose à la comptabilité de
trésorerie, méthode dans laquelle les opérations ne sont
comptabilisées que lorsqu'elles ont généré un flux
financier, c'est-à-dire lorsqu'elles ont été
encaissées ou payées.
En pratique, elle consiste à enregistrer toutes les
pièces justificatives au jour de l'établissement de celles-ci :
les factures d'achats et de ventes sont comptabilisées à leur
date de facturation, les salaires et charges sociales sont comptabilisés
à chaque fin du mois, les déclarations de TVA sont
comptabilisées en fonction de leur périodicité (mois,
trimestre, ou
199 AGHZERE (Y), Le contrôle et la gestion des
marchés publics : cas du CCED et du Crédit Agricole du Maroc,
Ecole Nationale d'Administration, Diplôme du cycle normal en Gestion
Administrative, 2005, 114p. p. 34.
200 HAKO (S), Comptabilité et gestion assistées par
ordinateur, versions éducatives, 1ère édition,
292p. p. 22.
année).Sont tenues d'établir leurs comptes en
appliquant les règles de la comptabilité d'engagement. Les
entités du régime réel, les personnes morales de droit
public et privé.
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