SECTION II : LA
REGLEMENTATION PRUDENTIELLE ET LE FINANCEMENT DE L'ECONOMIE
La question du financement de l'économie a fait l'objet
d'une recherche approfondie. On admet d'ailleurs dans la littérature que
l'environnement réglementaire constitut un déterminant du
financement. En particulier, il est également admis que la
réglementation bancaire occasionne des coûts directs de
fonctionnement et des coûts indirects liés à des possibles
effets pervers (De Boissieu et Couppey-Soubeyran, 2013). Dans certains cas, les
banques font supporter aux clients les coûts réglementaires (Beck
et al., 2008). Il est question de ressortir les enseignements
théoriques afin de mieux mettre en avant les effets de la
réglementation prudentielle sur le financement des économies de
la sous-région.
II.1.
Les enseignements de la littérature
La productivité des banques s'entend donc par la
capacité du système bancaire à mettre à la
disposition de cette économie des fonds nécessaires et suffisants
pour ses projets d'investissements. Les banques occupent ainsi une place
primordiale dans le financement de l'économie. On comprend dès
lors pourquoi il est nécessaire de les réguler.
II.1.1. Théories explicatives
Le système bancaire est un agent constitutif du
système financier. En tant qu'intermédiaire financier, le
rôle premier d'une banque est de collecter l'épargne auprès
des agents à capacité de financement et d'octroyer du
crédit à ceux à besoin de financement (Scialom, 2007).
Les modalités de financement d'une économie sont
susceptibles d'être influencées par les facteurs structurels tels
que :
- le redéploiement productif dont ont besoin les
économies nécessite des financements risqués de long
terme.
- La contra cyclicité de la politique monétaire
qui la rendra plus agressive et entrainera une augmentation des taux
d'intérêt.
- La diminution de par la disponibilité des capitaux
induite par la baisse de l'excès d'épargne. (Couppey, Garnier et
Pollin, 2013).
Face à ces tendances qui risquent de rendre le
financement de l'économie plus rare et plus cher, l'enjeu d'une plus
grande stabilité financière est crucial. Dans un système
financier mieux maîtrisé et contrôlé, on peut en
effet s'attendre à ce que la pénurie d'actifs sans risque soit
moindre (en raison d'une moindre demande d'actifs sans risques et d'une offre
plus large) et à ce que les investisseurs soient moins réticents
à détenir des actifs dont ils estiment les risques mieux
évalués (Couppey, Garnier et Pollin, 2013).
Différents types de régulation de la finance
peuvent être envisagés d'un point de vue théorique (Noyer,
2010) :
· Un premier niveau de régulation peut concerner
la surveillance des opérateurs bancaires par les banques centrales.
Cette surveillance peut être macro-prudentielle (surveillance de
l'endettement public et privé et des grands équilibres
macroéconomiques comme les déficits commerciaux et publics car
ils créent des besoins de financement), et micro-prudentielle quand elle
s'applique aux ratios des banques prises individuellement (vérification
de l'application des ratios de Bâle, par exemple). Elle peut aussi
s'accompagner d'une supervision, ayant un pouvoir de sanction et de coercition
auprès des banques qui ne respectent pas les règles
prudentielles.
· Un deuxième niveau de régulation peut
porter sur la séparation des activités bancaires. Il évite
alors au régulateur de regarder les opérations des banques, en
mettant en oeuvre une muraille entre les opérations risquées peu
réglementées (banque de financement et d'investissement, par
exemple) et des opérations de détail très
réglementées.
· Un troisième niveau de régulation peut
concerner l'interdiction de certaines opérations comme les
activités les plus risquées (titrisation de certaines dettes peu
sûres, spéculation pure sur les contrats à terme...) et
obliger à l'enregistrement via des chambres de compensation et
l'obligation de passer par des marchés réglementés,
interdisant les ventes de gré à gré (en direct entre
banques, par exemple). Il faut rappeler ici que la réglementation et le
contrôle des banques sont restées pour l'essentiel des
prérogatives nationales, tant au niveau des lois que de leur
application. La globalisation de la finance a été beaucoup plus
vite que celle de la réglementation bancaire,qui a par nature beaucoup
de retard sur la réalité des marchés.
La définition plus restrictive des fonds propres durs
ainsi que le durcissement des normes des ratios rapportant les fonds propres
réglementaires aux risques pondérés pourraient, selon
certains économistes, conduire les banques à réduire
leur exposition aux risques pondérés les plus
élevés, et donc les plus consommateurs de fonds propres, au
premier rang desquels se situent les crédits aux petites et moyennes
entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire En outre, le
ratio de liquidité de court terme, qui vise à s'assurer que les
banques disposent de suffisamment d'actifs liquides sur une période de
30 jours incite les établissements de crédit à
acquérir de la dette souveraine plutôt que de la dette
"corporate", plus risquée et moins liquide. De même, le ratio de
liquidité de long terme oblige les banques à disposer de
ressources longues alors que leur métier traditionnel s'exerce justement
à travers leur rôle de transformation (les banques accordent
essentiellement des prêts à moyen long terme mais elles se
financent à court terme via les dépôts, la collecte
d'épargne liquide ou le recours au marché monétaire). De
fait, le coût de leurs ressources devrait s'accroître et leur
rôle d'intermédiation se réduire. Selon ce scénario,
les banques seraient ainsi amenées à répercuter la hausse
du coût de leurs refinancements sur les taux des crédits qu'elles
octroient aux particuliers ou aux entreprises.
Les tensions haussières sur le coût du capital
pourraient aussi être réduites par une meilleure articulation des
politiques monétaire et prudentielle. Le renforcement de la
stabilité financière passe inévitablement par celui des
règles micro- et macro-prudentielles. Ainsi donc, les normes
prudentielles pourraient aider à déjouer des tendances
structurelles qui, si rien n'est fait pour les contrer, affecteront lourdement
les modalités du financement. Cette incidence positive des règles
prudentielles pour le financement de l'économie est bien sûr
à mettre en balance avec les difficultés d'ajustement qu'elles
occasionneront pour les établissements qu'elles concernent.
La problématique portant, sur le lien entre
réglémentation bancaire et financement de l'économie ont
fait l'objet de plusieurs travaux. Chiuri, Ferri et Majnoni analysent en 2002
les données de 572 banques de 15 pays développés. Leurs
résultats concluent à un effet négatif de
régulation sur l'offre de crédit et en général sur
la possibilité de financer de ces économies.
En ce qui concerne les économies prises
individuellement, les travaux menés Furlong en 1992 ainsi que ceux de
Haubrich et Wachtel en 1999 aboutissent à la conclusion selon laquelle
la régulation du capital aux Etats-Unis a contribué à une
diminution de l'offre de crédit. Wagster aboutit à la même
conclusion en ce qui concerne le Canada et la Grande Bretagne ; mais ce
dernier ne parvient pas démontrer le rôle de la
règlementation dans la diminution de l'offre de crédit dans les
cas de l'Allemagne et du Japon. Il en est de même pour Jackson et Al
(1999) qui ont démontré que les effets de la
règlementation sur l'offre de crédit ne s'exercent qu'à
court terme. Les résultats d'. Igue montrent l'existence d'une relation
négative entre le ratio des capitaux propres et la productivité
bancaire en ce qui concerne les banques de l'Union Economique et
Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA).En outre, une étude
réalisée par l'agence de Fitch (2013) sur la période
2010-2012 montre que la régulation bancaire diminue le financement
bancaire des entreprises européennes.
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