2.1.3 Et si finalement la performance humaine était
nocive pour la performance économique?
Cela nous semble contestable et peu probable, pour trois
raisons. La première, parce que cette idée est contraire à
l'intuition. La deuxième, parce que le bien-être est avant tout le
signe d'un bon fonctionnement de l'individu. La troisième, parce que les
recherches évoquées dans le présent document sont des
méta études, qui compilent des centaines d'études
déjà réalisées. Elles ne sont donc, par nature, pas
partisanes, ni partiales. Par ailleurs en tant que consolidations de
recherches, elles indiquent une tendance de fond ou un principe
général plutôt qu'un concept spécifique ou
isolé.
Néanmoins, si toutes ces recherches s'étaient
trompées, alors les dirigeants économiques seraient face à
leurs responsabilités et devraient démontrer leur
intérêt pour le bien-être des collaborateurs comme une fin
en soi, et pas uniquement comme un moyen vers une meilleure performance
économique.
A ce titre, l'ouvrage « Compagnie & Liberté
» d'Isaac Getz et Brian M. Carney est porteur d'espoir; on y
dépeint des managers qui y visent le bien-être des collaborateurs,
et qui le font d'abord et avant tout pour ceux-ci. Si cela s'avère
profitable économiquement pour l'entreprise, l'ouvrage le
présente uniquement comme une conséquence, et non pas comme le
but visé prioritairement. On trouve par ailleurs un nombre non
négligeable de témoignages de dirigeants économiques,
notamment des autobiographies, qui ont opéré un changement de
mentalité en profondeur ; or, le point de départ de ces
évolutions personnelles n'était pas la recherche de
rentabilité financière accrue.
2.2 Les freins à une meilleure prise en compte du
bien-être au travail : approches générale et
contextualisée à la Macif
Après avoir tenté d'éclairer la
corrélation entre bien-être et performance, on peut s'interroger
quant au fait que ce paradigme soit aujourd'hui aussi peu pris en
considération dans les entreprises. Cette partie vise à mettre en
exergue quelques obstacles expliquant cette situation actuelle.
2.2.1 Des éléments contextuels peu
propices
Il ressort de publications38 de l'Indice du
Bien-Être au Travail (IBET, de Mozart
Consulting) que le climat est globalement bien meilleur dans les
entreprises industrielles que
38 Etude mise en avant par le groupe Apicil lors de
la présentation de son livre blanc sur la santé au travail, le 20
septembre 2011, et menée par le cabinet de ressources humaines Mozart
Consulting
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
dans les sociétés de services et ce
malgré les menaces pour l'emploi pesant sur le secteur manufacturier
(risques de délocalisation, niveaux de salaires plus faibles).
Si le secteur de l'industrie se distingue (IBET de 0.86) dans
un contexte défavorable c'est en raison de trois facteurs : d'une part,
il fixe l'emploi et protège de l'incertitude du lendemain ; d'autre
part, il valorise les métiers ; enfin, « les salariés ont un
rapport direct, voire affectif avec ce qu'ils produisent » (Victor
Waknine, fondateur et associé gérant de Mozart consulting).
Ainsi, l'argument implicite selon lequel le bien-être
des collaborateurs est un levier incohérent en période de crise
ou dans un secteur en crise est invalidé par les taux de satisfaction
élevés dans ces secteurs. La crise ne constitue pas un frein
définitif au bien-être des collaborateurs.
Enfin, la crise est a fortiori l'occasion de chercher de
nouveaux leviers de compétitivité pour les organisations. On
soulignera que les politiques cherchant à favoriser le bien-être
des collaborateurs ne sont en aucun cas synonymes de politiques sociales, et
n'impliquent donc pas nécessairement de dépenses
supplémentaires.
Dans un récent article du journal Les
Echos39, s'interrogeant sur le moyen le plus sûr de relancer
la croissance en France aujourd'hui, les auteurs estiment que «
l'amélioration des conditions de travail - définie au sens le
plus large - pourrait conduire à une amélioration très
sensible de l'efficacité de nos entreprises ». Par le prisme
économique, ils soulignent qu'une première estimation laisse
à penser que le gain de croissance serait ainsi voisin de 1% au niveau
du PIB français.
Ce même article évoque également un aspect
qui nous semble non négligeable et qui a trait à la
nécessité que, pour la majorité des salariés, le
travail ne soit plus assimilé à son origine latine de torture
(« tripalium »40).
Au sein du groupe Macif, la période difficile que
traverse l'entreprise ne semble pas a priori propice à ce virage
culturel qui érigerait le bien-être des collaborateurs en facteur
de dynamisation de la performance. Reste toutefois que le lancement depuis fin
2013 d'une nouvelle démarche de réflexion pour élaborer la
stratégie du Groupe au-delà de 2015
39 Les Echos 9/10/2013. Le bien-être au travail:
1% de croissance en plus - LA CHRONIQUE DU CERCLE DES ÉCONOMISTES, par
Olivier Pastré et Alexandre Jost
40 Étymologie du mot TRAVAIL: tripalium
(latin populaire), qui désignait un instrument d'immobilisation (et
éventuellement de torture) à trois pieux. Le mot "travail"
désignait autrefois l'état d'une personne qui souffre (ce sens
est toujours utilisé en obstétrique). Il a été
étendu ensuite aux occupations nécessitant des efforts
pénibles, celles des "hommes de peine", puis à toutes les
activités de production.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
constitue une opportunité pour remettre à plat
l'existant, s'interroger sur son efficience et permettre une prise de
conscience des dirigeants sur l'intérêt d'un tel changement de
paradigme.
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