PARTIE 2 :
LIMITES ET FREINS A LA PRISE EN COMPTE DU BIEN-ETRE AU TRAVAIL
COMME VECTEUR DE PERFORMANCE ECONOMIQUE
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
2 LIMITES ET FREINS A LA PRISE EN COMPTE DU BIEN-ETRE AU
TRAVAIL COMME VECTEUR DE PERFORMANCE ECONOMIQUE
2.1 Les limites du paradigme selon lequel le
bien-être des collaborateurs
influe sur la performance de l'organisation 2.1.1
Le degré de bien-être « marginal»
Et si la recherche du bien-être au travail comme facteur
d'amélioration de la performance de l'organisation comportait des
limites au-delà desquelles le bien-être ne produit plus d'effet,
voire comporte des conséquences négatives pour l'entreprise?
Menant des recherches fondées sur la différence
entre les modérément heureux et les très heureux,
plusieurs chercheurs36 ont conceptualisé la notion de niveau
optimum de bien-être. A la question de savoir si être plus heureux
est toujours nécessairement mieux, ils constatent tout d'abord que, si
tous recherchent le bonheur, l'absence d'émotion négative est
préjudiciable.
Sans entrer dans les psychopathologies, on constate que les
états déplaisants entraînent une motivation à
l'action susceptible d'améliorer son niveau de satisfaction. Un
très haut niveau de satisfaction empêcherait donc les individus
d'atteindre leur plein potentiel. En outre, un très haut niveau de
bonheur peut également être dommageable s'il produit des
émotions positives dans une situation entraînant des
conséquences inappropriées. Un ratio positif-négatif trop
élevé est également préjudiciable et peut
entraîner une modification du comportement, lequel a tendance à
devenir plus rigide. Ainsi donc, ils conviennent qu'un niveau de bonheur qui
n'est pas trop élevé est plus recommandé en termes de
développement personnel et de compétences analytiques.
Un exemple pour illustrer ces résultats : les individus
qui sont totalement satisfaits dans leur situation professionnelle sont alors
moins disponibles pour l'acquisition de nouvelles compétences, changer
de travail. À l'inverse, les personnes heureuses, mais à un
degré moindre, sont plus flexibles et plus aptes à gérer
de nouvelles situations.
Ainsi, en termes de performance, le niveau de bonheur optimal
n'est pas nécessairement le niveau de bonheur le plus
élevé.
36The Optimum Level of Well Being, Can People Be Too
Happy - Shigehiro Oishi, University of Virginia, Ed Diener, University of
Illinois et Richard E. Lucas de Michigan State University
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performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
L'organisation peut donc en théorie se trouver face
à l'alternative suivante:
- ou bien cultiver le bien-être des collaborateurs
à son degré le plus élevé et ainsi les voir
franchir un point d'inflexion de performance. Dans ce cas, passé ce
seuil, l'organisation pourrait être amenée à substituer de
la performance humaine à de la performance économique;
- ou bien cultiver le bien-être des collaborateurs
jusqu'à ce seuil limite, sans le dépasser, de peur de voir sa
performance économique diminuer ensuite, bien que compensée par
l'augmentation de la performance humaine.
On touche donc ici les limites de l'alignement de la
performance humaine et économique.
Le seuil évoqué ci-dessus est intéressant
car le choix qu'il force est définissant et mettrait en lumière
les organisations qui ne poursuivraient le bien-être des collaborateurs
que comme une voie vers la performance économique, versus celles qui le
voient comme une fin en soi, à concilier toutefois avec des
impératifs économiques.
2.1.2 Le bien-être du collaborateur ne
dépend que partiellement de l'organisation
On a tendance à croire que c'est le succès qui
précède le bonheur, or c'est précisément le
contraire. Selon Shawn Achor, le bonheur est un point de départ et non
la conséquence de la réussite. Les personnes qui cultivent un
esprit positif s'avèrent plus performantes face à un défi.
C'est ce qu'il appelle « the happiness advantage ». En effet, les
recherches ont démontré que quand les gens travaillent avec un
esprit positif, cela fournit des performances plus élevées en
termes de productivité, créativité, engagement.
Ainsi, fort d'une méta étude37,
l'auteur propose des exercices pratiques afin de développer notre
cerveau à devenir plus positif tout en gagnant en
compétitivité.
Toutefois, l'organisation se retrouve face à ce
casse-tête : effectivement la performance résulte bien du
bien-être du collaborateur. Or ce bien-être là, global,
n'est que partiellement (fort heureusement) déterminé par le
bien-être au travail. La limite du paradigme consiste donc en
l'incapacité (théorique et éthique) à favoriser de
manière complète le bien-être de ses collaborateurs. Cette
réflexion interroge néanmoins la question de la porosité
entre vie privée et vie professionnelle.
37The Happiness Advantage, The Seven Principles of
Positive Psychology That Fuel Success and Performance at Work, Shawn Achor.
Etudes autour de 45 pays.
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