Conclusion du chapitre premier.
Au regard de ce qui précède, on pourra penser
que la fiscalité des investissements est étroitement liée,
ou est en elle-même une réduction substantielle des charges
fiscales. Par ailleurs, cette conception n'est qu'une illusion car, il s'agit
là des instruments de gestion fiscale. L'entreprise doit pouvoir se
doter des moyens tant matériels que humains, eu égard à sa
politique fiscale, pour réduire à travers les dispositions
légales de cette fiscalité, ses charges fiscales82.
32
82 KOLOKO DJOMENI (E), La fiscalité des
investissements et optimisation fiscale au Cameroun, Mémoire de DESS,
option Fiscalité Appliquée, Université de Douala,
année, 96p. p. 12.
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CHAPITRE II. LE RATTACHEMENT DES REGIMES AUX UNITES DE
GESTION DE L'ADMINISTRATION FISCALE
Dans le modèle traditionnel, les administrations
étaient spécialisées par catégorie d'impôts.
Dans les pays francophones d'Afrique, notamment au Cameroun, trois
administrations différentes (les régies) étaient
responsables respectivement des impôts directs, des impôts
indirects, et des droits d'enregistrement et de timbre. Cette structure
traditionnelle comportait de nombreux inconvénients, y compris notamment
une absence de vision globale sur la situation des contribuables, la
multiplication des interlocuteurs, une superposition des contrôles, la
multiplication des procédures redondantes, le cloisonnement des
services, une augmentation des risques de collusion entre les agents et les
contribuables, et des coûts administratifs élevés pour
l'administration et les entreprises. Dans le souci d'organiser par fonction les
services de l'administration fiscale, l'Etat a pensé à mettre sur
pied un nouveau modèle d'organisation administrative. Dans ce
modèle dominant, l'organisation est fondée sur une
répartition des services (ou « directions », voire «
divisions ») sur la base des principales missions ou « fonctions
» (y compris notamment : l'immatriculation et les services aux
contribuables, le contrôle fiscal, le recouvrement, la gestion des
ressources, et l'informatisation). Dans ce modèle, l'ensemble des
informations fiscales concernant un même contribuable est regroupé
dans un « dossier unique ». Ce type d'organisation présente
des avantages évidents par rapport à la structure
fragmentée des anciennes « régies », notamment : une
diminution des coûts de gestion pour les contribuables et pour
l'administration, une simplification des formalités et une
amélioration des services grâce à la mise en place d'un
interlocuteur unique, une amélioration des programmes de contrôle
et d'action en recouvrement, et un traitement cohérent de l'ensemble des
obligations.
L'introduction de la gestion fiscale83du risque a
commencé par la segmentation de la population fiscale (section I) au
début des années 1990, ce qui a permis la mise en oeuvre des
compétences de rattachement (section II) dans le modèle, des
services centraux et extérieurs.
83 La gestion fiscale consiste dans l'ensemble des
actions et des décisions prises par l'entreprise à
maîtriser et réduire sa charge fiscale avec la plus grande
efficacité et sans l'exposer à des risques supérieurs
à l'économie qu'elle a pu réaliser.
34
Section I. La segmentation de la population fiscale
La segmentation est souvent basée sur la distinction de
trois catégories de contribuables : les grandes, moyennes, et petites
entreprises. Au Cameroun, les réformes fiscales engagées offrent
la possibilité de regrouper la population fiscale en fonction des
régimes d'imposition. La segmentation de la population fiscale prenant
en compte les besoins spécifiques des contribuables et leurs obligations
respectives commence par la création de services des grandes
entreprises84. Dans ce modèle, les services centraux et les
services extérieurs (c'est-à-dire le service des grandes
entreprises et les services chargés respectivement des moyennes et des
petites entreprises) restent organisés sur une base
fonctionnelle85. Afin d'atteindre ses objectifs de
sécurisation et d'accroissement des recettes fiscales, l'Administration
Fiscale camerounaise a trouvé judicieux de mettre sur pieds le
mécanisme de segmentation de la population fiscale dans le but
d'affecter chaque contribuable dans un centre d'impôt territorialement
compétent et en fonction des compétences de rattachement et du
cadastre fiscal. Cependant, la segmentation de la population fiscale est un
puissant levier de comparaison des régimes d'imposition, dans la mesure
où, les régimes sont classés d'une part en fonction de la
taille de la population fiscale (sous-section 1) et d'autre part en fonction de
l'unité de gestion de rattachement (sous-section 2).
84 Une distinction fréquente en Afrique est
celle faite entre les petites entreprises (chiffre d'affaires inférieur
au seuil de TVA), les entreprises moyennes, et les grandes entreprises. La
caractéristique fondamentale des petites entreprises est qu'elles
représentent la vaste majorité des entreprises (de 80 à 90
%), alors que les recettes générées par leurs
activités représentent une part très faible des recettes
(moins de 5-10 %). En revanche, il est fréquent que moins de 1 % des
grandes entreprises soient à l'origine de plus de 70 % des recettes.
Entre ces extrêmes, les entreprises moyennes représentent souvent
de 10 à 20 % du total des contribuables et génèrent
fréquemment de 20 à 30 % des recettes.
85 Dans certains pays de l'OCDE, la segmentation a
été étendue aux services centraux mais il est
prématuré d'évaluer les mérites éventuels de
cette extension. En tout état de cause, il est évident que seules
les administrations dans lesquelles toutes les fonctions fiscales sont
maitrisées peuvent envisager une approche aussi radicale.
35
Sous-section 1. La taille de la population fiscale
selon le chiffre d'affaires
Pour la plupart des pays, et notamment au Cameroun, la
population fiscale constitue un modèle utilisé pour poursuivre la
modernisation de l'administration fiscale et développer de nouvelles
procédures. Dans le cadre de la réforme des régimes
d'imposition, le législateur fiscal camerounais a rattaché le
régime réel aux grandes entreprises (A) et le régime
simplifié aux moyennes et petites entreprises (B).
A. Le régime réel appliqué aux
moyennes et grandes entreprises
L'appellation retenue pour ces unités de gestion est la
Direction des Grandes Entreprises (DGE), et le Centre des Impôts des
Moyennes Entreprises (CIME). Le nombre d'entreprises gérées est
similaire pour la majorité des pays (de 500 à 1 000 qui procurent
généralement 60 à 80 % des recettes fiscales
intérieures). Le critère prédominant pour la
sélection les grandes entreprises est le chiffre d'affaires, mais
d'autres critères complémentaires sont parfois retenus tels que
l'appartenance à un groupe de sociétés ou la nature de
l'activité (exploitations minières ou pétrolières,
banques et assurances notamment).
Les conséquences de la mise en oeuvre de ces services
ont été perçues comme positives dans la totalité
des pays concernés86. En mobilisant des effectifs
réduits (souvent moins d'une centaine d'agents,
généralement choisis parmi les plus motivés), les services
des grandes entreprises ont souvent permis de sécuriser rapidement une
part importante des recettes fiscales. Pour la plupart des pays, ils ont
également constitué un modèle qui a été
utilisé pour poursuivre la modernisation de l'administration fiscale et
développer de nouvelles procédures. Malheureusement, la plupart
des grandes entreprises créées se voient successivement soit
liquidées pour cause de faillite, soit tout simplement
privatisées au bénéfice des investisseurs
étrangers. Les causes de cet échec sont nombreuses : la mauvaise
gestion, la non adaptation aux marchés, la non adaptation des politiques
économiques élaborées par les institutions internationales
notamment le FMI et la BM, l'ouverture brutale des marchés aux produits
étrangers facilitée par la mondialisation. Par ailleurs les
entreprises du régime simplifié relèvent de la
catégorie des petites et moyennes entreprises
86 Cette appréciation favorable est conforme
aux conclusions de l'étude conduite en 2002 pour un échantillon
représentatif de pays (cf. Improving Large Taxpayers'
Compliance, Katherine Baer, 2002).
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